jeudi 30 juin 2016

Lecture : Thierry Vimal - Dans l'alcool


Thierry Vimal est un auteur discret. Une recherche sur le net suffit à en témoigner. Tout juste apprend t-on de lui qu’il est né en 1971 à Moulins et qu’il a suivi un cursus scientifique (océanographie). Par la suite, les choses se brouillent un peu car le bonhomme a mené une vie non conformiste. Il n’a pas trente ans quand il publie « Le grand huit » en 1999 aux éditions de l’Olivier. Roman imprégné de l’expérience de l’auteur du milieu des rave-parties et des cocktails de drogue et d’alcool, de défonce et de voyages.

En 2002 il publie « Dans l’alcool » toujours aux éditions de l’Olivier et qui raconte le séjour de 4 semaines du narrateur, Antoine, en cure de désintoxication pour vaincre son alcoolisme.

Les deux premières phrases du roman mettent directement dans l’ambiance : « Je suis dans le train et j’ai un poulpe à l’intérieur. Un mollusque déshydraté, lové contre mon diaphragme, attend patiemment. Bientôt il s’agite, réclame sa nourriture. Je connais ses habitudes. À dix-huit heures il diffuse son poison dans mes réseaux nerveux, sanguin, lymphatique, alors je lui cherche de l’alcool. »
J’ai relu cette semaine ce roman que j’avais déjà lu une première fois il y a une dizaine d’années. Peut-être un peu moins, j’avoue que le temps passe trop vite pour qu’il n’adhère vraiment à ma mémoire. Enfin, on s’en fiche, au fond. J’avais acheté ce bouquin « Dans l’alcool » sans rien connaitre de son auteur. Mais la lecture des premières lignes devant les alignements de livres de la librairie m’avait convaincu. 
Comme beaucoup de lecteurs, je me décide vite, lorsqu’il s’agit de choisir des livres à lire. L’auteur n’a pas énormément de temps disponible pour me convaincre, je suis du genre impatient. Alors je picore quelques phrases : les deux ou trois premières, toujours, et puis d’autres dérobées au hasard en feuilletant l’ouvrage.

La seconde lecture de ce roman me laisse une impression aussi positive que la première effectuée il y a … quelques années. 
Dans ce roman (ou ce récit romancé?) l'auteur parvient à échapper à la tentation du larmoyant. Il ne cherche pas à attendrir, il ne veut pas faire pleurer dans les chaumières. A l'inverse d'autres auteurs moins subtils (et plus connus...) habitués à ce genre d'exercice, Thierry Vimal évite l'écueil de la sensiblerie facile. 
Le lecteur est donc préservé de ces tics pénibles que l'on s'attend plus ou moins à retrouver dans un roman autobiographique qui - élément aggravant - témoigne d'une expérience que l'on imagine difficile à vivre. Il n'y a donc pas à supporter un étalage de bons sentiments ni des séances d'auto flagellation. Le narrateur conserve un certain détachement sur les événements qu'il rapporte en même temps qu'il reste sobre (ah ah jeu de mot!) dans le ton qu'il emploie. Détaché et sobre mais pénétrant et touchant malgré tout. On se sent une empathie naturelle pour ce type qui va passer quatre semaines au milieu d'inconnus avec lesquels il doit partager une envie de guérison commune où chacun apporte avec lui son histoire et ses cicatrices. 
Les perspectives de vie une fois cette cure achevée donnent à penser à toutes les tentations, à tous ces renoncements, à toutes ces gageures que vont devoir affronter les patients de cette cure. C'est également l'occasion de faire connaissance avec des personnages attachants, romancés juste ce qu'il faut pour que l'on adhère, sans dénaturer ce que l'on devine être des profils de personnes qui ont réellement croisé la route de l'auteur. 
Au final, voilà 270 pages qui se dévorent avec plaisir, le lecteur est porté par le rythme, l'écriture moderne de Thierry Vimal. Une fois le bouquin refermé je n'ai eu qu'une envie : lire d'autres ouvrages de l'auteur. Et boire un grand verre d'eau plate ! 

mercredi 29 juin 2016

Lancer la canne à pêche

Parfois les choses vous semblent toutes connectées entre elles. Non ? Enfin, je ne parle pas du big data et de big brother qui nous observe en se frottant les mains et en se bidonnant. 

