jeudi 28 juillet 2016

Littérature à vendre

Je reste convaincu que nous sommes tous un peu bipolaires. Cela me semble même salutaire, à dose non dangereuse ni contraignante pour nous ou pour notre voisin, bien entendu.
Il est de bon ton de dire que nous autres amateurs de littérature, nous sommes traditionnellement peu portés sur les éclats mercantiles de notre société de consommation (berk c’est sale !). Et pourtant il suffit d’agiter l’antienne « rentrée littéraire » en plein été pour nous titiller pire qu’un chiffon rouge devant le taureau. 
Cependant, il suffit de regarder la somme de tous les livres déjà parus pour s’apercevoir qu’il nous faudra plusieurs vies pour venir à bout de tout ce que l’on souhaite lire, même en opérant une sélection stricte. Alors, à quoi bon s’exciter sur la nouvelle fournée qui va être déversée par palettes entières sur les étals de nos libraires préférés ? Nécessité de s’étourdir dans les odeurs de papier neuf et la douceur des quatrièmes de couverture qui brillent à la lueur blafarde des néons ? Volonté de passer un peu de pommade adoucissante sur un mois de Septembre synonyme de fin de vacances, de rentrée des classes, de fin de l’été ? Tentation de se perdre dans l’accumulation psychiatrique propre à toute passion ? Je l’ignore et j’avoue ma propre réaction bipolarisée. Je suis à la fois excité et lassé par ces tempêtes miniatures qui vont secouer comme chaque année le landerneau de la vie littéraire franchouillarde. 
Comme tout lecteur régulier et parfois extatique, je me laisse aller à l’enthousiasme quand j’entends causer de rentrée littéraire. C’est mon côté rat de bibliothèque aux mains blanchies, ongles jaunis, œil vitreux et langue chargée qui ne dirait pas non à l’idée de passer sa vie entourée de livres. Et puis l’autre face met les mains en haut du guidon, en souriant à la façon d’un vieil habitué à qui on ne fait pas le coup. « Oh, t’as vu la pile de lectures qui t’attend sur ta table de nuit ? ». Bon c’est vrai, y’a du boulot, même en lisant de façon soutenue…
librairie Voltaire et Rousseau à Glasgow
Pour les éditeurs, les libraires et les auteurs qui vendent, le mois de Septembre est plus que jamais celui des vendanges… 
La rentrée littéraire 2016 s’annonce donc déjà. D’après les sources de Livres Hebdo, au menu 560 romans sont annoncés pour cette année, à comparer aux 589 de 2015. Des ouvrages qui vont arriver en librairie entre cette fin juillet et début septembre. Question chiffres, je vous invite à aller consulter l’article sur le site de LivresHebdo, je signale juste que sur ces 560 livres, 363 sont français. 

Un récapitulatif assez complet de ces sorties est disponible sur le blog de JosteinDe mon côté, pas de grosses attentes, l’an dernier, je m’étais un peu fait berner par les lumières de la nouveauté et j’étais ressorti un peu déçu de mes lectures de Septembre 2015. Et finalement la petite rentrée de Janvier m’avait plus comblé (Ah le Echenoz d’Envoyée Spéciale !) Aussi cette année je serai plus regardant, et je n’hésiterai pas à différer mes achats pour choisir les bons numéros – sans compter que je les trouverai en occasion, car oui je m’approvisionne en majorité chez les bouquinistes. Finalement je me demande si tout ce qui fait le sel de la rentrée littéraire, ce n’est pas les discussions autour de ces sorties plus que les sorties elles-mêmes. Les critiques du Masque sur Inter, dans les journaux, la façon dont certains éditeurs sortent la mitrailleuse lourde pour promouvoir leur dernier petit protégé… Bref, un spectacle qui revient chaque année et dont je ne me lasse pas encore, même si je suis de plus en plus passif dans l’histoire.
Et tant qu’on cause de rentrée littéraire, un petit rappel sur les prix littéraires qui vont suivre ce grand rush de la rentrée :

Le calendrier des prix 2016 (Source : Livres Hebdo)
Prix
1ère 
sélection
2ème sélection
3ème 
sélection
Proclamation
Goncourt
6 septembre
4 octobre
27 octobre
3 novembre
Renaudot
6 septembre
NC
NC
3 novembre
Médicis
12 septembre
6 octobre
27 octobre
2 novembre
Femina
16 septembre
4 octobre
24 octobre
25 octobre
Académie française
29 septembre
13 octobre
-
27 octobre



mardi 26 juillet 2016

Août avec Papa

J'ai décidé sur un coup de tête de passer le mois d'août avec "Papa"
Alors c'est vrai Ernest Hemingway est à la mode - comme toujours si l'on peut dire... J'avoue, avec la publicité autour du biopic qui lui est consacré, je me suis laissé aller à la facilité. 
Mais bon je n'oublie pas non plus qu'Hemingway fait partie des auteurs emblématiques qui m'ont initié très tôt à la lecture. Son roman "Le vieil homme et la mer" fait partie avec "La peste" de Camus, "L'appel de la forêt" de Jack London, "Les indes noires" de Jules Verne et "Des souris et des hommes" de Steinbeck des 5 romans fondateurs qui ont marqué mon enfance. Ceux qui m'ont fait découvrir la puissance de la littérature et qui ont certainement influencé mon avenir de lecteur. 

