mercredi 30 novembre 2016

Lecture : Glendon Swarthout - Le tireur

Originalement publié en 1975 sous le titre "The Shootist", ce western avait été traduit par France-Marie Watkins pour le compte des éditions Gallimard la même année sous le titre "Une gâchette". Il aura fallu attendre 2012 pour que Gallmeister publie une nouvelle traduction de Laura Derajinski sous le titre "Le tireur". 
L'histoire est simple : as du révolver, John Bernard Books est atteint d'un cancer incurable et il se sait condamné. Dès que la nouvelle se propage, tout le monde rapplique pour profiter de son chant du cygne. Mais en tueur professionnel qu'il est, on comprend bien que Books compte quitter le monde par la grande porte.

Soulignons tout de suite l'excellente initiative des éditions Gallmeister d'avoir remis à disposition dans cette nouvelle édition un petit roman qui fait mouche, merveille d'efficacité et de concision, un concentré de brio narratif et de personnages plus grands que l'ouest américain tout entier. J'exagère ? Oui, et alors ? Ce bouquin est un chef d’œuvre. Ni plus, ni moins. La mort y rode dès les premières pages, d'une façon symbolique, elle hante chaque page et déboule pleins fers à la fin du livre, alors que l'on s'y attend, que l'on sait depuis un bon moment comment tout cela va finir... Mais on n'arrive pas à refermer ce livre pour autant. La structure narrative est d'une efficacité absolue. Le personnage principal de ce vieux mercenaire as de la gâchette que l'on sait aux portes de la mort est l'un des plus grands personnages de fiction américaine que j'ai pu lire.  Et le cadre est à l'unisson, au changement de siècle, à l'aube du XXème siècle, les allégories sont nombreuses, cachées sous la poussière des crinolines des filles légères au saloon et dans les bottes crottées des cow-boys.
Glendon Swarthout a écrit ici un bouquin vraiment fantastique, une perle qu'il faut absolument lire même si on est réfractaire au genre western. Car le récit, les métaphores qu'il renferme, le ton âpre et sec : tout concourt à alimenter ce roman de mille facettes qui en font une fiction crépusculaire d'une richesse incroyable. En moins de 200 pages, on se fait embarquer auprès d'un anti héros de première classe auquel on s'attache presque illico... alors qu'on devrait le détester. 
Tout est millimétré, les scènes de duels au révolver sont d'une précision chirurgicale. D'ailleurs ce bouquin a été adapté au cinéma par Don Siegel avec John Wayne dans le rôle phare ("Le dernier des géants").
L'écriture parait simple, la construction de l'histoire est d'une banalité effarante... et pourtant la mayonnaise prend à 200%. Rien n'est plus compliqué que de réussir à faire simple. Swarthout signe là sa pépite et prouve qu'il est un grand auteur inspiré et brillant. Un bouquin que je relirai à coup sûr ! 

Extrait : "Ça doit faire longtemps que vous n’avez pas regardé un calendrier, Books. On est en 1901. Les jours anciens sont morts et enterrés et vous ne le savez même pas. Vous pensez que cette ville est juste un endroit comme les autres où faire régner une terreur de tous les enfers. Un enfer, c’en est un. Bien sûr qu’on encore des saloons, des filles et des tables de jeu, mais on a aussi l’eau courante, le gaz, l’électricité et une salle d’opéra, on aura un tramway électrique d’ici l’année prochaine et on parle même de paver les rues. On a tué le dernier crotale dans El Paso Street il y a deux ans, dans un terrain vague."


mardi 29 novembre 2016

Lecture : Thomas Pynchon - L'homme qui apprenait lentement

Thomas Pynchon a une réputation. Mystérieuse et secrète, comme l'est sa vie aux yeux des journalistes qui ne cessent de traquer un auteur qui souhaite simplement qu'on lui foute la paix. Peu de photos depuis les années cinquante, une méfiance à l'encontre des reporters : Thomas Pynchon a adopté la seule ligne de conduite qui me semble tolérable pour un auteur. Celle de fermer sa gueule et de ne s'exprimer que par son œuvre. C'est d'autant plus appréciable qu'il s'agit de Pynchon, un auteur qui s'est taillé une réputation de très grand homme des lettres modernes et conscrit de Jim Harrison, année 1937.
Bon, autant le dire tout de go, "L'homme qui apprenait lentement" n'est certainement pas le bouquin avec lequel faire connaissance avec Pynchon. C'est pourtant ce que j'ai fait et c'est une erreur. Enfin, il faut l'espérer. 
Recueil de cinq nouvelles dites "de jeunesse" et écrites à la fin des années 50, cette édition est d'ailleurs précédée d'une note de Pynchon écrite à posteriori et pas vraiment tendre avec ces textes. Il faut avouer que ces nouvelles sont verbeuses et plutôt ennuyantes même si quelques éclairs m'ont fait comprendre que je passais certainement à côté de quelques allusions ou/et thèmes que l'auteur prendra plaisir à développer par la suite - à en croire les aficionados de Pynchon. Quelques étincelles de forme et une voix sont en effet bien présentes et donnent envie de découvrir plus profondément cet auteur secret et reclus qui jouit d'une réputation énorme auprès d'un cercle d'amateurs éclairés. A suivre donc avec une future plongée dans l'un de ses romans. Je suis en effet curieux de voir ce que ce style enlevé et riche peut donner sur un récit au long cours. 

dimanche 27 novembre 2016

Corrections en cours... Je profite que le premier jet de "Manx" soit terminé et au repos pour préparer un prochain livre. Recueil de textes très courts (une demi à une page chacun) écrits entre 2004 et 2012, poésie contemporaine et nouvelles ultra courtes... Sortie prévue avant la fin de l'année au format papier et ebook ! 