Au milieu des ultimes corrections du roman que j'ai achevé au printemps et des séances de sélection des chroniques écrites entre 2004 et 2014, j'ai commencé à lâcher la bride à ce qui me sert de cerveau au sujet de mon prochain roman. Je ne sais pas encore quand je vais démarrer l'écriture à proprement parler de celui-ci. Le mois de novembre ou de décembre me semble opportun (j'écris mieux des histoires de longue haleine en hiver). Mais cela ne m'empêche pas de démarrer la phase de recherches et d'études. Une phase passionnante où l'on commence à noter des idées d'intrigue, de personnages, de décors... J'ai déjà pas mal de choses en tête mais il faut laisser macérer tout cela. (Pour rappel, un point plus ou moins à jour de mes projets est disponible dans la section <Projets> de ce blog).
Et c'est justement pendant cette phase de macération, que votre inconscient se positionne en pêcheur impénitent. J'imagine bien mon inconscient avec une casquette vissée sur le crane, se tenant debout au-dessus d'un rocher trempant dans une rivière entre deux gorges calcaires, la cane à pêche au-dessus de l'eau. C'est ça la phase de macération. L'inconscient est aux aguets, prêt à attraper tous les poissons qui voudront bien mordre à l'hameçon. Et on fera le tri plus tard. 

Dans ce prochain roman, parmi toutes les idées poissons qui tournent dans mon cerveau bocal, l'une concerne un personnage porté sur la bouteille. J'ignore encore à quel degré cela va être important dans l'histoire, s'il s'agira d'un simple background ou d'un élément décisif. Quoi qu'il en soit, j'ai dans la tête une scène particulière que je souhaite écrire sur ce sujet. En particulier une scène sur le phénomène des varices œsophagiennes. C'est là que les choses connectées entrent en scène. Ou que les poissons sont appâtés sévère, à votre convenance. Hier en fin d'après-midi, en rentrant chez moi dans ce TER qui m'emportait dans la campagne lyonnaise, je (re)lisais "Dans l'alcool" de Thierry Vimal (j'en dis deux mots dans cet article). Et je tombais sur la page 156 que j'ai relue deux fois de suite, dans une excitation propre à ces grandes exaltations qui ne sont jamais qu'un insignifiant remous. Voici un scan rapide et - j'en suis désolé - de piètre qualité  de la demi page en question : 

Les varices œsophagiennes résumées en un paragraphe. Si c'est pas de la grande conjonction de la voie lactée et des grandes espérances, je sais pas ce que c'est ! 
Non enfin c'est vrai quoi, des romans dans lesquels on parle de varices œsophagiennes, je n'en lis pas tous les jours quand même. Alors je prends ça comme un signe que mon cerveau est vraiment passé en mode pêcheur pour mon prochain projet de roman. Et que par conséquent, il faut que je termine la dernière version de "Brûler à Black Rock" d'ici fin juillet. Car mon petit doigt me dit que pendant les congés d'août je vais me mettre en mode compétition de pêche. 

mardi 28 juin 2016

Et c'est reparti, encore du saucisson

Alors comme ça, il parait qu'il faut sans cesse se remettre sur l'ouvrage. Le mois de juin s'en va finissant, éreinté et fourbu comme une haridelle moyenâgeuse qui se traîne dans les chemins gorgées de boue. Faut dire que question pluie, cette nouvelle incarnation de juin n'a pas fait honneur à ce mois que les anglais dénomment le "mois sec". Et l'on s'étonne que nos amis d'outre Manche aient lancé en avant première la danse du Brexit... 
Voilà bientôt trois semaines que j'ai terminé les corrections de la troisième version du tapuscrit de "Brûler à Black Rock". Il est temps de me replonger d'ici quelques jours dans la relecture attentive de celui-ci afin de réaliser une quatrième version. 

C'est quoi la quatrième version ? 
Ce n'est pas parce qu'on est plutôt littéraire qu'on en oublie pour autant la logique. Qui dit quatrième version dit troisième version... Après un premier jet manuscrit, un premier jet tapuscrit, il y a eu la seconde version qui était un premier jet amélioré. Puis la troisième version qui permettait de corriger les problèmes de fond de cette seconde version (problèmes de cohérence, de fond historique, de chronologie...). La troisième version consistait en une nouvelle correction de fond et un peu de forme de la seconde version. Histoire que la maison tienne debout à peu près correctement. C'est cette troisième version qui a été envoyée à quelques béta-lecteurs. 
Je vais maintenant corriger cette troisième mouture en me concentrant sur la forme. Il ne s'agit pas de s'acheter un style mais bien de corriger les phrases, de choisir de meilleures tournures, de trouver de nouveaux mots. J'y incorporerai (ou pas!) les retours que m'auront fait les béta-lecteurs selon que je les juge pertinents ou au contraire pouvant dénaturer l'histoire que je souhaitais écrire. Bref, il faut peaufiner mais ça peut être long. J'ai prévu trois semaines au total : deux semaines crayons en main sur l'épreuve papier et une semaine pour reporter sur l'ordinateur. Ensuite... Vers le 25 juillet, il sera temps d'envoyer le roman sur une impression de test que je garderai pour moi et qui permettra de faire une ultime relecture avant de proposer le livre à la vente, en format papier et dématérialisé.