Alors comme mentionné dans la section "Lectures", en ce moment je lis deux bouquins : "Promenade dans un parc" de Louis Calaferte et "Je suis un écrivain japonais" de Dany Laferrière. J'ai comme toujours une petite pile de lectures en attente posée sur ma table de nuit (dont "Notre quelque part" dont je parlais hier). Mais j'ai souhaité jouer le jeu de l'estivant. Car oui, dans un peu moins de deux semaines maintenant je serai en congés. D'ici là le Calaferte et le Laferrière seront terminés et digérés. L'occasion de partir au bord de l'eau avec un gros pavé sur le sable. J'ai opté pour le Quarto Gallimard : "Nouvelles Complètes" d'Hemingway et ses 1232 pages. "Papa" Hemingway a toujours proclamé que la nouvelle était son genre favori : 78 nouvelles sont rassemblées dans ce recueil, entrecoupées d'illustrations et d'extraits de sa correspondance avec d'autres écrivains. L'occasion de se payer une plongée dans l'univers du mythique Ernest, autant adulé que décrié. Rendez-vous à la rentrée de Septembre pour un verdict de cette lecture... 

Ah et tant qu'on y est, je ne résiste pas à vous partager un petit lien insolite et d'actualité : Hemingway gagne un concours de sosie d'Hemingway

lundi 25 juillet 2016

Afrique éternelle

Dans la somme des articles que je souhaite écrire sur ce morceau de nappe interconnectée, je dois vous parler des éditions Zulma. Et à quel point cet éditeur produit un travail remarquable. En matière de lecture, j'appartiens à la famille des fétichistes de la maquette. Toucher un livre, caresser la couverture, admirer la tranche, lire la quatrième de couverture me procurent des émotions qui me plongent dans un bonheur sans cesse renouvelé. Ensuite, se plonger dans le livre, l'ouvrir, entendre craquer légèrement le bouquin en son milieu à la manière d'un bout de terre qui se craquelle sous la poussée tectonique, voilà qui me met en joie. Dans ces instants j'ai la sensation d'être un individu complet, total, et je pourrais presque croire en la perfection du monde. 

Nous avons la chance en France de pouvoir compter sur quelques éditeurs passionnés qui nous font découvrir des livres fantastiques, jouant ainsi leur rôle de défricheurs et de révélateurs. La lecture devrait être remboursée par l'assurance maladie. Elle remplace tous les antidépresseurs du monde, elle dépasse toutes les drogues chimiques ou végétales qui puissent se trouver.
Donc je vous parlerai plus tard de Zulma, et puis de Gallmeister aussi, et de la défunte collection Motifs du Serpent à Plumes, ainsi que d'autres éditeurs qui m'ont fait aimer lire depuis la fin de l'enfance. Parce que vraiment, écrire n'est rien, et lire reste bien tout ce qui compte. 

En attendant, en cet été 2016 rempli de chaos et de misère médiatisée, et sans que cela ait un lien quelconque avec ce qui va suivre, je nourris l'envie de découvrir de nouvelles littératures. Africaine notamment... Je ressens une attirance évidente et primitive pour ce continent et j'ai envie de le découvrir à travers ses gens de lettres. "Notre quelque part" de l'auteur ghanéen Nii Ayikwei Parkes dont j'ai entendu beaucoup de bien me semble constituer une première étape alléchante.   

jeudi 21 juillet 2016

Passer la cinquième

Faudrait voir à pas abuser. Faut pas pousser. C'est vrai quoi, l'air de rien je m'approche des deux ans. Ou pour la faire à l'américaine "2 fucking years !
Bon, je ne vais pas m'épancher ici sur la chronologie de ce foutu projet mais rassurez-vous (ou pas!) je le ferai bientôt, y'a pas mal de choses à dire. Mais ça sera pour la rentrée, lorsque j'aurais la version imprimée et reliée dans les mains. Quand le bouquin sera disponible pour ceux qui voudront bien tenter l'aventure de sa lecture... 

En attendant il me reste la dernière ligne droite, celle des stands, là où il faut passer la cinquième vitesse et envoyer le compte tours dans le rouge (corrections de forme) et le bleu (corrections de fond mais normalement à la quatrième version, il ne doit plus y en avoir!) : 
Bref, j'ai démarré ce mardi l'ultime phase de corrections du tapuscrit (version 4) de ce nouveau roman. Quelques jours pour relire et annoter, quelques jours pour reporter les modifications sur le fichier... D'ici le 15 août tout devrait donc être finalisé et la version 5 (finale!) achevée. 
Allez, les prochaines nouvelles devraient être pour annoncer que c'est officiellement terminé et que le bouquin est parti pour le bon à tirer ! 