vendredi 25 novembre 2016

MANX : Journal de bord - Semaine 12

Cet article fait partie de la série "MANX: Journal de bord" qui se propose de suivre de façon hebdomadaire l'écriture de mon nouveau roman depuis les premières prises de notes jusqu'à l'impression du livre dans... plusieurs mois :)  Article précédent : Journal de bord (10&11)


Phase 4 - Le premier jet (semaine 8)
Vous savez quoi ? C'est la fin de la phase 4 ! Et le pire c'est que j'ai tenu mon objectif de boucler ce premier jet en 8 semaines. J'aurais même pu être plus productif sans les deux longs week-end de toussaint et du 11 novembre pendant lesquels je n'ai pas fichu grand chose. Mais qu'importe, voilà, il est là ce premier jet ! Foi de stormtrooper ! 
Ce manuscrit atteint les 151 feuilles recto verso soit 302 pages de 1600 signes en moyenne, pour un total avoisinant les 500 000 signes. En 50 jours c'est pas si mal mais il faut relativiser : ce n'est qu'un premier jet. Car maintenant les choses sérieuses vont commencer ! Le premier jet c'est rien, ça n'est jamais qu'un brouillon, et quand on a fait ça... ben on n'a (presque) rien fait.

Phase 5 - Laissez reposer la pâte 
Et c'est donc le début de la phase 5. Celle-là, c'est super facile. Il faut attendre et ne rien faire. Le manuscrit est posé sur mon bureau, dans une pochette fermée et il va rester en l'état pendant plusieurs semaines, environ un mois. L'objectif maintenant c'est d'oublier ce que l'on vient d'écrire afin de préparer la prochaine phase qui sera celle de la relecture.  Bon, dans la réalité c'est un peu différent, 48 heures après avoir terminé le premier jet, je commence déjà à réfléchir au schéma narratif qui coince, aux personnages qu'il faut retravailler, aux scènes bancales. Je prends quelques notes rapides sur mon carnet qui ne me quitte jamais mais dans l'idée, il faut que je laisse reposer la pâte. Cela tombe bien : j'ai un recueil de textes très courts écrits entre 2004 et 2014 que je suis en train de corriger et que je voudrais publier pour fin décembre... De quoi m'occuper en attendant la phase 6.

A suivre...

jeudi 24 novembre 2016

L'humeur du... 24 Novembre

En France, on n'a pas de pétrole mais il parait qu'on a des idées. Ouais enfin, je suis pas bien sûr pour le coup. En France, on a des écrivains qui passent leur vie à la télévision et à la radio. Cherchez pas, ce sont toujours les mêmes. Et cherchez pas non plus, ce ne sont pas ceux qui font preuve du plus d'imagination dans leurs récits. En cette période post rentrée littéraire avec dans son sillage une pluie de prix tous plus abscons les uns que les autres, cette triste réalité est d'autant plus évidente. Heureusement tout cela est derrière nous et nous voilà tranquilles jusqu'à janvier où la seconde rentrée littéraire va nous remettre un coup de massue derrière la tête. Avec la valse des mêmes poncifs et toujours les mêmes auteurs qui vont revenir hanter l'espace médiatique à baver les mêmes paroles, à éjaculer des platitudes qui nous emmerdent. 
Depuis quelques années pourtant ont émergé une nouvelle vague d'écrivains du prime time. Après la platitude et l'enfer de l'autofiction (quelles purges!) et du règne du MOI pendant lequel ces tristes sires nous ont conté par le menu leur quotidien de petits bourgeois malheureux trop occupés à se regarder le nombril pour créer, voilà venus les scribouillards de l'exofiction.
En France, on n'a pas de pétrole, mais on créé des néologismes à tout va. Surtout pour masquer la réalité des choses. Exofiction, késako ? L'exofiction, c'est le truc à la mode, c'est à l'écriture ce que le biopic est au cinéma : un livre inspiré de la vie d'un personnage qui a réellement existé. L'auteur glisse quelques éléments inventés, juste ce qu'il faut pour ne pas parler de biographie. Une bonne publicité par-dessus, on surfe sur la vague du potin, de la télé réalité puisqu'on utilise les mêmes schémas de caniveau et hop emballez c'est pesé. Depuis deux ans la tendance s'accentue et les libraires croulent sous cette production qui bénéficie de la complicité des journalistes bien pensants et bien dans le moule. 
Faut dire que ça vend un bouquin qui va nous dire des trucs vrais et croustillants sur la vie - pêle mêle - d'Elvis, de Napoléon, de Senna, d'Edgar Hoover, de Kadhafi, de Poutine, de Salinger, de Jim Morrison, de Kurt Cobain, de Van Gogh... Ben ouais. Et si en plus on donne un prix littéraire alors c'est le jackpot : bandeau rouge à la con pire qu'une guirlande sur un sapin de noël et les éditeurs se frottent les mains en comptant les euros. 

Ouais. Et la fiction dans tout ça ? La vraie fiction ? Celle qui consiste à inventer un personnage, une histoire, un cadre, des relations, des paysages ? Celle qui fait rêver le lecteur sur le seul contrat passé avec l'auteur de partager pendant quelques centaines de pages un univers créé de l'agrégation de mille choses différentes qu'un cerveau humain a converti en une histoire inventée ? Ah ben c'est sûr que là c'est autrement plus compliqué. Que c'est plus compliqué à vendre surtout. Parce que vendre ma bonne dame, y'a que ça qui compte aujourd'hui. Et que les plus courts chemins pour y arriver sont les meilleurs.