Chroniques du temps qui passe
En attendant je continue à taper les chroniques écrites de 2004 à 2014. Dix ans d'écriture quotidienne, ça en fait des textes courts accumulés (des milliers) et d'ailleurs beaucoup resteront à l'état de carnets manuscrits, leur qualité franchement douteuse ne les rendant pas éligibles à une sélection pour le recueil que je souhaite imprimer. Il me reste les années 2013 et 2014 à retranscrire, je terminerai donc en août, le mois de juillet étant entièrement consacré à la correction de "Brûler à Black Rock". Pendant les congés d'août je pourrai sélectionner les meilleurs textes de cette décennie d'écriture, les corriger jusqu'à l'automne et en proposer une impression avant la fin d'année. Mazette, deux bouquins en un semestre, on ne se refuse rien !

lundi 27 juin 2016

La littérature française est-elle chiante ? (Partie 2)

De quoi parle t-on ?
La littérature française chiante, ça veut tout dire. C'est un raccourci, un de ces nouveaux chemins que l'on prend pour aller au plus vite d'un point A vers un point B, fidèles que nous sommes à ce conditionnement de l'immédiateté élevée au rang de doctrine. Maladie de notre siècle, conséquence comico-tragique de l'ère de la post révolution industrielle, de l'éclatement des moyens de communication, de la productivité et des cadences qui lorgnent vers les usages d'un autre temps.Procédons donc par ajustement pour oublier ces raccourcis inhibiteurs de tout. 

Des littératures de genre
Alors bon c'est vrai, ne soyons pas plus royaliste que le roi, il faut l'admettre, certaines littératures sont chiantes. Pour toi qui aime les histoires ancrées dans le réel et le quotidien, la science fiction et le fantastique vont te paraître des genres rébarbatifs, lourdingues, pénibles; et cela même lorsqu'ils seront servis par une écriture nerveuse, allant à l'essentiel. Ne parlons donc pas de ces grandes sagas et de ces bouquins de plus de cinq cents pages vantant les exploits d'une colonie d'homme expédiés dans une autre galaxie et autres créatures tombées du ciel dont la littérature de SF raffole. Les français ont-ils le monopole du caractère chiant de cette littérature-ci ? Non ! Nos voisins de plage de l'autre côté de l'Atlantique pourtant réputés plutôt balaises dans cette littérature de genre savent aussi se montrer pénibles à la lecture. Je me souviens d'avoir peiné corps et âmes à la lecture de certains bouquins de Norman Spinrad (qui a pourtant également réussi de vrais perles de genre), de Kim Stanley Robinson ou d'Orson Scott Card. Dans le genre pavé aride, ça se pose là. Certains parleraient également d'un Van Vogt ou encore d'un Asimov dont les personnages rigides jusqu'à l'extrême, caricatures d'êtres vivants, ont poussé à abandonner définitivement toute idée de lecture de Science Fiction. Ce qui est bien dommage puisque quand même, Asimov a écrit de véritables petites perles. Qu'importe, j'ai entendu plusieurs fois des lecteurs charger le bon docteur de pondre de la littérature de genre "chiante". Et nos français dans tout cela ? Je n'aurais qu'une seule réponse : Stephan Wul, de son vrai nom Pierre Pairault. Poésie, imaginaire, mondes enchanteurs : le dentiste a publié une dizaine de romans au fleuve noir à la fin des années 50 qui restent aujourd'hui de véritables ovnis que tout amateur de SF doit lire. Surtout ceux qui osent dire que ce genre est réservé aux auteurs anglo-saxons. Depuis, les choses ont évolué, et les auteurs français modernes de SF se sont extirpés de leur complexe d'infériorité qui les obligeait il y a un demi siècle a adopter un pseudonyme anglo-saxon pour faire plus sérieux. 

Il me semble que la même remarque peut s'appliquer aux polars et romans noirs. Certains lecteurs mono-maniaques ne lisent que ce genre de littérature (et ne s'en portent pas plus mal, je ne critique pas). Ils aiment les ambiances hard boiled, les atmosphères poisseuses, les crimes dans les bas fonds, les quartiers cradingues des villes tentaculaires. J'avoue j'aime bien aussi, même si au final je lis très peu de véritables polars, préférant les romans noirs. Mais enfin, les dingos de ce genre de littérature risque de s'ennuyer ferme avec un de ces bouquins dans lesquels il ne se passe... rien. 