mercredi 20 juillet 2016

Lecture : Dan Fante - Point Dume

Avec Point Dume, Dan Fante remet les compteurs à zéro.
Dans ce roman, il s’écarte de la traditionnelle veine de l’authentique « fausse autobiographie » dont son propre père John lui a servi de principale influence. Bon, il faut reconnaître qu’on peut trouver bien pire comme influence. C’est même le contraire pour ce pauvre Dan, comment sortir de l’ombre d’un auteur aussi emblématique que le fut Big John ?
Dan Fante s’est lancé tard dans le métier. Avant d’écrire, il a roulé sa bosse, enchainé les jobs, les joints, les clopes, les verres, les femmes (à remettre dans l’ordre qui vous arrange). Il nous a hélas quitté récemment (novembre 2015, à l’âge de 71 ans) en laissant dans son sillage cinq romans, des nouvelles et des recueils de poésies.
En 1996, il est publié chez Robert Laffont pour son roman « Les anges n’ont rien dans les poches » (Chump Change en VO) et c’est le début d’un petit succès chez des lecteurs qui vont devenir fidèles du bonhomme (dont je fais partie, l’ayant découvert en 1998 à l’occasion de la sortie en poche de ce bouquin). Et - encore une fois- soyons fiers de déclarer que ce sont nos éditeurs français qui les premiers ont eu le nez creux en publiant un auteur américain pas encore publié chez lui à cette époque-là. J’ignore si ce sera encore le cas dans 10 ans (si ça l’est encore, seulement) mais on a de foutus bons éditeurs de littérature en France et faudrait voir à pas l’oublier. D’ailleurs, un de ces quatre, faut que je vous cause des éditions Gallmeister et de Zulma et de la défunte collection Motifs du Serpent à Plumes…
Papa Fante (John) avait un double littéraire, un alter ego immigré italien dont il se servait pour illustrer les difficultés d’un homme de pas grand-chose qui essayait de devenir un peu plus qu’un moins que rien. Les aventures d’Arturo Bandini ont ainsi ravi des générations de lecteurs heureux de retrouver bouquin après bouquin cet univers cradingue et la poésie des trottoirs où Arturo et d’autres enfants bagarreurs rêvaient dans l’Amérique de l’entre deux guerre.
Junior Fante (Dan) a lui aussi démarré sa carrière de romancier avec un double littéraire, du nom de Bruno Dante. Avec ce personnage récurrent, il reprenait la méthode paternelle de romancer des histoires vraies, mettant à distance des évènements familiaux tout en les réinterprétant depuis la lorgnette de l’autobio romancée. Alors c’est vrai, Papa Fante était un écrivain d’un tout autre calibre. Sa voix faisait preuve de plus de force et de nuances que celle du fiston. Il a également eu une carrière plus longue, et certainement que de ne pas avoir eu à gérer un héritage littéraire l’a aidé. Mais ne boudons pas Junior pour autant, lui qui a tout de même signé quelques bons romans.
Sa tétralogie « Bruno Dante » mérite la lecture. Enfin, je n’en ai lu que trois, le quatrième est sur la pile, je le lirai au cours de l’été et je vous en parlerai. D’ailleurs il faut que je relise tout.

Bon, je m’égare. Pour l’heure il est question de son roman « Point Dume » que je viens de lire en poche chez Points.
Je ne suis pas un fana de polar. Oui je sais, c’est pas courant, aujourd’hui le monde entier lit du polar. Et j’avoue, il y a de foutus bons auteurs de polars… Enfin, polar, roman noir : ce n’est pas la même chose. Ici on est entre les deux, Fante réutilise des codes du roman noir américain remis au goût du jour (comprendre siècle n°21) tout en suivant les règles du polar classique.
L’histoire ? Un ex détective privé de New York débarque en Californie et tente de se trouver une vie normale entre la vente de voitures d’occasion et ses réunions d’alcooliques anonymes. Au milieu, un meurtre sordide, des flics ambigus, des femmes dangereuses (un pléonasme chez les Fante !) et tout un cortège de personnages de seconde zone, hâbleurs, traitres, couards…

On reconnait bien là l’univers de Dan Fante. Sauf que ce coup-ci, pas de Bruno Dante, le personnage principal et narrateur du récit est l’ex détective privé JD Fiorella, un dur à cuire un peu rital sur les bords (on ne se refait pas, Fante oblige). Au début, on a affaire à du Dan Fante classique, gouailleur et râleur et puis très vite quand un meurtre débarque dans l’histoire, on vire sur un style moins habituel chez l’auteur. L’ex détective privé va reprendre du service et se la jouer en mode bourrin, dépourvu de limites et de morale. On bascule dans un récit noir de noir, brut 95% de cacao, ça secoue dur et ça envoie sec dans les cordes : sang, torture, hémoglobine… rien ne nous est épargné. Trop ? Peut-être bien. J’ai peur que Dan Fante ait trop voulu en faire ce coup-ci. À l’image de son narrateur, il n’a plus de retenue, et les ficelles un peu grosses ont du mal à glisser… Bon public, j’ai tout de même passé un bon moment, heureux de lire un Dan Fante que je ne connaissais pas (ça devient rare, plus qu’un bouquin et j’aurais lu la totale) mais clairement on est loin des récits clairs obscurs plus en sincérité des débuts. Ce « Point Dume » aura été son dernier ouvrage, un peu trop grandiloquent et grand guignolesque qui ne rend pas hommage à un homme qui valait certainement mieux que d’être uniquement considéré comme un « fils de ». Je vous invite d’ailleurs à visionner le reportage « Made in Fante », gratuit et visible sur youtube pour en apprendre davantage sur cet auteur mésestimé et attachant.


mardi 19 juillet 2016

Le mind mapping, what the f**k ?

