vendredi 20 janvier 2017

Lecture : Larry Brown - Joe

Le talent de Larry Brown ne s’est pas exprimé longtemps. Cet auteur américain originaire du Mississippi a publié cinq romans et deux recueils de nouvelles entre 1988 et 2003 avant de décéder d’une crise cardiaque en 2004 alors qu’il n’avait que 53 ans. L’intégralité de son œuvre a été traduite en français chez Gallimard dans la collection "La noire" puis en poche dans la collection "Folio Policier". Même si c’est anecdotique, force est de constater que la classification française et cette habitude poussiéreuse de tout cataloguer sous des étiquettes ne fait pas bon ménage avec la liberté de ton et de style de la littérature, américaine de surcroit. Mais rien de nouveau sous le soleil, il s’agit là d’une rengaine bien connue. D’ailleurs, et pour finir sur le sujet, il est amusant de constater que dans certaines librairies les livres des éditions Gallmeister sont classées sous le thème « Nature Writing » où cela ne se justifie pas toujours.

Mais qu’importe, louons cette initiative des libraires qui permet de regrouper les titres de cette maison de qualité que sont les éditions Gallmeister qui republient –entre autres- l’œuvre de Larry Brown. J’ai profité de quelques jours de congés à noël pour lire d’affilée deux de ses romans dans cette collection « Totem » que j’affectionne pour plusieurs raisons (format, maquette, papier et bien sûr le plus important, la qualité et l’homogénéité des textes). Voici un petit avis sur le premier d’entre eux, "Joe" écrit en 1991.
Ce bouquin est sûrement celui qui a fait le plus connaître son auteur, puisqu’il a bénéficié d’une adaptation (plutôt bonne) au cinéma, du même titre, réalisé par David Gordon Green avec un très bon Nicolas Cage dans le rôle de Joe, le personnage principal. Un personnage qui est l’archétype de l’anti-héros, buveur, violent, mais qui a un sens appuyé de la justice et de la liberté individuelle. Un homme aux réactions spontanées et au passé agité dans lequel il essaye de ne pas replonger. Certains individus semblent toutefois avoir un destin auquel ils ne peuvent pas échapper. Voilà, en résumé, le petit grain qui fait tout l’intérêt de ce bouquin. Et aussi le personnage de Gary dont la vie va basculer au contact de Joe. Ce roman s’intéresse aux personnages marginaux, ceux qui semblent condamner à patauger dans les difficultés et qu’une malédiction rejette tout en bas lorsqu’ils parviennent à s’élever. L’écriture est à l’image de ces caractères forts et introvertis : brûlante et sans fioriture. On se sent immergé dans le récit, capté par les images d’un sud des Etats-Unis rural et violent, austère et brut. Le tout dans une écriture qui ensorcelle. Un très chouette bouquin, noir, oui, sûrement.

Quatrième de couverture : « Gary Jones a peut-être bien quinze ans. Sa famille vagabonde, arpente les rues et les bois du Mississippi tandis qu'il rêve d'échapper à cette vie, à l'emprise de son bon à rien d'ivrogne de père. Joe Ransom a la quarantaine bien sonnée. Il ne dénombre plus les bouteilles éclusées et les rixes déclenchées. Lorsqu'il croise le chemin de Gary, sauver le jeune garçon devient pour Joe l'occasion d'expier ses péchés et de compter enfin pour quelqu'un. Ensemble, ils vont avancer et tracer à deux un cours sinueux, qui pourrait bien mener au désastre… ou à la rédemption. »

Extrait : « On peut pas vivre vingt ans avec quelqu’un sans le connaître, comme moi je la connais. Elle va tout le temps à l’église et moi jamais. Elle aime pas être avec des gens qui boivent, elle aime même pas sentir l’odeur de l’alcool. Moi je bois, et j’aime ça. C’est tout. Si t’es obligé de te disputer avec quelqu’un jour après jour, tu finis par en avoir marre de vivre avec lui. Et ça change rien si tu l’aimes. »

Joe Traduction de Lili Sztajn - Editions Gallmeister, collection Totem, 336 pages, 10 €

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