Une certaine littérature chiante en France
Ah voilà, on y vient! Les romans où il ne se passe rien. Les bouquins de l'introspection ou du nombrilisme sauvage. Et là, il faut avouer qu'en France, on sait y faire. Combien de bouquins pour raconter par le menu une "tranche de vie" qui ne présente aucun intérêt, écrits dans un style au mieux journalistique, au pire morne, froid et gluant comme la peau d'un crapaud crevé sur une départementale du Puy de Dôme ? Ah ça on en a plein les étagères des librairies et des bibliothèques. Récemment j'ai vu que certains allaient jusqu'à écrire un bouquin pour raconter pourquoi ils ont changé de prénom. Tu parles d'un souffle lyrique et pour le dépaysement, l'ivresse de la littérature comme piste de décollage pour des ailleurs fruités et exotiques, tu repasseras ! Bon, je suis dur. Je n'ai pas lu ce bouquin-là. Mais j'aurais pu l'écrire. J'ai moi-même un prénom curieux, rare, qui n'existe pas, et du reste personne ne sait le prononcer ou l'écrire, même les gens qui travaillent avec moi depuis quinze ans. Bon d'accord, ceux qui n'y arrivent pas, même quinze ans après sont d'authentiques cons mais ceci est une autre histoire. Le fond du problème c'est que moi, un auteur amateur, je me sens tout à fait capable d'écrire un bouquin pour raconter comment et pourquoi je vais changer de prénom. Et là je pose la question : mais par quelle magie peut-on faire rêver de potentiels lecteurs avec un contrat tel que celui-là ? Mais quand on regarde le palmarès des ventes de bouquins dans notre pays, on constate que ce qui vend, c'est le larmoyant, les récits d'enfance tristounets et plein de larmes rentrées de personnages devenus publics envers et contre tous. Tu parles d'un souffle épique! C'est pas avec ce genre de supplément gratuit inséré en encart d'un "Notre temps" que l'on va donner envie à de nouveaux auteurs de construire une littérature ambitieuse et dévergondée. 


Il reste le verre à moitié plein. C'est marrant cette expression. Je suis justement en train de relire "Dans l'alcool" de Thierry Vimal. Un bouquin que l'on devine autobiographique et qui relate par le menu les quatre semaines passées par le narrateur en cure de désintoxication alcoolique. Ce n'est jamais nombriliste, c'est même tout le contraire, un bouquin ouvert sur les autres, à travers la vision d'un type qui doit retrouver la confiance en lui. Le ton est juste, la description de l'univers de la désintoxication très riche et passionnante. Certes le projet même du récit me touche plus qu'un autre mais c'est bien la preuve qu'on peut faire de la littérature française moderne réputée chiante sans qu'elle ne le soit.

Les américains
Et si, en définitive, ce qui nous faisait le plus mal dans notre rapport de lecteur au livre, c'était ce complexe que nous nourrissons envers la littérature américaine? Un peu comme c'est le cas pour les séries télé, encore que je connaisse très mal ce milieu, puisque je fais partie des derniers diplodocus à ne suivre aucune série télé. Il me semble que les ricains ont mis la main sur une certaine façon de raconter des histoires que nous jalousons. J'avoue que je lis beaucoup d'auteurs américains. Le domaine étranger de la collection 10/18 a longtemps constitué l'écrasante majorité de mes lectures en se focalisant sur tout ce qui venait de l'autre côté de l'Atlantique. Parce que j'y aime le ton libre, les grands espaces, cette impression que tout reste encore possible. J'aime les personnages de perdants congénitaux et malgré tout magnifiques que les auteurs américains dépeignent, sans trace de nombrilisme justement, une littérature du quotidien parfois oui, mais sans les excès de pédanterie que l'on reproche à la littérature chiante. Outre Bukowski, je cite le plus souvent mon trio de tête : John Fante, William Saroyan, Richard Brautigan... Chacun sait à sa manière trouver une façon de sublimer l'instant présent pour en extraire la moelle littéraire. Sans utiliser de grandes phrases, sans se regarder écrire. En étant authentiques. Ne pas tricher avec le lecteur, ni avec soi-même reste encore à mon sens la seule issue possible pour trouver le chemin de la rédemption pour un auteur. Et à ce niveau, pas besoin de carte d'identité ou de droit du sol, chacun me semble plus ou moins libre et à égalité avec ses tripes et son stylo. 