En France on n'a pas de pétrole, mais bientôt on n'aura plus de littérature de fiction non plus.

mercredi 23 novembre 2016

Lecture : Richard Brautigan - Un privé à Babylone

J'ai rencontré Brautigan avec ce livre. C'était il y a longtemps, au début des années 2000 et j'ai eu cette sorte de choc en refermant le bouquin que j'avais à l'époque lu d'une traite. Deux cent quarante pages totalement barrées mais poétiques aussi, parce que le n'importe quoi ça ne tient pas toujours la route bien longtemps. Et puis il y avait ça dans ce bouquin : "Elle m'a fait un geste du regard. C'était un geste bleu". Voilà, ces deux phrases m'ont totalement décalqué à l'époque, et ce sont elles qui m'ont fait aimer Brautigan. La suite, ça a été la lecture compulsive et effrénée de toute sa production republiée en poche chez 10/18.
Brautigan, c'est une source d'inspiration pour moi. C'est lui qui m'a totalement décomplexé sur l'écriture de textes très courts, de quelques lignes seulement et qui m'a permis de retrouver le chemin de l'écriture après quelques années où je n'avais plus le goût d'écrire. Pour cela je lui vouerai une reconnaissance éternelle (au moins). Aussi je serai sûrement un peu orienté quand je parlerai de mes lectures de Brautigan, je ne suis pas objectif, vous voilà prévenus. J'ai eu envie ces jours-ci de relire une nouvelle fois ce bouquin...

"Un privé à Babylone", traduit par Marc Chénetier, c'est le polar dynamité par Brautigan. L'explosion du genre, avec les codes inversés ou satellisés. Le narrateur est un raté mais un raté chez Brautigan ça reste poétique et un peu mélancolique aussi. Décalé, assurément. Un privé qui n'a pas un sou d'avance et qui au début du bouquin est obligé d'aller emprunter une arme et des balles à de vieilles connaissances parce qu'il a rendez-vous avec un client et que, tout de même, ça ne fait pas sérieux un détective désarmé. Et bien vite on apprend que ce privé là préfère rêver de Babylone plutôt que d'enquêter. Une métaphore sur ce que l'auteur pensait de la vie et sur la puissance de la rêverie ? 
La suite c'est comme toujours avec Brautigan une histoire qui part dans des directions totalement imprévisibles et des personnages échappés d'un univers à mi-chemin de celui des films des frères Coen et d'un Bukowski propre sur lui. Un truc inclassable, un style météorique et qui souffle sans cesse le chaud et le froid. Et posées sur une écriture parfois minimaliste des métaphores qui font mouche, des inspirations enlevées qui changent tout : "Un chauffeur avec un cou gros comme un troupeau de buffles."
Parfois il en fait un peu trop et parfois on sent que c'est la facilité qui prend les commandes mais cela ne dure jamais bien longtemps, il y a toujours au détour d'une page un mot, une expression, une métaphore qui vous saisit et qui vous retourne pour de bon. Un truc qui vous remet dans le droit chemin et vous rappelle que vous êtes chez Brautigan et qu'ici, la déco n'est pas la même que chez les autres. Quant aux personnages... "Elle était assise tout près de moi et son haleine ne sentait pas du tout la bière. Quand je pense qu’après avoir fini les six bières elle était tout de suite remontée en voiture sans aller aux toilettes : à se demander où la bière avait bien pu foutre le camp.
 
Brautigan a longtemps été un auteur incompris et du reste, je ne suis pas sûr qu'il soit mieux compris depuis qu'il est mort. Quand je vois que certains le réduisent à quantité négligeable ou auteur de divertissement, je me sens un peu triste. Célébré par les hippies, adoubé par les nihilistes, reconnu par la génération beat, il n'était sûrement de nulle part et d'aucun mouvement car il ne rentrait dans aucune case. Et c'est justement ce qui en faisait tout le charme. Il était une météore qui n'a pas vraiment trouvé une place où il se sente chez lui et cette mélancolie d'un paradis perdu qu'il cherchait entre les interstices de la vie se ressent dans tous ses livres. Après tout, n'a t-il pas écrit : "Nous avons tous une place dans l'histoire. La mienne c'est les nuages"... Alors si vous vous sentez de taille à lire un morceau de nuage un de ces quatre, essayez donc un Brautigan, n'importe lequel. Faudrait que ce soit remboursé par la sécu. 

Extrait : 
"J'ai trouvé mon copain de la morgue au fond, dans la salle d'autopsie, en train de contempler les seins morts d'un cadavre de dame allongé sur une table. Il était complètement absorbé dans la contemplation de ses nichons. 
Elle était belle, mais elle était morte."