Le rustre technologique
Ceux qui me connaissent savent que je n'ai rien du geek. Je possède un vieux téléphone portable avec lequel j'entretiens des relations méfiantes et que j'ai la faiblesse de croire réciproques. Je ne me lance dans des mises à jour du système de mon Mac personnel que lorsque je ne peux plus faire autrement. D'ailleurs à part de savoir qu'il s'agit d'un iMac acheté en 2009, je suis incapable d'en dire davantage à son sujet. 

Je ne lis pas sur tablette ou autre liseuse parce que je fais partie de ces vieux couillons qui ne jurent que par les livres papier qu'on achète chez un bouquiniste où flottent des odeurs d'encens, de thé à la menthe et de vieux journaux jaunis. Je ne porte même pas de montre, et je n'utilise pas de GPS lorsque je me déplace dans mon vieux break diesel. Bref, pour ce qui est des innovations je suis un mauvais client, ce que j'appelle un rustre technologique. 

D'autre part, je considère que pour écrire, on n'a pas besoin de beaucoup d'artifices. En la matière et comme pour de nombreuses autres activités, le mieux est l'ennemi du bien. Enfant j'ai écrit sur des cahiers puis à la machine à écrire puis à l'ordinateur lorsque en 1986 mon père en a acquis un (et bien oui, mon père de 72 ans est plus geek que moi et ça dure depuis un moment). 
Alors quand on me cause d’outils d’aide à l’écriture, ma première réaction, la plus naturelle donc, est de froncer légèrement les sourcils. Mais comme je déteste passer pour un imbécile, je me renseigne discrètement.

C'est quoi le problème ? 
Je l’ai déjà évoqué ici, l’écriture de « Brûler à Black Rock » n’a pas été un long fleuve tranquille. Maintenant que je suis en train de procéder aux ultimes retouches avant publication, je me rends compte que ce fut un chemin tortueux, semé d’embûches et que je me suis compliqué. Oui, je suis fautif. J’ai mal préparé mon plan de bataille. Je crois que Dany Laferrière dit quelque chose de bien là-dessus, au sujet de l'écriture et de la bataille, dans un de ses bouquins mais j’ai 42 ans et je perds déjà la boule. Bref, pour être clair et concis, j’ai un peu foiré mon approche. Alors j’ai décidé de revoir un peu mon plan pour la prochaine bataille que j’ai prévu de démarrer cet automne. En commençant par le début : les idées !

Les bolets à la crème
Comme chez tout le monde, à fortiori chez les auteurs, les idées sont comme des herbes sauvages qui poussent n’importe comment et n’importe où dans tous les coins de notre esprit. Je parle bien sûr ici des idées de personnages et d’histoires à raconter puisque c’est bien cela qui m’intéresse. Certaines idées sont bonnes, la plupart sont mauvaises et beaucoup sont de fausses bonnes idées. 

Et surtout, beaucoup d’idées restent cachées. Ce ne sont pas des mauvaises herbes mais des champignons. Vous êtes-vous déjà rendus en forêt pour cueillir des champignons ? J’imagine que oui (je l’espère !). En automne, lorsque les arbres commencent à revêtir leurs couleurs médecine, et que vous marchez dans les sous-bois, le soleil qui vous éblouit, peinant à distinguer un cèpe dont la couleur se mêle à celle des feuilles… Pourtant ils sont là ces foutus champignons, il y en a plein mais vous vous ne les voyez pas ! C’est la même chose avec les idées. Elles sont là mais on les trouve pas ! Il faut les révéler. Une technique m’a semblé intéressante, il s’agit de la carte mentale.

Alors la carte mentale ou carte heuristique ou en anglais « mind map » ce n’est pas nouveau (mais rappelez-vous le premier paragraphe de cet article, je suis un rustre !)
L’idée c’est quoi ? Tout simplement de schématiser la pensée en représentant les associations d’idées et les concepts qui y sont liés. Et en posant tout cela sur une feuille orientée paysage, avec des pictogrammes, des petits dessins, et des mots clés qui doivent libérer la pensée. Il s’agit d’une sorte d’arbre rempli de ramifications qui permettent d’explorer sur de multiples dimensions une idée de base. Pour une description plus approfondie, le net est ton ami (à commencer par wikipedia).
So what ? 
Bon, tout ça c’est bien beau, mais je ne compte pas devenir un mordu de la méthode, ni un néo geek repenti. Je sens que cette méthode peut m’être utile dans mon objectif d’améliorer mes préparatifs d’écriture au long cours. Reste plus qu’à vérifier si c’est une bonne piste ou pas. 

Donc, à l’occasion d’un récent voyage en train, j’ai testé la méthode. En ce qui me concerne l’intérêt est très ponctuel pour l’instant. Il s’agit d’épurer toutes les idées, les thèmes et les enjeux que je souhaite aborder dans mon prochain roman. Et surtout de libérer l’esprit pour trouver de nouvelles thématiques, angles d'approche et voir tout ce qui se cache derrière l’idée principale. Allez pêcher dans la vaste mare de l’inconscient. C’est en quelque sorte une façon de jeter les idées comme je le faisais déjà avant mais sans faire de phrases, sans rédiger de paragraphes abscons pour m’aider à trouver les angles d’attaque de l’histoire que je souhaite raconter. Ici tout est plus simple, schématique, clair : des mots reliés les uns à la suite des autres. Une seule page et tout est là. Je dois avouer que l’essai est plutôt concluant. En une heure de temps cette méthode m’a mené sur des territoires que je n’avais pas explorés lors de mes premières réflexions. J’ai découvert deux thématiques nouvelles que je n’avais pas identifiées, j’ai mis le doigt sur des sujets casse-gueule et repéré des idées à abandonner car trop sèches (aucune ramification).

Alors, maintenant ? Je vais donc utiliser cette étape de la carte heuristique comme point initial de ma réflexion sur ce prochain roman. En complément de mes petites cuisines habituelles (fiches de personnage, découpage…) je pense que cela constituera un apport appréciable. Et cerise sur le gâteau, j’ai même trouvé un logiciel gratuit de Mind Mapping (oh yeah !) qui s’interface avec Scrivener. Bon, dit comme ça on pourrait croire que je suis en train de virer geek. Que nenni ! Je compte bien continuer de faire ma tête de mule et de ne suivre que mes propres règles. D'ailleurs j'ai toujours prévu d'écrire le premier jet à la main, comme je le fais toujours... Mais ceci est une autre histoire ! En attendant j'ai un bouquin à terminer de corriger, bientôt deux ans de boulot, j'aimerai boucler l'affaire rapidement ! 

vendredi 15 juillet 2016

Bon, on arrête quand les conneries ?

Manu, Bernard, Jean-Yves, François... vous déconnez. Vous déconnez à pleins tubes et ça commence à gonfler sévère. 
Alors ça y est c'est reparti pour un tour ? Un taré fonce dans la foule des estivants à Nice et c'est reparti. On sort les violons, les mines attristées et les discours de fermeté. Et on en profite pour prolonger de trois mois de plus l'état d'urgence, histoire de bien verrouiller les libertés individuelles. Au profit de la grande cause internationale de lutte contre le terrorisme. 
Et partout on va entendre les mêmes discours pleurnichards, les mêmes logorrhées assourdissantes et insupportables. 

Lorsqu'on sert la soupe aux impérialistes américains et qu'on est leur gentil toutou va-t-en-guerre depuis près de vingt piges, faut pas venir s'étonner qu'on se prenne les retours de boomerangs. Depuis 2001 la France est de presque tous les conflits au proche orient. Au nom de la liberté soit disant... 

Au nom de quelle liberté ? Celle des pétrodollars. Celle des banquiers. Celle de l'Europe monétaire. Celle des puissants qui s'arrangent entre eux sur le dos des classes laborieuses. On se fait les petits arrangements entre amis, pour servir les intérêts d'une compagnie, d'un juteux marché alors on fomente un coup d'état, on vend des armes aux terroristes, Marianne changée en mère maquerelle de l'Europe. Pas grave, la guerre contre le terrorisme justifie tout. Alors on tue des gamins en Afrique, on tue des gamins en Syrie, on tue des gamins en Irak. Oui mais ça c'est pas grave, c'est pour défendre la liberté. Un gamin arabe n'a pas moins de valeur qu'un gamin français. Par contre vous tous qui vous succédez au sommet de l'Etat, ministre des affaires étrangères, ministre de l'Intérieur, premier ministre, président... Vous avez du sang sur les mains et il ne faudra pas s'étonner qu'un jour le peuple français décide de reprendre le pouvoir. Vous tuez les enfants d'une république que vous avez vendue à Wall Street.
Alors de grâce, pas de beaux discours, pas de violon, pas de putain d'unité nationale pour justifier de continuer encore cette folie. On ne veut pas de ces guerres impérialistes, on ne veut pas de ce nouvel ordre mondial. Faudra pas compter sur moi pour venir au banquet des faux-culs.

mercredi 13 juillet 2016

Lecture : David Vann - Sukkwan Island

En France, on se demande souvent si les auteurs américains ont "un truc en plus". Parfois même, certains ne se le demandent plus, ils en sont convaincus et ils essayent d'analyser ce qu'est, ce truc en plus. 
A titre personnel, le fait que la plupart de mes auteurs favoris soient américains constitue une réponse sur ce que j'en pense... 
Et ce n'est pas la lecture de Sukkwan Island (de David Vann) qui va me faire changer d'opinion. 



L'histoire : Jim décide d'aller s'installer dans une cabane perdue sur une île inhabitée de l'Alaska. Et d'emmener dans ses bagages Roy, son fils de 13 ans, loin de sa soeur et de sa mère, pour une année d'exil sauvage. Forêts gigantesques, lacs immenses : le paysage est démesuré, il faut un hydravion pour y venir. Rapidement on comprend que père et fils n'entretiennent pas des relations au beau fixe, et que le père fait face à quelques soucis d'équilibre psychique. Et alors qu'il espérait donner une nouvelle orientation à sa vie en partageant quelques moments intenses avec son fils, la situation du tandem va très vite se gâter.

Un bouquin court (200 pages) et incisif, qui se compose de deux parties avec un changement de point de vue narratif au milieu qui correspond à un tournant dans le récit. C'est propre, joliment réalisé et drôlement efficace. 
Aux superbes descriptions des paysages sauvages et hostiles pour l'homme, David Vann ajoute les rapports difficiles entre un père et son fils qui apparaissent comme des bouées jetées à la mer. L'histoire est simple, ténue, on flirte parfois avec les codes du huis clos, ce qui instaure une ambiance électrique. La tension ne cesse de grimper, le lecteur sent qu'une tragédie va arriver, ou du moins, quelque chose de marquant, de définitif, qui va marquer les protagonistes. Et on ne peut plus lâcher ce livre avant d'aboutir au climax, juste avant que la seconde partie ne s'ouvre. Changement de ton, changement de focale mais la suite est toute aussi passionnante. Le lecteur est guidé mais on lui laisse la liberté de se faire sa propre opinion sur la fond de cette histoire ainsi que sur le destin de ces deux personnages marquants.

Sukkwan Island est donc un bouquin fort comme une gnôle frelatée qui vous poursuit après l'avoir refermé. Plusieurs jours encore après la lecture, ses deux personnages principaux jouent les prolongations dans votre esprit.  
L'éditeur français Gallmeister confirme ici la pertinence de son travail, autant dans la qualité de ses publications que dans celle de son site web. Ce Sukkwan Island n'est que le deuxième ouvrage de l'éditeur que je lis mais nul doute que je ne vais pas en rester là... 

mardi 12 juillet 2016

La question du point de vue (3)

Après s'être intéressé à la définition simple et la plus répandue du point de vue narratif (cf article 1) puis de s'être apitoyé sur la façon maladroite que j'estime avoir fait montre dans "Brûler à Black Rock" (cf article 2), il est maintenant temps de se donner quelques perspectives. En écriture comme dans tous les domaines, l'essentiel n'est-il pas d'avancer ? 
Avant d'aller plus loin, il est utile et même nécessaire de rappeler que la plupart des dénominations utilisées ici ont été normalisées par Gérard Genette qui a travaillé sur la question de la narratologie. Plus de détails sur la page qui lui est consacrée sur le site de théorie sémiotique SignoSemio.

Combiner les focales
Même s'il semble acquis qu'un auteur choisit généralement un point de vue qui prédomine dans son texte, changer de temps en temps de focale constitue un véritable plus pour la profondeur du récit et du coup pour l'intérêt du lecteur. 

Focalisation interne fixe : c'est le point de vue interne classique, tous les événements sont rapportés à travers la seule voix d'un personnage qui est ou qui n'est pas le narrateur. 
Focalisation interne variable : cas très répandu où l'on suit le récit à travers les yeux d'un premier personnage puis d'un second, puis d'un troisième, etc... avant de revenir au premier.
Focalisation interne multiple : cas d'une même scène racontée à travers le regard de plusieurs personnages (procédé ultra répandu au cinéma notamment). 

Et bien entendu, n'oublions pas -comme nous l'avons déjà vu- la focalisation externe et la focalisation omnisciente; bref un éventail plutôt riche pour raconter une histoire en s'amusant à changer de point de vue (ou pas, on n'est pas obligé après tout).

La question de la Multifocalisation
Comment définir le récit dont l'auteur présente au lecteur les pensées, les idées (conscientes ou inconscientes) de plusieurs personnages tour à tour ? Est ce de la focalisation zéro omnisciente ou de la focalisation interne multiple ? Peu importe, au fond, pourrait-on être tenté de répondre. 
Oui, sauf que ça change un peu la façon dont on doit/on peut construire son récit. Et que ça m'intéresse car c'est précisément ce modèle là que j'ai suivi en rédigeant "Brûler à Black Rock" et à propos duquel je me pose pas mal de questions (comme abordé ici). Le passage d'un personnage à l'autre au cours du même chapitre, parfois même les allers retours au sein d'une seule page, me posent problème. Je trouve que l'unité du récit en prend un coup. Alors je n'ai peut être pas maîtrisé comme je l'aurais souhaité ce procédé mais après quelques recherches, je suis rassuré sur le fait que le procédé en lui-même n'est pas à remettre en cause.

Reste à choisir son camp dès lors que l'on souhaite se mettre à abonder dans la multifocalisation. 
Quelle vision de l'histoire l'auteur souhaite t-il donner à son lecteur ? Dès lors qu'il veut tout lui présenter, embrasser l'intégralité de son propos, de son univers, de ses personnages, il me semble que l'auteur doit abonder dans le sens de l'omniscience en multipliant les caractéristiques de ce point de vue (interventions de l'auteur qui se démarque du narrateur). Si au contraire l'auteur veut limiter la connaissance du lecteur à quelques zones de l'histoire définies, il est nécessaire de rester sur la réserve. Ce que je n'ai peut-être pas suffisamment fait dans mon dernier roman. 
Alors, on la fait sur qui la mise au point ? 
A la lumière de toutes ces considérations, j'ai tendance à penser qu'il est certes important pour l'auteur de savoir qui parle dans son récit. De même il est important de définir la ton adopté et la distance du narrateur. Mais il ne faut pas trop se préoccuper de ces détails non plus. Choisir une ligne de conduite et s'y tenir. Et surtout faire confiance au lecteur et lui permettre de prendre ses aises dans le récit. Sans lui tenir la main ni lui proposer quelque chose de trop commun ni de trop rigide. Ce qui compte c'est de ménager l'intérêt du lecteur pour l'histoire qu'il est en train de lire, et donc de lui accorder des espaces de liberté. Changer de focale est un processus qui me semble sain et nécessaire, surtout dans le but de donner du piment à l'intrigue ou plus de vie à un personnage.
Fort de ces constatations, je réfléchis à la façon avec laquelle je vais aborder mon prochain roman (démarrage prévu au quatrième trimestre). Je reparlerai après l'été de ces préparatifs et de comment je construis ce futur récit car pour l'heure, je dois terminer les ultimes ajustements de "Brûler à Black Rock".

lundi 11 juillet 2016

La question du point de vue (2)

Dans un article précédent, nous nous sommes remis en tête les trois points de vue classiques du récit. Cela semble simple : externe, interne ou omniscient. Quand on y pense deux minutes, ces mots suffisent pour que l'on comprenne à quoi nous avons affaire dans chaque cas. Mais les choses changent, et pour tout dire, se complexifient dès lors que l'on prend la plume, le stylo, le crayon, le feutre ou - bien entendu - le clavier. 

L'alternance dans la focalisation interne
En matière d'écriture, j'ai tendance à penser qu'il n'y a pas de règle figée dans le marbre. Au contraire même, vouloir suivre des règles me semble être la meilleure façon de produire un texte transparent sans ton ni voix. Toutefois, il y a tout de même des choses qu'il convient de respecter pour s'assurer de produire un texte un minimum lisible. On peut tout à fait changer de point de vue au cours d'un récit. Les exemples sont d'ailleurs nombreux où le point de vue interne change d'un personnage à l'autre entre le début et la fin d'un roman. L’emboîtement de ces récits est une technique ultra répandue. On parle de focalisation interne variable (à contrario de la focalisation interne fixe qui ne s'attache qu'à un seul personnage). 
Se mettre d'accord avec soi-même dès le début
Lorsque j'ai commencé à travailler sur le script de "Brûler à Black Rock" fin 2014, j'ai eu tendance à m'enflammer. Six personnages majeurs d'égale importance, des récits enchâssés entre l'Australie, la France, le Colorado et New York, des intrigues qui se croisent, soixante chapitres prévus et un projet de près de 2 millions de signes à vue d’œil... Un projet très (trop!) ambitieux pour l'amateur que je suis; d'autant plus pour un retour en écriture après une interruption de six ans dans le récit long. 

Il était prévu que je fasse la part belle à l'alternance des récits et des personnages, au travers d'une focalisation interne variable. Dans les règles de l'art - ou presque ! Mais après avoir commencé à rédiger le premier jet et une dizaine de chapitres, je me suis rendu compte que j'allais dans le mur. Projet trop riche, trop complexe, trop ample pour moi. J'ai décidé de tailler dans le gras et de réduire en retirant trois personnages principaux, deux personnages secondaires et petit à petit en passant d'un plan de 60 chapitres à un plan de 40 chapitres (puis, six mois plus tard, de 30 chapitres en réduisant encore). 
L'omniscient doit garder la tête froide
Je suis donc reparti à l'attaque en recommençant un premier jet (deuxième version) tenant compte de cette réduction du périmètre. Mais je n'ai pas été suffisamment clair envers moi-même dans le choix du point de vue que je souhaitais adopter pour mon récit. Le point de vue interne a glissé rapidement vers le point de vue omniscient. Sans vraiment que je ne m'en rende compte et peut-être parce que j'avais besoin de m'impliquer dans ce récit (cela faisait six ans que je n'avais plus écrit du long, ça fait un bail).

Là où j'aurais dû revoir la copie, j'ai continué en me rendant compte qu'il y avait un malaise dans le ton adopté. L'omniscience en temps que tel, c'est un point de vue qui se défend. J'en ai beaucoup abusé il y a quinze ans, dix ans encore, mais j'en suis revenu. Le lecteur est trop accompagné, c'est un de mes défauts, je dois m'en défaire. Mais lorsqu'en plus l'omniscience cherche à faire de la focalisation interne entre deux paragraphes, on a tendance à ne plus savoir qui cause. Bon, je suis peut être un peu dur envers mon manuscrit mais c'est son plus gros défaut, à mes yeux. Dans un même chapitre, on alterne entre trois personnages, parfois même plus. Au risque de perdre l'unité et le lecteur. Alors oui, je sais, ce n'est pas très vendeur de dire ça avant la publication. Certains bêta-lecteurs n'en ont pas paru gênés pour autant, mais moi ça me chagrine. Lecteur... Toi, oui, toi... Lorsque tu liras "Brûler à Black Rock", tu te feras ton idée et tu pourras me dire ce que tu en penses. Parce que je ne vais pas tout réécrire, c'est au-dessus de mes forces, je le concède bien volontiers.