mardi 21 juin 2016

La littérature française est-elle chiante ? (Partie 1)

Introduction
Je n'ai jamais lu autant de littérature française qu'en ce moment. Et puis d'abord qu'est ce que ça veut dire, au juste, "en ce moment" ? Il s'agit d'une parenthèse de temps qui durera ce que durent certaines feuilles plus persistantes que d'autres quand vient l'hiver. Mais les arbres finissent tous par tomber un jour ou l'autre, on ne peut lutter ni contre la gravité ni contre la décrépitude sylvestre. En ce moment, en ce doux moment qui a débuté il y a deux ans quand j'ai décidé de remettre l'écriture au centre de mon quotidien après des années passées à la cantonner au rôle de figurant (quel nanar que ce film de notre quotidien, parfois...) je me suis remis à lire beaucoup. J'ai retrouvé le goût de la lecture acharnée en même temps que je retrouvais celui de l'écriture au long cours d'un roman, comme les deux faces d'une même figure dans un jeu de cartes.
Hasard ou non, au cours de cette promenade sur un chemin de randonnée intime et bucolique, j'ai donné une chance aux auteurs français de me séduire. Moi qui ai longtemps boudé les classiques puis les modernes, préférant à l'introspection et à l'avant garde intellectuelle de mes compatriotes les grands espaces baignés de lumières aussi crépusculaires que leurs personnages des romans américains, je viens d'aligner une série de lectures francophones. 
 
Des chiffres...
Voilà. Je viens de traverser la plus longue série de lectures en version originale tricolore de mon existence de lecteur. Entre janvier et juin, pas moins de 20 bouquins de ce siècle et du précédent signés Vincent Almendros, François Nourissier, François Weyergans, François Garde, Marc Lambron, Emmanuel Carrère , Jean Echenoz (3), Marcel Proust, Céline, Philippe Djian, Pascal Garnier, Dany Laferriere (2), André Breton, Albert Camus, Thomas B Reverdy (2), Alice Zeniter. Un raz de marée à mon niveau de plaisancier, marin d'eau douce, estivant bucolique et à côté duquel mes habituels amis de l'autre côté de l'océan ont eu du mal à exister (devant même partager l'affiche avec des auteurs européens non francophones...)
Le plus fort dans l'histoire c'est que ce n'était ni voulu ni recherché, même inconsciemment. Oui je sais, l'inconscient c'est l'inconscient mais j'ai développé une capacité à dialoguer très posément avec mon inconscient, on se retrouve souvent devant la cheminée, avec un verre de single malt écossais que nous partageons lui et moi pour nous mettre d'accord sur ce qu'il doit advenir de la suite de notre existence commune. Alors je sais ce qu'il a dans le ventre. 

... et des lettres
Mais tout cela c'est bien beau, ça ne répond pas pour autant à la question qu'une importante partie du lectorat plaisancier se pose à propos de la littérature française. Je ne parle bien entendu pas des lecteurs professionnels, des critiques aux états de service enluminés de parchemins anciens et de dorures sous les aisselles. Je parle des gens que je connais, de mes voisins, de mes amis, de ma famille, des mes collègues de bureau, de moi aussi bien sûr. De ces gens qui lisent pour oublier le quotidien sans forcément vouloir trouver une réponse à THE question existentielle et fondamentale de notre existence (étant acté que non désolé, cette réponse n'est pas 42, n'en déplaise aux amateurs du routard galactique ainsi qu'aux ligériens). La réponse n'est donc pas 42 mais la question se pose vraiment : la littérature française est elle chiante ? Et tout de suite, hop, sorti du ventre de cette question lancinante comme un chiot encore enveloppé du placenta ensanglanté de sa mère, la question qui suit : mais de quelle littérature française parle t-on ?

... à suivre.

lundi 13 juin 2016

Pour une poignée de lectures

Quelques lectures en cette fin de mois de mai et ce début de juin. Malgré ce que la météo pourrait nous laissez penser, nous ne sommes pas dans des mois en "RE" et donc ce n'est pas le moment de manger des huîtres. A défaut de fruits de mer, quelques lectures en attendant la perle...
Rilke - Lettres à un jeune poète et autres lettres
Il s'agit d'une relecture. J'ai profité d'une bourse aux livres pour racheter ce recueil de lettres remplies de bons conseils et de de bons mots. Je ne me considère plus comme un jeune poète et l'âge n'a rien à voir là-dedans, du reste je ne suis ni jeune ni poète, mais ces lettres constituent une agréable (re)lecture. 
En réponse à une lettre reçue au début des années 1900 d'un jeune poète nommé Kappus, Rainer Maria Rilke lui écrit plusieurs lettres sur l'art de la poésie. Il lui indique notamment tout ce qu'il faut de certitudes et de détermination pour mener à bien la carrière d'écrivain que le jeune poète souhaite embrasser. Mais Rilke ne s'arrête pas à cela et ces lettres sont autant d'occasion d'évoquer d'autres sujets plus vastes qui sont à la fois la matière et le contenant de l'écriture : la mort, la vie, l'amour et la religion. Brillant, rapide, et efficace comme le sont les correspondances qui valent le coup. 