mardi 22 novembre 2016

Lecture : Jim Harrison - Un bon jour pour mourir

Ceux qui ont l'habitude de traîner ici savent que je nourris une tendresse particulière envers Jim Harrison. Je prends par conséquent toujours un certain plaisir à lire ou à relire un de ses livres, d'autant plus depuis sa mort le 26 mars dernier. En effet avec sa disparition, le robinet s'est tari - si je puis dire. Je me garde d'ailleurs son ultime livre "Le vieux saltimbanque" pour dans quelques temps, et nul doute que je le lirai avec une certaine émotion en me disant que ça y est, il n'y en aura plus après celui-ci. 
J'essaye de lire/relire Harrison dans un ordre à peu près chronologique de parution originale. Après le très bon "Nord-Michigan" publié en 1976 et que j'ai lu le mois dernier, voici "Un bon jour pour mourir" publié en 1973 (traduit par Sara Oudin chez 10/18).
Ce roman court énumère bien sûr les thèmes chers à l'auteur : amitié, alcool, pêche, sexe et grands espaces. Il les malaxe et les mélange en un amas de chair littéraire jeté sur la route d'un "road-movie book" qui m'a un peu pesé sur l'estomac. Ben ouais. Je ne me suis pas passionné pour l'histoire de ce trio branquignol qui s'embarque sur une route dans le but d'aller faire péter un barrage aux abords du Grand Canyon. 
Pourquoi tout cela, on s'en fiche et je trouve que c'est très bien comme ça. Harrison n'est pas là pour faire le moralisateur ou expliquer l'alchimie des âmes en perdition qui se retrouvent, s'accrochent les unes aux autres quand elles se reconnaissent, se consument mutuellement jusqu'à cesser de briller. Et c'est inexplicable, il faut juste le raconter quand on en a le talent, ou le lire quand on le peut.
J'ai pourtant trouvé le propos un peu répétitif, ce qui est le genre même de ce type de bouquin et qui d'habitude ne me dérange pas. Pour tout dire j'ignore au fond pourquoi je n'ai pas accroché; peut-être que c'est la relation entre ces deux hommes et cette femme qui n'a pas explosé comme je l'aurais souhaité, qui n'a pas produit l'étincelle que j'attendais. Trop d'introspection, pas assez de folklore rock and roll ? Pas assez de grandiloquence, pas assez de foutraque et un peu trop de somnifères peut être. Parfois on passe à côté d'un livre sans trop savoir comment on a fait, comme lorsqu'on loupe une sauce alors qu'on avait tous les bons ingrédients pour réussir comme d'habitude. J'en serai donc pour une relecture dans quelques mois.

Extrait : "En observant les autres dans la douce torpeur provoquée par le whisky, je réalisais à quel point mon attachement à la vie était faible. Je n'étais pas impliqué, même en tant que simple observateur, et encore moins en tant que pèlerin. Disons que je n'étais ni dans les tribunes pour voir le match, ni sur le terrain pour jouer. J'étais plutôt dans les sous-sols, observant avec indifférence la structure de base tout entière. Mes amis n'existaient plus, ma femme non plus. Je n'avais ni Etat, ni patrie, ni gouverneur, ni président. C'est ce qu'on appelle être nihiliste, mais je trouve que c'est un mot beaucoup trop fort pour désigner le vide."

lundi 21 novembre 2016

MANX : Journal de bord - Semaines 10 et 11

Cet article fait partie de la série "MANX: Journal de bord" qui se propose de suivre de façon hebdomadaire l'écriture de mon nouveau roman depuis les premières prises de notes jusqu'à l'impression du livre dans... plusieurs mois :)  Article précédent : Journal de bord (8&9)

Phase 4 - Le premier jet (semaines 6 et 7)
Elles ont été un peu compliquées ces deux semaines. Peut-être parce qu'inconsciemment je sentais que je m'approchais de la fin du premier jet. Plus sûrement parce que j'ai passé cinq jours à Toulouse en famille à penser à autre chose qu'à écrire. L'efficacité et le rendement en ont pris un sacré coup dans les ridelles! Cette mini coupure m'a été dommageable dans la mesure où elle m'a interrompu alors que je m'approchais du dénouement de l'histoire. J'ai l'impression d'avoir perdu le fil des choses. Bon, d'un autre côté ce n'est pas non plus très grave, il ne s'agit que du brouillon d'une première version, alors...
Bref, voilà une image qui résume très bien l'état de la route que j'essaye de bâtir entre mes idées et le roman que j'espère boucler en 2017... Et en plus c'est typiquement le genre de paysages de certaines scènes écrites cette semaine.
En bouclant cette septième semaine passée sur le premier jet, j'ai presque terminé l'avant dernier chapitre de l'histoire, qui est également le dernier véritable "chapitre" de celle-ci, car celui avec lequel j'ai prévu de clore le roman sera court et fera office d'épilogue. C'est d'ailleurs à ce jour l'unique chose, avec le début, que je suis certain de garder quasiment en l'état dans la version finale. C'est étonnant d'ailleurs, comment les romans se construisent dans ma tête entre l'idée initiale et le résultat final plusieurs mois/années après. En général j'ai une situation de début, puis rapidement une situation de fin et un personnage ou deux. La suite vient après, il faut trouver le cheminement le plus intéressant et le plus amusant à écrire entre ce début et cette fin. Et c'est toujours comme cela que ça fonctionne.
Je vais donc boucler, ces derniers chapitres durant la semaine, et atteindre mon objectif qui était d'arriver à un premier jet écrit en huit semaines. Je ferai un premier bilan à chaud à l'issue de cette première étape certes importante mais encore bien en amont de la construction du récit final. 

A suivre...

vendredi 18 novembre 2016

Lecture : Larry McMurtry - La dernière séance

La dernière séance... Dans notre inconscient, et pour quelques années encore - le temps que les jeunes générations aux crocs acérés nous aient gentiment poussés dehors - ce titre évoque l'émission diffusée le mardi soir après le journal dans les années 1980. Mais c'est bien du roman éponyme mais baptisé "The Last Picture Show" en VO qu'il s'agit.
Notamment romancier et scénariste, mais ayant aussi commis quelques essais, Larry McMurtry est un auteur né en 1936 au Texas et prolifique (plus de 30 romans et une quinzaine d'essais). Il est connu du très grand public pour avoir cosigné avec Diana Ossana le scénario du film "Le secret de Brokeback Mountain". 

Son roman "La dernière séance" traduit par Simone Hilling est publié chez l'excellent éditeur Gallmeister dont je vantais récemment la pertinence du catalogue. 
L'histoire : Nous sommes au tout début des années 50 (1951 exactement) dans un petit patelin du Texas où tout le monde se connait et où la jeunesse s'ennuie ferme en imaginant à quoi ressemblera sa vie d'adulte. Les forages de pétrole qui appartiennent à certains, soudain riches, permettent à d'autres de gagner de quoi mettre de l'essence dans la voiture pour sortir la copine et l'emmener au cinéma le samedi soir. Dans ce paysage peu spectaculaire où démarre leurs vies, ces gamins se posent des questions. Vont-ils quitter le pays ou vont-ils devoir rester ici et rejoindre la cohorte de leurs parents, ces êtres qu'ils voient grisâtres et coincés entre rêves évanouis et quotidien misérable ?