Le bouquin n'est pas à jeter à la poubelle pour autant. Enfin, je pense. Et je l'espère. Si j'envoie mon manuscrit chez un éditeur, je n'aurais pas de réponse. Et si, dans un cas sur 100 000 (à peu près) j'obtiens quand même une réponse, il me dira qu'il faut revoir ma copie notamment sur ce point. Entre autres choses. Mais je n'enverrai pas mon manuscrit chez un éditeur. Je n'en ai pas le temps, j'ai trop d'histoires à écrire pour jouer au loto. Et notamment un nouveau roman en point de vue interne. JE ou IL ? je n'en sais rien, chaque chose en son temps...

vendredi 8 juillet 2016

La question du point de vue (1)

Pendant l’écriture du premier jet de Brûler à Black Rock, un problème récurrent auquel j’ai été confronté concernait le point de vue narratif. Alors, ça vous rappelle quelque chose ? Normalement oui, des souvenirs du collège. Bon oui, je sais, ça peut commencer à dater ! Okay, un petit récapitulatif s’impose avant de continuer… Dans cet article, en guise de préambule, quelques petits rappels sur le sujet.

1 - Le point de vue narratif OMINISCIENT

Comme son nom l’indique, ce point de vue largement représenté dans la littérature est celui qui met l’auteur dans le rôle de DIEU ! Ni plus ni moins ! On est comme ça nous autres hein les auteurs, on se prend pour Dieu, non mais je te jure, quelle outrecuidance !

Dans le point de vue narratif omniscient, le narrateur voit tout et sait tout des actes et des pensées de tous les personnages. L’auteur est donc installé dans un fauteuil Chesterfield, pieds nus sur un parquet chauffant, avec un verre de single malt écossais et la vue qui domine les falaises déchirées d’un coin perdu d’un isthme de l'île de Skye, avec un phare abandonné et en contrebas le flux des vagues. Bon, je m’égare mais voilà quoi ressemble un coin de paradis pour moi.

C’est facile le point de vue omniscient, pour l’auteur. Comme il est dieu, le lecteur ne le remet pas en cause – on ne remet pas en cause Dieu, voyons ! Et puis comme l’auteur sait tout, il peut analyser les sentiments et les sensations de tous ses personnages. C’est très efficace pour l’auteur quand il y a de nombreux personnages ou des mondes très riches.

En revanche pour le lecteur, il n’y a pas beaucoup de choses à faire. Il est livré pieds et poings liés au message que souhaite faire passer le narrateur. Il est réduit à supporter l’analyse du caractère d’un personnage et ne peut pas se faire sa propre idée. Et pendant que l’auteur boit son malt en tapant sur le clavier de son ordinateur au-dessus de l’océan, calme et détendu, le lecteur se retrouve debout dans le métro, collé serré contre des bataillons d’autres voyageurs direction le bureau un lundi matin. Enfin bon j’exagère un poil, mais c’est pour la frime.

Source: It’s all in your point of view! - NARA — 535233,
National Archives and records Administration, Wikimedia

2 - Le point de vue narratif INTERNE

Ici, le narrateur s'entend comme larron en foire avec un personnage en particulier. Tout ce qui arrive dans le récit est uniquement vu à travers les yeux de ce personnage. 
Le narrateur ne sait donc pas ce qu'il se passe dans les têtes des autres personnages de l'histoire. Tout ce qui touche les émotions et le ressenti de ces autres protagonistes lui reste inconnu et donc non décrit. Ce qui ne facilite pas le boulot de l'auteur en cas d'intrigues un peu complexes. Les événements étant rapportés à travers les yeux de ce personnage là, ils sont donc déformés par son prisme. Il n'y a pas d'objectivé ! 

Pour le lecteur, c'est en revanche un peu plus intéressant que le point de vue narratif omniscient. En se concentrant sur un personnage, le narrateur permet à son lecteur d'être plongé dans la tête de celui-ci. Et la vision subjective qu'en fait l'auteur permet au lecteur de se faire sa propre idée de façon bien plus riche. A vrai dire, en tant que lecteur, c'est le point de vue que je préfère. Attention, ne pas assimiler ce point de vue à l'autobiographie. Le narrateur qui dit JE ça n'a rien à voir avec l'autobiographie réelle ou romancée; il s'agit bien de deux points différents. 

3 - Le point de vue narratif EXTERNE

Pour le point de vue externe, à mes yeux, il s'agit d'un légiste en train d'enregistrer un rapport d'autopsie. Bon d'accord, dit comme ça, ça ne donne pas très envie. 
Le narrateur rapporte un récit d'une façon totalement neutre et objective. Il demeure en dehors de tout jugement et de toute interprétation des actes ou des pensées des personnages de l'histoire. Il ne donne aucune information intime ou personnelle au sujet des protagonistes.

Compte tenu de la nature même de ce point de vue, il est compliqué pour l'auteur de creuser la psychologie de ses personnages. Finalement, il n'y a que les dialogues qui peuvent y parvenir avec efficacité. Ou bien à recourir à des procédés tels qu'un journal lu par un protagoniste. Mais ce sera toujours dans des zones à distance du récit du narrateur. 
En revanche le lecteur est laissé complètement libre d'imaginer à sa guise les réactions, les caractères des personnages ainsi que tout ce qui les constitue.
Les romans écrits avec un point de vue externe sont plus rares mais lorsqu'ils sont réussis, ce sont souvent de véritables pépites (Des souris et des hommes de Steinbeck!)

Maintenant que ces petits rappels sont faits, le prochain article de cette série sera consacré aux problèmes pratiques que j'ai rencontrés à ce sujet dans l'écriture de Brûler à Black Rock (et que je n'ai pas encore résolus à 100%!)