André Breton - Nadja
En règle générale je suis plutôt réceptif au mouvement surréaliste, qu'il s'exprime dans la peinture ou dans la littérature. De même que je le suis des expressions artistiques qui sans se rattacher strictement au mouvement en lui-même s'en inspirent ou en rappellent les caractéristiques principales. 
Dans ce court récit autobiographique, Breton rapporte sur un ton très détaché la relation qu'il a vécu au début des années trente pendant une dizaine de jours avec une femme qu'il nomme Nadja - et qui est l'incarnation littéraire de Léona Delcourt. Entrecoupé de photographies et de dessins, ce récit m'a laissé totalement froid, comme coupé du monde, et je n'ai jamais réussi à y entrer. A la lecture de ce texte, je me suis senti comme refoulé d'une soirée un peu guindée par des videurs jugeant que vous n'êtes pas assez chic pour y assister. 

François Garde - Ce qu'il advint du sauvage blanc
Prix Goncourt du premier roman en 2012, édité dans la prestigieuse collection blanche de Gallimard, François Garde n'a pas fait les choses à moitié. Enarque et haut fonctionnaire ayant vécu dans les terres australes, on devine aisément que cet environnement géographique l'a marqué suffisamment pour qu'il veuille romancer l'histoire - il est vrai extraordinaire - de Narcisse Pelletier. Un tout jeune marin français de Vendée qui s'est retrouvé exilé pendant dix-sept ans sur une petite île du Pacifique au milieu du XIXe siècle. François Garde alterne les scènes du récit de son existence sur l'île et des lettres écrites par Octave de Vallombrun à son patron le président de la société géographique à qui il raconte comment dix-sept ans après l'abandon de Narcisse, il a pu récupérer le sauvage blanc et s'intéresser à son destin étonnant. Le roman ainsi découpé évite l'écueil de la répétition des scènes sur l'île, et le lecteur peut facilement suivre l'évolution de Narcisse à la fois par le récit chronologique de ce qu'il lui arrive et à la lumière des lettres écrites plusieurs années après. Au-delà de la forme, le roman interroge sur l'oubli du passé et comment un homme plongé dans une autre civilisation en revient changé. J'ignore si François Garde a prévu de revenir en librairie dans les prochains mois mais je guetterai cette éventualité.

jeudi 9 juin 2016

Un peu de repos mais pas trop !

Maintenant que le troisième jet de "Et brûler à Black Rock" (titre provisoire) a été envoyé à quelques béta-lecteurs, j'ai deux ou trois semaines de calme devant moi avant le dernier rush pour faire l'ultime correction et le quatrième jet qui sera la version finale de ce roman.
J'ai maintenant quelques centaines de chroniques et autres textes courts en attente de saisie (car ce sont des carnets entiers remplis depuis des années que je n'ai jamais tapés) et de correction pour préparer une anthologie que j'aimerais auto-publier en octobre, juste avant de me mettre sur un nouveau projet de roman. 
En attaquant cette phase de saisie des textes de mes carnets à l'ordinateur, je suis tombé sur un texte du 18 mars 2010 qui résume bien les choses... Je vous le livre tel quel, sans correction ni retouche, brut en quelque sorte... 

Le combat incessant à l’intérieur du crépuscule
-Tu vois, si j’avais eu des couilles, je l’aurais fait...
-Tu aurais fait quoi ?
-J’aurais écrit !
-Mais c’est ce que tu fais !
-Non, je veux dire... vraiment écrire. Que ce soit une activité principale, mon occupation majeure, ma vie.
-Ton boulot, en quelque sorte.
-Ouais c’est ça, un boulot.
-Mais ça paye pas d’écrire.
-Je le sais bien fils, je le sais bien... Mais y’a toujours moyen de se débrouiller dans la vie. Des petits boulots, à gauche, à droite. Juste de quoi avoir un toit et de quoi bouffer. Ça va pas chercher bien loin pour faire ce qu’on aime vraiment.
-Mais maman aurait pas supporté.
-Ah ça tu l’as dit ! Ta mère aurait disjoncté.
-Alors tu t’es sacrifié pour nous ?
-Même pas fils, même pas. Je te le dis, ça n’a rien à voir avec un sacrifice. Y’a rien de noble à ce qu’un homme abandonne ses rêves. C’est même tout le contraire. Non, tu vois c’est juste une histoire d’avoir des couilles... ou pas.

mercredi 8 juin 2016

Générateur de titre ?

Ayant bouclé le troisième jet de mon roman au nom de code "BM" je suis en train de choisir le titre définitif de celui-ci parmi une liste de trois ou quatre idées. Avant d'envoyer le tapuscrit aux béta-lecteurs sélectionnés et de me remettre d'ici fin juillet sur l'ouvrage pour ce qui sera la quatrième version, je prends un peu de "repos". En réalité je me replonge dans des textes très courts (de 1 phrase à 1 page) que je n'ai jamais pris le temps de mettre au propre, afin d'en faire une anthologie pour la publier. 
Or, me voilà en train de fureter sur le net, et de tomber sur ce site marrant, qui propose de générer de façon aléatoire un titre de roman à partir d'un nom, et d'en proposer une couverture... Un titre : http://www.omerpesquer.info/untitre/
Je vous laisse découvrir ci-dessous la première couverture que m'a proposé le site en tapant le nom "Manuel Valls"... étonnant, non ? 

lundi 6 juin 2016

Appel à Béta-Lecteurs

D'ici 48 heures j'aurais terminé le troisième jet de mon nouveau roman. J'en arrive donc à cette étape compliquée pendant laquelle il faut prendre du recul sur une histoire que l'on commence à trop connaître pour en identifier les problèmes de cohérence, de crédibilité et d'intérêt pour le lecteur. Difficile exercice après des mois et des mois de travail, d'écriture, de réécriture et de corrections. 
Pour la première fois depuis que j'écris de la fiction longue, j'ai donc décidé de faire appel à des béta-lecteurs. 

C'est quoi un béta-lecteur ? 
Un béta-lecteur c'est une personne : 
- qui aime beaucoup lire
- qui a le temps et l'envie d'aider un auteur
- qui sait exprimer un avis étayé et critique sur un livre
- qui a envie d'aider l'auteur à améliorer son texte

En quoi ça consiste ?
Avant tout c'est un contrat moral que passent le béta-lecteur et l'auteur. Le premier doit accepter de passer du temps à lire un livre qui n'est pas encore achevé. Ok il y a un début, un milieu, une fin... mais il reste des incohérences, des coquilles scénaristiques, des scènes inutiles, des raccourcis trop faciles, bref des trous dans le fromage. 

Que doit faire le béta-lecteur ? 
Lire et prendre des notes (ou alors avoir un cerveau digne de celui de Hal dans 2001 odyssée de l'espace) afin de pouvoir retranscrire à l'auteur tout ce qu'il a trouvé dans son tapuscrit : 
- Ce qu'il a aimé, 
- Ce qu'il n'a pas aimé, 
- Les scènes qui fonctionnent bien, 
- Les scènes qui sont foireuses, 
- Les personnages crédibles, 
- Les personnages qui ne fonctionnent pas. 
Signaler les fautes d’orthographe ou de frappe n'est pas le but premier de l'exercice mais si on en trouve, je prends aussi... 
Le but n'est ni de prendre des gants ni de détruire l'auteur. Il n'est pas nécessaire de suggérer des améliorations possibles, mais bien de mettre le doigt sur ce qui ne marche pas (et signaler aussi ce qui marche, ça doit bien arriver aussi!).

C'est quoi l'histoire ? 
Il ne s'agit pas d'un polar, ni d'un roman d'espionnage, ni sentimental... Ce n'est pas non plus un roman noir. Le pitch : en France, en 2011, les deux individus composant un couple de trentenaires se rendent compte qu'ils sont en train de passer à côté de leur vie. Enfermés dans des situations professionnelles bouchées ou inintéressantes, rêvant d'absolus, ils vont avoir l'opportunité de se bâtir un nouveau futur pendant un séjour très éloigné de leur quotidien à travers les Etats-Unis avec en point d'orgue leur participation au festival de contre-culture du Burning Man, dans le désert du Nevada. 