Quel bouquin franchement réussi ! Je suis entré dans ce roman sans prendre de gants, accompagné par l'écriture classique et efficace de McMurtry bien secondée par une traduction qui évite les écueils de termes trop modernes pour décrire une campagne texane de 1951. Ce qui arrive parfois et qui dote certains livres de comportement étranges, comme s'exprimant d'une voix pâteuse. Ce n'est pas le cas ici, le ton est plaisant et l'évocation de cette jeunesse en questionnement jamais avare d'images simples mais efficaces. On sent que l'auteur ne cherche pas à en faire des tonnes, il raconte une histoire simple, sans chichi, sans longueur vraiment pénible (320 pages). Les personnages sont très réussis et pour tous ceux qui se souviennent encore d'avoir eu dix-sept ans, ils nous parlent. Et c'est bien la plus grande réussite de ce roman : il se passe au Texas en 1951 mais il pourrait très bien se dérouler n'importe où dans le monde à n'importe quelle période. La fin de l'enfance et la sortie de l'adolescence sont des moments universels de grands bouleversements que Larry McMurtry sait raconter avec efficacité et sans chercher à en faire trop. C'est tout à son honneur. Un grand bouquin que je relirai certainement. 

Extrait (source = site officiel de l'éditeur): 



jeudi 17 novembre 2016

La citation du... 17 novembre

Je réalise que cette citation toute simple de John Fante pourrait servir de fil conducteur à la plupart des récits longs que j'ai pu écrire depuis une vingtaine d'années. Et spécialement pour "Brûler à Black Rock" autopublié en août ainsi que pour "MANX" en cours d'écriture... Comme quoi on raconte toujours la même chose au fond.

L'humeur du... 17 Novembre

Inauguration d'un nouveau type d'article : le billet d'humeur. J'ignore où ça va aller mais c'est ça qui est bon !

Je suis aujourd'hui fatigué de la paresse intellectuelle et physique dans laquelle notre société se vautre. Musique d'ascenseur, télévision poubelle, lecture de gare, journalistes étroits, pensée unique... les signaux d'un appauvrissement continu et entretenu par nos dirigeants se multiplient. Loin de moi l'idée de dire "c'était mieux avant" mais tout de même, c'est de pire en pire. Quand je vois notamment le tissu de propagande et de bourrage de crane que l'éducation nationale s'emploie à inculquer à nos gosses, ça me rend dingue. Faut-il vraiment que cette pourtant vénérable institution soit manipulée par des pervers complètement dingues. Mais que pouvons nous y faire ? Entre ça et des établissements privés détenus par des illuminés sectaires qui ferment les yeux sur des sodomies enfantines... Merde !  
Mais je m'égare. On pourrait en parler des heures mais il y a des endroits privilégiés pour ça, qu'on appelle "troquet" ou "estaminet" ou plus simplement "bar". Et n'en déplaise aux élites défroquées qui nous servent de gardiens du temple, c'est chouette les bars. Convivial et social. On peut refaire le monde sans sortir de chez soi et sans risque ou presque. Et en plus on voit des gens en chair et en os. C'est quand même mieux qu'internet! Surtout qu'on peut boire des canons entre gens de mauvaise compagnie, en emmerdant copieusement la loi Evin et ce discours insupportable, politiquement correct, cette mention perpétuelle à la con du "à consommer avec modération". Ah ouais ? Ben si j'ai envie de me beurrer la gueule en faisant travailler le petit commerce, c'est mon droit le plus strict. Je n'ai pas l'alcool agressif en plus, peut être un peu collant mais au fond c'est quand même mieux que de se faire harceler par des spams ou des demandes d'amis facebook qu'on ne connait ni des lèvres ni des dents... Et que les chiens de garde de la pensée dominante ne viennent pas me chier dans les bottes, arguant que si je chope une cirrhose, les soins seront remboursés par la sécurité sociale aux frais des deniers publics. Ah ouais ? Parce que vous croyez peut être que nos dirigeants ne détournent pas des milliards depuis des décennies en arrosant un copain, une maîtresse, en achetant le silence d'un tyran, en couvrant les agissements obscurs d'une république bananière ? Et ce n'est pas avec les deniers publics peut-être ? Ah là par contre, on les entend plus les chiens de garde. Je vous vomis vous les sacs à merde qui vous haussez du col simplement parce que des dégénérés vous ont déroulé un tapis rouge sur des trottoirs où, décidément, les péripatéticiennes n'en finissent plus d'avoir de la concurrence.

C'est marrant. Au début je voulais causer de l'insupportable prédominance médiatique des bouquins basés sur du réel et des bouquins d'auto fiction. Y'a de quoi dire, et aussi de quoi couiner. Mais j'en ai peut être assez dit pour aujourd'hui, j'en parlerai la prochaine fois parce que, crénom quand même, il faut sauver la fiction bordel ! 