Et en pratique ? 
Le troisième jet de mon roman mesure 30 chapitres pour environ 800 000 signes, ce qui pour donner un ordre d'idée équivaut à un roman de poche d'un peu plus de 400 pages.
Je vais donc demander à mes béta-lecteurs de lire ce roman en peu de temps (3 semaines) et de m'envoyer leur synthèse à l'issue de cette lecture ou d'échanger par mail pendant la lecture, peut-être les deux. Pour éviter de recueillir trop d'avis contradictoires qui seraient contre-productifs, je ne vais pas choisir beaucoup de béta-lecteurs (4 maximum) donc on adaptera le fonctionnement avec chacun. 
Si vous vous sentez l'âme d'un béta-lecteur, que vous avez du temps (j'insiste, 3 semaines seulement) et l'envie de vous plonger dans cette aventure pour m'aider à sortir un quatrième jet, j'attends vos candidatures !

De l'utopie à la dystopie

Oeuvre de Stratis Kontelis
Pour ceux que cela intéresse, à commencer par ma pomme au trognon un peu sec, je signale un lien sur l'excellent site FABULA. Il s'agit d'un dossier très intéressant de Marc Atallah (Université de Lausanne) sur l'utopie, la dystopie et leurs liens. 


Le texte du dossier est paru au préalable sous le titre "Les mondes parfaits sont-ils si éloignés de leurs frères cauchemardesques ? Quelques (brèves) réflexions sur l'utopie".

Dans l'oeuvre de démembrement des libertés individuelles que nos gouvernements totalitaires sont en train de mettre en place, il me semble plus que jamais important de se poser la question que soulève ce titre. 

jeudi 2 juin 2016

Rêve prémonitoire

Il y a une semaine de cela, j'ai fait un drôle de rêve. Enfin, c'est l'expression consacrée mais ce rêve n'avait rien de drôle, bien au contraire. Je n'étais malgré tout pas terrorisé, je ne m'en suis pas tiré par un réveil en catastrophe, le front brûlant de sueur et écumant de fièvre. Non, un simple réveil dans le calme malgré la frayeur rétrospective ressentie quand ma conscience et moi nous sommes retrouvés. 
Dans ce rêve, j'étais paumé dans une grotte en forme de parallélépipède, au centre d'une vaste pièce dont les murs en pierre s'élevaient tout autour de moi, vastes et solennels. Les parois de cette grotte ne présentaient rien de fantastique, elles étaient droites et lisses, grises et ternes. Pas de minéraux brillants incrustés dans la roche, pas d’anfractuosité malingre. Je n'aurais même pas pu les trouver menaçantes. Elles étaient mornes, ce qui est peut être pire encore. 
Au fond de cette grotte, une sorte de foyer sombre qui remontait vers la surface constituait l'unique moyen de quitter la prison minérale. Je ne voyais pas la surface, aucun indice ne m'indiquait sa présence mais à la manière dont les rêves malgré leur absurdité totale nous offrent des plages de conscience, je savais qu'il s'agissait de la seule issue. Impraticable car noyée sous des tonnes d'eau bouillonnantes qui montaient et descendaient à la fois. J'avais néanmoins les pieds au sec car j'avais pu grimper sur un rocher plat qui me mettait pour l'heure à l'abri de la montée des eaux. 
En d'autres circonstances (absence de parois rocheuses et donc à l'air libre), j'aurais trouvé la situation plutôt confortable. Mais ce n'était pas le cas. Je me souviens parfaitement m'être fait la réflexion que les choses se trouvaient bien mal embarquées. Dans la vraie vie, je me connais, j'aurais paniqué, j'aurais sauté dans l'eau et tenté de trouver une issue dans une agitation relevant de l'énergie du désespoir. Tandis que dans ce rêve je demeurais au contraire d'un calme total, ceinture noire et sixième dan de zen. J'ai même regardé débouler les ailerons de quelques requins marteaux qui sont venus tourner autour de mon promontoire salvateur. Pour combien de temps encore ? 
Lentement l'eau montait, au rythme de plusieurs tonnes d'eau qui se déversaient régulièrement à travers le foyer au fond de la grotte. Bientôt l'eau m'aurait rattrapé et le plafond finirait pas se rapprocher. Mais j'ai quand même contemplé les requis marteaux qui tournaient à l'aplomb de mon rocher, prenant le temps de leur cracher à la gueule. Littéralement. La gorge tendue au-dessus du vide, à la façon d'une gargouille vivante à deux pattes, je leur ai craché dans la gueule. Et ensuite le réveil a sonné.   

Une semaine plus tard des inondations séculaires balayent le nord du pays et je repense à cette image de ma grotte inondée et des requins marteaux sur lesquels je crachais. Je ne sais pas ce qu'un psy spécialiste de l'interprétation des rêves pourrait dire là dessus. Ni le commandant Cousteau.