mardi 15 novembre 2016

Lecture : D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds

J'aurais aimé aimer ce livre. "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds" de Jon Kalman Stefansson... Malgré son titre trop long qui surfe sur la vague des titres trop longs qui font un tabac depuis quelques temps. Malgré le bandeau "Meilleur livre étranger de l'année par la rédaction de LIRE" qui l'entoure sur certains étals de librairie à la façon d'un calisson indigeste. En règle générale les bandeaux rouges autour des bouquins signalent justement les ouvrages qu'il faut s'empresser de ... fuir. 
Mais il y a l'Islande et Keflavik. Mon premier souvenir qui restera longtemps gravé dans mon esprit depuis ce voyage en Islande à l'été 2015. Lorsque par une nuit qui n'en était pas une, au volant d'une Polo de location j'ai quitté l'aéroport de Keflavik, direction Reyjavik sous cette clarté étrange de la nuit qui ne tombe jamais, vers 1h du matin, avec de part et d'autre d'une route déserte les éclats étonnants d'un champ de pierres volcaniques recouvertes de mousse claire. Alors, après moins d'une heure sur le sol islandais, je comprenais que ce voyage ferait partie de ceux qui me marqueraient pour de bon. 
Je me rends compte que j'ai déjà beaucoup parlé pour ne rien dire et ne pas parler de ce bouquin emprunté à la bibliothèque. 
Le premier chapitre commence par Keflavik et le premier paragraphe sans être renversant m'a renvoyé directement dans cette nuit qui n'en était pas une, lors de ce mois de juillet 2015 à la descente de l'avion. Benoîtement je pensais retrouver dans ce bouquin des images ou tout au moins des évocations de ce joli voyage, histoire de le prolonger après une brève interruption de plus de 400 nuits qui en étaient de vraies, pour le coup. Mais non. Ce bouquin m'est tombé des pieds, euh, des mains, après à peine cent pages de non sens absolu. Mais du non sens qui n'a rien de poétique, ni d'entrainant. Chiant comme un jour sans pain, comme on dit. Ou un jour sans poisson. Avec des passages pénibles à lire où l'auteur croit indispensable de nous faire part de digressions assommantes et lourdingues... Quelle plaie! Avec une histoire qui ne démarre jamais et qui lorsqu'on pense en tenir un bout nous échappe en s'embourbant dans des chemins tortueux, alambiqués au possible. Ouille! Voilà un bouquin que je ne finirai pas, Daniel Pennac m'en a donné l'autorisation dans ses 10 commandements...  Salut Daniel et encore merci pour le poisson, comme dirait Douglas :) 

lundi 14 novembre 2016

Pile de lecture

De retour d'un week-end prolongé à Toulouse (ô Toulouse) durant lequel j'ai peu écrit, pas mal lu, beaucoup marché et beaucoup mangé, il faut se remettre au travail. 
De passage à la fameuse librairie Ombres Blanches j'ai pu déambuler un long moment parmi les rayons du département "Littérature" en étant impressionné par le nombre de volumes disponibles, même si un peu déçu par celui qui m'intéresse le plus à savoir la littérature américaine. Qu'importe, j'ai trouvé mon bonheur, le complétant même en visitant une librairie d'occasion. Ma pile de lecture est à présent bien garnie...



mardi 8 novembre 2016

Lecture : Stephen King - Desolation

Stephen King, comme la majorité des écrivains de ce calibre, cristallise toutes les passions et leurs contraires chez leurs fans et leurs détracteurs. Dans un concert de louanges dont la vitalité n'a d'égal que la furie des opposants, difficile de se faire son idée... sauf à le lire. Et cela tombe bien puisque c'est bien ce qu'on attend d'un livre à priori. 
Adolescent, je n'ai pas lu King. En dehors de Lovecraft, la littérature d'horreur et assimilée ne m'a jamais vraiment attiré. J'ai attendu d'avoir 41 ans pour lire mon premier bouquin du mythique auteur du Maine et c'était l'hiver dernier avec "Mr Mercedes", un de ses rares polars ! Un peu moins d'un an plus tard, j'ai profité d'une visite impromptue chez un bouquiniste régional pour tenter le coup d'une deuxième lecture avec "Désolation".

Le début de l'histoire est cinématographique au possible : une route nationale perdue dans un coin du désert américain. Des gens comme vous et moi qui roulent avec leurs soucis et leurs promesses de petits bonheurs... jusqu'à ce que surgisse l'élément perturbateur, ce qu'on appelle l'écueil qui fait basculer l'histoire : un panneau avec un chien crevé dessus. Et puis rapidement une voiture de flic qui les prend en chasse avec au volant un grand méchant flic. 
La suite c'est une série de personnages qui se retrouvent tous captés dans les rets du filet de cette créature changeante et surnaturelle qui se cache sous les traits de ce flic. Avec ce qu'il faut de gore, d'araignées venimeuses, de serpents à sonnettes, de rats affamés, et de passages sanguinolents. Stephen King en fait des tonnes. La première moitié du bouquin se lit bien. Il faut avouer que l'auteur possède un véritable sens de la narration et sait y faire pour capter l'attention de son lecteur. Il suffit d'un seul paragraphe et nous voilà happés par l'intrigue avec une force terrible. Difficile, voire impossible de relâcher le bouquin une fois démarré. 

Le problème c'est après : 823 pages en format de poche ! Soyons sérieux deux minutes, ce n'est pas raisonnable Stephen, tu ne peux pas pondre des bouquins de plus de 800 pages pour raconter l'histoire d'une créature démoniaque déguisée en flic aux prises avec des américains moyens emmenés par un gamin croyant qui fait sa prière! Oui alors il ne faut pas être réfractaire aux bondieuseries non plus pour aller au bout de ce roman, car passés les 350 premières pages, on bascule vraiment dans un trip mystique qui, combiné aux longueurs terribles du récit, m'a fait carrément sortir du livre après avoir passé le cap des 500 pages. C'était trop. Trop de redites, trop de passages inutiles, trop de scènes similaires, trop de tout ! King a écrit ce bouquin en 1996, il y a pile 20 ans. Il semblerait qu'au début de sa carrière, certains bouquins étaient plus courts et plus efficaces. Peut-être retenterai-je ma chance en piochant dans l'un de ceux-là. Mais pas tout de suite, un bouquin d'horreur par an, c'est déjà beaucoup pour moi. 

lundi 7 novembre 2016

MANX : Journal de bord - Semaines 8 et 9

Cet article fait partie de la série "MANX: Journal de bord" qui se propose de suivre de façon hebdomadaire l'écriture de mon nouveau roman depuis les premières prises de notes jusqu'à l'impression du livre dans... plusieurs mois :)  Article précédent : Journal de bord (7)

Phase 4 - Le premier jet (semaines 4 et 5)
Voilà deux semaines que je n'avais pas pris le temps de me retourner sur l'écriture du premier jet de ce nouveau roman. Il faut dire qu'un rythme plutôt soutenu du côté du travail alimentaire a mobilisé mon temps et mon énergie. Difficile durant cette quinzaine d'avancer de façon sereine sur le manuscrit même si j'ai réussi à produire du contenu tous les jours. 
J'ai été notamment incapable d'assurer ce rythme initial de 25 feuillets hebdomadaires (équivalent de 50 pages format poche), arrivant péniblement à écrire 34 feuillets sur ces 2 semaines. On pourrait penser qu'il s'agit de calculs d'épicier alors que l'on cause d'écriture de fiction et que ce sont deux aspects bien différents... Certes. Mais encore une fois l'objectif du premier jet est de débiter. Or le débit a pas mal ralenti ces derniers temps et il va falloir donner un coup de collier pour reprendre un rythme plus soutenu. Mon objectif était de finir ce premier jet rapidement, c'est à dire mi-décembre. Néanmoins j'ai coupé quelques chapitres inutiles prévus sur le plan initial qui devront me permettre de terminer début décembre. En effet, 21 des 26 chapitres prévus ont été écrits durant ces 5 semaines. Il me reste donc 5 chapitres ce qui devrait me prendre une dizaine de jours ou plutôt quinze en comptant un weekend en famille pour le 11 novembre où je ne pourrais pas écrire beaucoup. Ce n'est toutefois pas grave, il semble maintenant plus ou moins acquis que je pourrais boucler ce premier jet en huit semaines.
Si l'on parle d'éléments plus précis maintenant, l'histoire prend forme et le gros de ce que je voulais raconter est là. Bon, il y a des incohérences, forcément, mais on s'y intéressera plus tard, après la deuxième version dont l'écriture débutera pour la nouvelle année. Je continue à noter dans la marge du manuscrit quelques remarques en cours d'écriture aux endroits que j'identifie déjà comme devant être retravaillés ou modifiés. Et sur mon carnet à part lorsque ce sont des idées générales qu'il faudra - ou non - incorporer à la deuxième version. J'ai notamment identifié un véritable problème sur l'un des deux personnages principaux de ce récit. Et il va falloir trouver des solutions pour le rendre plus attachant. Bref, le travail du tamis se poursuit, on continue encore à balancer de grandes pelletées de sable sans se préoccuper du reste, et on verra ensuite. Cette écriture décomplexée et imparfaite présente l'avantage de noircir du papier (littéralement) et écrire à la main reste un moment vraiment jouissif que les interfaces les plus agréables des ordinateurs les plus évolués n'ont toujours pas supplanté. 

samedi 5 novembre 2016

Gallmeister fête ses 10 ans

La maison d'édition fondée par Oliver Gallmeister a dix ans en 2016. Pour tous ceux qui s'intéressent à la littérature américaine des grands espaces, il s'agit d'une mine d'or. En cette saison des prix littéraires, on est chez Gallmeister bien loin du nombrilisme étriqué et des préoccupations étroites de la littérature française. 
Pour fêter les dix ans de Gallmeister, j'ai décidé de commencer à rattraper mon retard abyssal en me procurant un petit échantillon de titres. Car c'est vrai, depuis des années, je lis surtout de la littérature américaine et pourtant je n'ai que deux bouquins de cet éditeur dans ma bibliothèque. Y'aurait-il quelque chose de pourri au royaume de mon petit chez moi ? Ayant lu en juillet dernier le puissant "Sukkwand Island" qui est certainement le bouquin le plus connu du catalogue, j'ai notamment choisi deux nouveaux titres de David Vann.
Pour le reste j'ai décidé de me laisser aller au hasard... et à la lecture de la première phrase de chaque bouquin. Une phrase, c'est rien mais ça compte. Si vous ne connaissez pas les éditions Gallmeister, n'attendez pas plus longtemps et lancez-vous, le catalogue déborde de pépites à découvrir.
Pour vous le prouver, petit panorama de ma pile de lecture agrémentée des quatrièmes de couvertures repris sur le site de l'éditeur :  
Tobias Wolff : "Un voleur parmi nous"
Camp militaire de Fort Bragg, en Caroline du Nord, 1967. Trois jeunes paras s’apprêtent à finir leur formation avant de partir pour le Viêtnam. Trois hommes armés de fusil qui, le jour de la fête nationale, sont chargés de monter la garde autour d’un dépôt de munitions. Lorsque des civils s’approchent, les voici mis en joue. Ils n’étaient pourtant venus que pour alerter les soldats qu’un incendie était en train de s’étendre. Le dépôt de munitions ne tardera pas à être menacé. En réponse, pourtant, s’exerce un acte absurde, le premier d’une série qui ébranlera à tout jamais le destin de ces hommes. 

Glendon Swarthout : "Le tireur"
Au tournant du XXe siècle, John Bernard Books est l'un des derniers survivants de la conquête de l'Ouest. Après des années passées à affronter les plus grandes gâchettes du Far West, il apprend qu'il est atteint d'un cancer incurable : il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Les vautours se rassemblent pour assister au spectacle de sa mort, parmi lesquels un joueur, un voleur de bétail, un pasteur, un croque-mort, une de ses anciennes maîtresses, et même un jeune admirateur. Mais Books refuse de disparaître sans un dernier coup d'éclat et décide d'écrire lui-même l'ultime chapitre de sa propre légende.

Larry McMurtry : "La dernière séance"
En 1951, la petite ville texane de Thalia, aux confins du désert, hésite entre un puritanisme de bon ton et la quête d'un plaisir encore tabou. Du cinéma à la salle de billard, les jeunes gens du coin jouent aux amoureux éperdus et feraient tout pour être le sujet des derniers ragots. Livrés à eux-mêmes, Duane et Sonny gagnent après le lycée de quoi animer leurs samedis soir grâce à de petits jobs sur la plate-forme pétrolière. Ils s'ennuient sec et rêvent de filles belles comme le jour qu'ils enlèveraient à leurs riches parents pour les épouser dans une épopée romanesque. Reste pour cette petite bande à découvrir que la vie n'a finalement rien d'un scénario hollywoodien.

David Vann : "Impurs"
Été 1985. En plein cœur de la Vallée Centrale de Californie, Galen, vingt et un ans ans, vit seul avec sa mère. Étouffé par son amour exclusif, le jeune homme se réfugie dans la méditation. Leur existence est rythmée par les visites inopportunes de sa tante et de sa cousine trop sexy, et par celles qu’ils rendent à sa riche grand-mère dont la mémoire défaille. Mais l’accumulation de rancœurs entre les deux sœurs et l’obsession de Galen pour sa cousine ne tarderont pas à les mener au bord de l’explosion.

David Vann : "Dernier jour sur terre" 
14 février 2008. Steve Kazmierczak, 27 ans, se rend armé à son université. Entre 15 h 04 et 15 h 07, il tue cinq personnes et en blesse dix-huit avant de se donner la mort. À 13 ans, David Vann reçoit en héritage les armes de son père, qui vient de mettre fin à ses jours. Quel itinéraire a suivi le premier avant de se faire l’auteur de ce massacre ? Quel parcours le second devra-t-il emprunter pour se libérer de cet héritage ? L’écrivain retrace ici  l’histoire de Kazmierczak, paria solitaire, comme tant d’autres. Comme lui, par exemple, qui, enfant, se consolait en imaginant supprimer ses voisins au Magnum. 

vendredi 4 novembre 2016

Lecture : Sylvain Tesson - Sur les chemins noirs

Je connais mal Sylvain Tesson. Nous sommes pourtant de la même génération, à peine deux ans d'écart mais il fait partie de ces hommes que je me plais à jalouser secrètement. Frondeur bien né au cerveau bien fait, il correspond à ce genre d'aventuriers diplômés que la paresse et mes limites intellectuelles m'ont empêché de devenir. On ne se refait pas. 
Tesson aime la géographie et il aime courir le monde autant qu'explorer sa propre vie, certainement conscient de la brièveté de celle-ci depuis qu'en août 2014 il a chuté d'un toit et frôlé la mort. Une remise à zéro des compteurs en quelque sort pour un miracle dont il est sorti le corps meurtri, le visage tordu mais sûrement l'esprit changé à jamais. 

Après avoir pédalé autour du monde il y a plus de vingt ans, gambadé dans une Russie dont on l'imagine bien embrasser le caractère slave, roulé en side-car sur les routes de la retraite de Russie, chevauché en Mongolie, Sylvain Tesson a voulu retrouver la patience du marcheur. Il dit que pendant qu'il était sur son lit d'hôpital, le corps en miettes, il s'était juré de traverser la France en marchant s'il s'en sortait.
La suite c'est ce livre, "Sur les chemins noirs", le récit de cette longue marche. Une diagonale du massif du Mercantour jusqu'au Contentin par ces chemins que les cartes au 1/25000 ème soulignent, ces chemins noirs comme il les appelle. Deux mois et demi de marche à la fin de l'été 2015 à travers les zones rurales de notre pays, en se tenant loin des ZAC, des ZUP et de toutes ces zones de rien aux tristes acronymes. A travers la Provence, les Cévennes, l'Aubrac, la Loire, et la Touraine, Tesson convoque les étapes successives de l'histoire récente de la France qui en ont bouleversé le visage. C'est également l'occasion pour lui de reprendre possession de son corps après son accident et l'année passée en rééducation.
Récemment sur le plateau de la grande librairie, Tesson évoquait sa nécessité de se confronter aux choses et de les vivre pour les raconter, se disant incapable d'imaginer. En revanche, le lecteur de ce bouquin imagine tout à fait un homme (Tesson ou soi même) en train de marcher dans cette France rurale que les discours modernes se plaisent à railler ou à oublier, au bénéfice de ce qu'ils appellent le progrès. Progrès de quoi ? 
J'ai aimé ce bouquin, court et rempli d'oxygène, sans grand discours moralisateur mais qui invite à la réflexion et à affûter le regard sur notre quotidien. Tesson y creuse son sillon, original et séduisant, et plusieurs fois j'ai pensé que j'aurais aimé partager un bivouac avec lui dans ces forêts de France pour parler de tout et de rien et surtout profiter de l'instant présent. Le temps qu'on oublie et qu'on saccage sans cesse.
Le seul petit écueil toutefois, constitue son usage du passé. Il donne à ce récit une ambiance particulière qui fige le texte dans une nostalgie un peu inutile. Un présent aurait peut être donné plus de force encore à ces pérégrinations. 

Extrait : "La carte est le laissez-passez de nos rêves. Ces tracés en étoile et ces lignes étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisières, des vies antiques, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinaient de ces artères. C'étaient mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l'échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n'y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage.. Certains hommes espéraient entrer dans l'histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître".