mercredi 31 mai 2017

Indigestion (ou presque) de tricolore

Récemment ici-même au moment de dresser le bilan de mes lectures de l'année 2016 je me faisais la remarque que je lisais peu d'auteurs français. Ceci dit, je n'ai pas attendu de faire ce bilan comptable pour m'en rendre compte.
Un concours de circonstances favorables vient de me donner l'occasion de me replonger dans une certaine littérature contemporaire tricolore. 
En effet, un stock de nombreux congés à solder avant la fin du mois du mai combiné à une visite dans une bourse aux livres à 1 euro ont constitué les facteurs déclenchants d'une incroyable boulimie de lecture. Ajoutons-y aussi la fin de l'écriture du troisième jet de "MANX" qui m'a libéré un peu de temps l'espace de quelques semaines... Au final ce sont donc 43 livres lus en l'espace de deux mois dont 27 pour le seul mois de mai. D'accord je l'avoue, rares furent les gros pavés, la littérature française moderne se plait à faire court (parfois pour ne rien dire mais ceci est un autre débat).

Sur ces 43 bouquins, 32 ont été écrits par des auteurs francophones, un ratio franchement inhabituel pour moi, plutôt habitué à puiser dans la littérature anglo-saxonne. Autant le dire tout de suite, il y a à boire et à manger dans ce blougi boulga de lectures. J'ai été impressionné par l'aisance stylistique de Jérôme Ferrari et de son "Sermon sur la chute de RomePrix Goncourt 2012, aux éditions Actes Sud. Pour une fois, j'ai donc été impressionné par un lauréat d'un grand prix littéraire. C'est assez rare pour être souligné. Il faut dire que les longues phrases (parfois trop longues et trop riches) de Ferrari sont parfois étonnantes. Extrait : Et ce soir-là, à table, elle ne pensait pas à lui en évoquant la richesse exceptionnelle d'un site laissé à l'abandon depuis des années, les trophées, la cuirasse ceinte du long manteau de bronze, les têtes de Gorgone disparues au fronton des fontaines de marbre, les colonnades des basiliques, et elle parlait de la gentillesse de ses collègues algériens dont elle veillait à ne pas écorcher les noms, Meziane Karadja, Lydia Dahmani, Souad Bouziane, Massinissa Guermat, de leur dévouement, du talent et de la foi avec lesquels ils faisaient surgir de cet amas de pierres muettes, pour les enfants des écoles primaires, une cité pleine de vie et, sous les yeux des enfants, l'herbe jaune se couvrait de dallages et de mosaïques, le vieux roi numide passait sur son grand cheval mélancolique en rêvant au baiser perdu de Sophonisbe et, des siècles plus tard, au bout de la longue nuit païenne, les fidèles ressuscités se pressaient les uns contre les autres et contre les chancels, en attendant que s'élevât parmi eux, dans la nef lumineuse, la voix de l'évêque qui les aimait...

Bon, à côté de ce titre étonnant, d'autres ne me laisseront pas de grands souvenirs et je ne leur ferai pas l'affront de les citer. Je me demande juste comment certains font pour réussir à placer des textes aussi plats, aussi inintéressants... Bref, passons. 

- Emmanuel Carrère m'a un peu ennuyé avec sa biographie de Philip K.Dick ("Je suis vivant et vous êtes morts") qui finit par tourner très vite en rond. En revanche le même Emmanuel Carrère m'a touché avec son "D'autres vies que les miennes" malgré le côté parfois larmoyant de son écriture journalistique et son ton névrosé.
- Sylvain Tesson m'a fait rêver avec son étonnant voyage immobile dans une cabane sur le lac Baïkal "Dans les forêts de Sibérie".
- Jean-Louis Fournier m'a remué les tripes avec son récit "Où on va, papa" qui raconte d'un point de vue très personnel et très réussi sa vie de père de deux enfants handicapés mentaux.
- Philippe Claudel m'a intéressé avec son récit de visites en prisons dans "Le bruit des trousseaux" et j'ai moyennement apprécié son "La petite fille de Monsieur Linh" qui sonne comme une ritournelle un peu facile sur le droit à la différence.
- Patrick Modiano m'a laissé circonspect en lisant son "Accident nocturne"... Je n'arrive pas à aimer ni à ne pas aimer, il faudra peut-être que je lise un autre livre de cet auteur encensé par bien des critiques... ou pas.
- Pascal Garnier m'a scotché et vraiment marqué, notamment avec "Lune captive dans un oeil mort" et "Cartons" qui sont des bijoux de romans intelligents, stylés et vraiment réussis. J'ai renouvelé l'expérience avec 6 autres livres du même regretté Garnier, dont la moitié est au-moins aussi intéressante. Un auteur qui entre directement dans mon panthéon, tout en haut des auteurs français.
- Amélie Nothomb m'a réconcilié avec une auteur que j'avais délaissée après l'avoir découverte il y a plus de vingt ans à l'occasion de son premier bouquin. J'ai particulièrement apprécié "Biographie de la faim" parmi les 4 livres de la belge lus en cette période. Malgré des tics d'écriture un peu pénibles.

Dans les semaines à venir j'essayerai de laisser ici-même des petits avis un peu plus étayés sur les lectures qui m'ont le plus marqué. Et en attendant je me suis remis à l'anglo-saxon avec un roman noir du grand Larry Brown. Histoire de couper après cette boulimie tricolore.

mardi 30 mai 2017

Lecture : Jack Kerouac - Satori à Paris

Lorsqu'il convient d'évoquer la production littéraire de Jack Kerouac, de façon immanquable, c'est "Sur la route" qui est cité. Et ensuite, en règle générale, arrivent pêle-mêle "Les clochards célestes", "Mexico City Blues" et "Visions de Cody". C'est une sorte de classement un peu inévitable : on n'y échappe pas (et à juste titre). 
"Satori à Paris" a été écrit par Kerouac en 1966 soit presque une décennie après le célèbre et solaire "Sur la route" qui cristallisait toute la fougue d'une beat generation dont l'écrivain américain était alors le phare. 
Pour comprendre comme il se doit ce roman court foncièrement autobiographique, il faut rappeler le véritable nom de Kerouac : Jean-Louis Lebris de Kérouac. Car oui, ce bon vieux Jack a des ancêtres français, bretons de surcroît. Ce livre est le récit de ses pérégrinations françaises lorsqu'il s'est rendu en 1965 à Paris puis en Bretagne à la recherche de ses racines et notamment de l'origine de son patronyme complet. A la fin de sa vie, Kerouac s'est lancé à corps perdu dans une recherche des origines qu'il n'a pas pu mener jusqu'à son terme.
J'avais déjà lu ce petit bouquin il y a des années et j'en avais gardé un très bon souvenir. La relecture n'a fait que confirmer ce premier avis. Kerouac y déploie son enthousiasme (souvent alcoolisé) à travers les rues de Paris, les paysages bretons. On ressent son humanité transpirer dans toutes ces pages, notamment quand il rencontre des anonymes avec lesquels il ressent une proximité spirituelle qui concourt à entretenir ce satori exprimé tout au long du bouquin. La chaleur humaine et le besoin absolu de tendresse, de relations, de l'auteur en fait un personnage attachant en diable. On restera toutefois un peu sur sa faim lorsqu'il sera temps de refermer le livre, comme si après avoir sympathisé avec un gars rencontré dans le bar d'une ville étrangère, on le perdait de vue au petit matin, évanoui dans des venelles humides et un peu froides d'une ville inconnue. 

ExtraitEtudiant les cartes, décidant d'aller à pied partout, de manger, de retrouver la patrie de mes ancêtres à la Bibliothèque, et puis de me rendre en Bretagne, là où ils avaient vécu et où la mer, à n'en point douter, baignait encore les rochers. - J'avais prévu qu'au bout de cinq jours passés à Paris, je descendrais à cette auberge au bord de l'Océan, dans le Finistère, et sortirais à minuit, enveloppé dans mon imperméable, coiffé de mon chapeau, muni de mon carnet et d'un crayon et d'un grand sac en plastique pour écrire à l'intérieur - en somme, en mettant la main, le carnet et le crayon dans le sac - écrire au sec, pendant que la pluie tomberait sur le reste de mon corps. Et je transcrirais les sons de la mer, cette seconde partie du poème - La Mer - intitulée "La Mer, dernière partie, les sons de l'Atlantique, Bretagne", auprès de Carnac, ou de Concarneau ou à la pointe de Penmarch, ou encore à Douarnenez, à Plouzaimedeau, Brest ou Saint-Malo. - Là, dans ma valise, le sac en plastique, les deux crayons, les mines de rechange, le carnet, l'écharpe, le pull, l'imperméable dans la penderie, et les chaussures chaudes. 

Jack Kerouac - Satori à Paris, Folio, 160 pages, 6.6 €

vendredi 26 mai 2017

Lecture : Jean Teulé - Longues peines

Longtemps j'ai pensé que Jean Teulé était un trublion de la télévision qui multipliait les supports (écrans, écrits) car je l'associais à son passage le samedi dans l'émission "L'assiette anglaise" à la fin des années 80 ou, de mémoire, il animait une chronique hebdomadaire. Je n'ai compris que récemment que le Jean Teulé que je voyais sur les couvertures de quelques livres historiques était le même que ce personnage à la verve touffue et aux bouclettes rebelles.

Dans l'optique d'un prochain projet de roman (cf page projets) je commence à me documenter (de loin) sur la prison et à la faveur de recherches sur le net, j'ai sélectionné plusieurs ouvrages à parcourir sur le sujet, qu'il s'agisse de fiction et de non fiction. 

"Longues peines" est un récit romanesque tiré d'une histoire vraie que Teulé a écrit en 2001. Il y parle de prison et de la cellule n°108 que partagent quatre hommes d'une maison d'arrêt de province. Partant de faits réels et d'histoires authentiques, Teulé fait fonctionner la machine à fantasme et on sent bien qu'il ne s'agit pas d'un exercice difficile pour lui. Tout d'abord tenue, l'histoire part alors très vite dans des acrobaties foutraques et délirantes qui relèvent du fantasme pur, et qui troublent les cartes de la frontière entre réalité et fiction. C'est un peu dommage car le bouquin perd son côté reportage et documentaire qui m'avait attiré en premier lieu. Ce roman court est écrit avec dynamisme et ne laisse aucun répit au lecteur. Pas de longueur ni de douceur dans ce monde de la prison, Teulé se fait plaisir dans un récit certes percutant mais un peu trop délirant à mon goût. J'aurais aimé un peu plus de retenue et de subtilité et moins de raccourcis et de facilité. 


Extrait : Le nouveau cocellulaire de la cent huit, assis sur le lit de droite, aurait dû être surpris par ce qu'il entendait, mais Pierre-Marie Popineau semblait indifférent à tout, même à sa lèvre tuméfiée, même à ses côtes fêlées...
Kaczmarek, beau grand mec blond et athlétique allongé sur le dos, doigts croisés sous la nuque, tourna la tête vers Popineau - soixante-deux ans :- Bon, qu'on t'affranchisse tout de suite, vieux. Lui, à la fenêtre, il a sans doute coulé trois femmes dans le béton. Moi, j'ai rendu une fille hémiplégique et tué son mec à coups de poing la veille de leur mariage. Et toi ?Apprenant les délits commis par ses jeunes cocellulaires, Popineau, effaré, a regardé vers la porte pour s'enfuir. Comme elle était close et sans serrure, il a tourné la tête vers la fenêtre. C'est alors que Kaczmarek découvrit le pansement à l'oreille gauche de Pierre-Marie :- Ah, d'accord, c'est ça... Alors toi, ici, vieux, tu vas pas t'amuser...Popineau s'en était aperçu. Arrivé il y a moins d'une heure, il s'était déjà fait trancher l'oreille, battre dans la cour et jeter par-dessus la rambarde des coursives.

Jean Teulé - Longues Peines, Pocket, 190 pages, 6€

mercredi 24 mai 2017

Zoom sur les sorties... Mai #1

Depuis un moment déjà je souhaite signaler les nouveautés ou rééditions qui me semblent marquantes dans le planning chargé des sorties de livres. Sauf cas exceptionnel, je m'attacherai surtout aux littératures (étrangères et française) ainsi qu'à la poésie, laissant de côté le théâtre et les livres hors du champ de la littérature (au sens large).
Pour démarrer cette rubrique qui sera récurrente au fil des mois à venir, quelques sorties pour accompagner ce mois de mai :


Romain Gary - Le vin des morts
Parution en poche chez Folio du premier roman écrit par Romain Gary (avant 1938) qui fut inédit jusqu'en 2014. On a coutume de dire que les livres inconnus d'auteurs qui ne le sont pas ont une bonne raison d'être restés inconnus... 
"Le vin des morts" est un roman de jeunesse réputé mineur pour ses qualités littéraires, mais qui présente néanmoins des clés pour l'exploration de l'univers futur de l'auteur. 
Parution : 18 mai 2017 chez Folio, 288 pages.





Ian McEwan - Dans une coque de noix :
L'auteur britannique Ian McEwan est souvent considéré comme l'auteur anglais le plus talentueux de ce début de siècle. Ouch, rien de moins. Néanmoins je ne serai pas loin de partager cet avis malgré son caractère un peu trop définitif et très peu objectif.
Dans ce nouvel opus, McEwan se propose de revisiter Hamlet en faisant fait parler un embryon sur le point de sortir du ventre de sa mère et qui entend les sombres desseins que prévoit sa future génétrice à l'endroit de son père. Rien de moins (bis). 
Parution : 18 avril 2017 chez Gallimard, 224 pages.




Richard Brautigan - Journal japonais / Il pleut en amour 
J'ai tout récemment parlé encore ici même de Brautigan et notamment des poésies de Brautigan. Pour ceux qui hésiteraient à se lancer dans la monumentale édition bilingue à laquelle je faisais référence, voici un moyen plus léger de se frotter à l'univers du poète californien.
Ce bouquin rassemble "Journal japonais" et "Il pleut en amour" : un recueil de haïkus et un recueil de poèmes dans la veine de la poésie burlesque et naïve chère à l'auteur.
Parution : 13 Avril 2017 chez Points, 416 pages.


Georges Perec - Œuvres 
Comment passer sous silence la publication simultanée de deux volumes de Pérec dans la prestigieuse collection de la Pléiade ? 
Pérec qu'on ne présente plus, Pérec de l'Oulipo et du reste, Pérec des défis les plus fous lancés à la forme littéraire, au jeu et à l'amour du mot. 
Le volume 1 contient :  Les Choses - Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour? - Un homme qui dort - La Disparition - Les revenentes - Espèces d'espaces - W ou Le souvenir d'enfance - Je me souviens.
Le volume 2 contient : La Vie mode d'emploi - Un cabinet d'amateur - La Clôture et autres poèmes - L'Éternité. Appendice : Tentative d'épuisement d'un lieu parisien - Le Voyage d'hiver - Ellis Island - L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation - L'Augmentation.
Parution : 11 Avril 2017 chez Gallimard Pléiade, 1184 et 1280 pages.

mardi 23 mai 2017

Lecture : Michel Houellebecq - Les particules élémentaires

Bruno et Michel sont deux demi-frères qui ont mis du temps à se retrouver, blackboulés dans des vies bien séparées. Le premier est divorcé, professeur de littérature et surtout totalement, irrémédiablement, absolument obnubilé par la recherche frénétique de la jouissance sexuelle. Le second est un scientifique en rupture avec la société, traumatisé par la mort de sa grand-mère qui l'a élevé et incapable d'entretenir une relation normale avec qui que ce soit. 
Sur cette idée de base, Michel Houellebecq a signé il y a vingt ans (1998) un roman tout à fait incroyable qui aurait tout à fait pu lui octroyer le Goncourt (prix qu'il gagnera néanmoins en 2010 avec "La carte et le territoire", un roman bien plus sage et moins personnel qu'il semblerait presque avoir lissé pour séduire les membres du jury). Mais passons sur ces considérations anecdotiques, ce n'est pas un prix qui fait un bon bouquin, ça se saurait...

Bref, Michel Houellebecq a frappé un grand coup avec ce bouquin. Après "Extension du domaine de la lutte" qui mettait déjà en place les ressorts qui intriguent le bonhomme, les aspects de notre société malade qui l'interpellent, le romancier va ici encore plus loin. Son propos se généralise, il permet à l'auteur de sortir d'une première intention louable mais encore un peu étroite pour prendre toute la mesure des obsessions qui l'habitent. Certains ont voulu chercher une intrigue dans ce bouquin, il faut pourtant aller un peu plus loin. Les lecteurs qui ne sont pas capables de voir plus loin que le premier degré ne devraient pas être encouragés à ouvrir un bouquin de Houellebecq, à fortiori celui-ci. Le paysage social dépeint dans ce livre est certes plutôt grisonnant, voire grisâtre mais il est d'une cohérence indéniable. 
Que les choses soient claires : je ne suis pas fan de Houellebecq et je me contrefout des querelles de clochers entre intellectuels bobos et crétins bobos qui se déchirent à son endroit. On en a fait des tonnes sur le passage de "L'Islam la religion la plus bête et la plus obscurantiste" en passant sous silence les naufrages des relations humaines vouées à l'échec que ce roman narre avec brio. Houellebecq, à l'inverse de nombreux auteurs amis du show-business, se fiche d'être politiquement correct. Et c'est drôlement agréable. Ce livre-là est le meilleur que j'ai pu lire de cet auteur jusqu'à présent et m'a réconcilié avec la petite déception de "La Carte et le Territoire". Même si les scènes de cul sont un peu trop longues et nombreuses à mon goût mais c'est un détail. 

Extrait : La solution des utopistes – de Platon à Huxley, en passant par Fourier – consiste à éteindre le désir et les souffrances qui s’y rattachent en organisant sa satisfaction immédiate. A l’opposé, la société érotique-publicitaire où nous vivons s’attache à organiser le désir, à développer le désir dans des proportions inouïes, tout en maintenant la satisfaction dans le domaine de la sphère privée. Pour que la société fonctionne, il faut que le désir croisse, s’étende et dévore la vie des hommes.


Michel Houellebecq - Les particules élémentaires, 
Flammarion, 393 pages, 20

lundi 22 mai 2017

Lecture : Richard Brautigan - C'est tout c'que j'ai à déclarer

Richard Brautigan a sa place dans les nuages. Et depuis qu'il a décidé de nous quitter un jour funeste de 1984 du côté de Bolinas, personne ne l'a vraiment remplacé. C'est peut être tant mieux, du reste... Parce que Brautigan, c'est Brautigan et que vous pouvez faire ce que vous voulez, l'aimer ou le détester, ça reste Brautigan, unique et à part dans la littérature américaine. Romancier ? Beat ? Poète ? Un peu des trois sûrement, mais surtout poète. Oui, poète assurément. Et qu'importe les quelques romans qu'il a écrits, qu'importe les milliers de textes ultra courts qu'il a produits, il reste avant tout un poète. 
Brautigan disait de ses poésies qu'il s'agissait de « fleurs de papier avec de l’amour et de la mort ». Insolite au possible, original jusqu'à la caricature, il a signé quelques poèmes tout à fait incroyables, avec une économie de mots et de moyens qui force le respect. Car derrière cette apparente décontraction, l'homme souffrait et savait témoigner de cette incompatibilité chronique de caractère avec l'existence. Obsédé par la mort, il a survécu jusqu'à la révérence finale en se gavant d'amour et de mots, de whisky et de rêves. 

Il est temps que tu t’entraînes
à dormir de nouveau tout seul
et c’est foutrement dur.

Ses productions poétiques sont doucereuses et amères, cyniques et vibrantes, loufoques et désespérées. Elles soufflent le chaud et le froid des émotions humaines, sont vibrantes de vie et nostalgiques du temps qui passe. Lire la poésie de Brautigan, c'est comme monter dans un wagon de montagne russe avec un inspecteur des impôts. 
Avec trois fois rien, Brautigan nous emporte dans ces poésies. Vers des acrobaties syntaxiques, des folies métaphoriques et surtout dans une incroyable puissance stylistique, émouvante et folle. 

Le Castor Astral a publié en novembre 2016 un immense pavé de 800 pages en version bilingue de l'intégralité de la poésie de Brautigan. Il faut réaliser l'ampleur de la tâche car c'est une première mondiale. Ceci n'a à ce jour jamais été fait, et dans aucun autre pays du monde. Même aux USA, il n'existe aucun recueil de l'intégralité des poésies de l'auteur. Alors merci au Castor Astral pour ce beau cadeau.
En fan de Brautigan, j'ai lu ce pavé sur plusieurs semaines, y picorant chaque soir avant de m'endormir quelques lignes pleines de couleurs et de dinguerie. En lisant directement en VO parce qu'il s'agit d'une poésie jouant sur un vocabulaire simple. Il y a tout là-dedans, toute la production poétique d'un homme en marge de tout et il s'agit d'un bouquin essentiel, à coup sûr la plus grande publication poétique de toute l'année 2016 en France. Alors investissez les 32 euros nécessaires pour cette bible ou demandez-le à votre bibliothèque mais faites bon accueil à ce formidable bouquin. 

Tous surveillés par des machines d’amour et de grâce
Il me plaît d’imaginer (et
le plus tôt sera le mieux !)
une prairie cybernétique
où mammifères et ordinateurs vivent ensemble dans une harmonie mutuellement programmée
comme de l’eau pure effleurant un ciel serein.
Il me plaît d’imaginer
(tout de suite s’il vous plaît !)
une forêt cybernétique
peuplée de pins et d’électronique où le cerf flâne en paix
au milieu des ordinateurs comme s’ils étaient des fleurs
à boutons rotatifs.

Richard Brautigan - C'est tout c'que j'ai à déclarer
Castor Astral, 780 pages, 32 €

dimanche 21 mai 2017

Investir 19 euros

Ceci est une publicité.
Le miraculé Sylvain Tesson, explorateur romantique et artiste de la plume, alpiniste et solitaire comme je les aime, vient de publier un journal d'aphorismes et de ce que l'auteur a vécu sur la période 2014 à 2017.
"Une très légère oscillation" est donc le journal de l'auteur de superbes livres tels que "Par les chemins noirs", "Dans les "forêts de Sibérie" (chronique de lecture ici-même bientôt) ou encore "S'abandonner à vivre". 
Publié aux éditions EQUATEURS, "Une très légère oscillation" vous soulagera de 19 euros, pour 230 pages ce qui n'est pas cher payé quand on connait la capacité de Tesson l'acrobate pour les ascensions verbales les plus poétiques. 
Pour 19 euros aujourd'hui on n'a plus rien. Sauf un livre. Et c'est sûrement le meilleur moyen de les investir en ce milieu de mois de mai. Moi je dis ça, je dis rien (comme dirait la boulangère adepte des formules toutes faites).

mardi 16 mai 2017

Des nouvelles

Avec le temps... j'avais oublié le bonheur d'écrire de la nouvelle. Depuis plusieurs années, je me suis un peu spécialisé dans l'écriture de très courts textes (chroniques d'une demi-page, poésie en prose) dont "Waterloo en maillot de bain" est un premier recueil, ainsi que dans le roman. La petite pause que je m'accorde dans l'écriture de "MANX" en attendant les retours des béta lecteurs me permet de me rafraichir l'esprit en me frottant à l'exercice de l'écriture de la nouvelle, ce qui ne m'était plus arrivé depuis le milieu des années 90 (ben ouais, ça date!). Un texte court mais pas trop, qui obéit parfois à des règles très strictes érigées par les gardiens du temple. Bon. Forcément moi je suis pas vraiment gardien, du temple, de la galaxie ou de tout autre institution à la con. Du coup je m'affranchis des règles et j'écris comme je le sens. 
J'ai bouclé ce lundi une première version de "KNUT", une nouvelle d'un peu plus de dix mille mots que j'ai écrite à la main en douze jours. Ce n'est certes pas un rythme ahurissant mais qu'importe, j'ai profité de relâcher la pression du roman et ses longues échéances continues. Je comptais réécrire une seconde version de "KNUT" en me mettant à l'ordinateur mais j'ai enchainé avec le début d'une deuxième nouvelle, "PARENTHESE" qui devrait m'occuper deux nouvelles semaines. Je corrigerai donc ces deux nouvelles après la fin de celle-ci et en attendant la suite. 
C'est agréable l'écriture d'une nouvelle. On peut y faire des expériences, tenter de nouvelles pistes d'écriture, de nouvelles formes... Et puis il y a ces personnages qui sont surgis d'une rêverie, à l'occasion d'un voyage en train ou dans l'esprit et qui vont nous accompagner quelques jours à peine, quelques semaines tout au plus. On est en quelque sorte en CDD et c'est très rafraîchissant pour se sortir des longues errances de l'écriture d'un roman (j'ai planché en exclusivité sur "MANX" de Mi-Septembre 2016 à Fin Avril 2017 et ce n'est pas fini). Je redécouvre donc cette écriture là, différente, moins absorbante mais plus festive. Et j'apprécie. Au point d'envisager de boucler un recueil complet de nouvelles avec une dizaine de textes cet hiver, après la publication de "MANX" et... avant de repartir sur un nouveau roman.

lundi 15 mai 2017

Lecture : Nan Aurousseau - Des coccinelles dans des noyaux de cerise

Nan Aurousseau appartient à ce courant des auteurs français dissidents. Pas ceux qui écrivent parce qu'ils ont lu (tradition française) mais parce qu'ils ont vécu (tradition américaine). Tout ça parce qu'à l'âge de 18 ans, il est condamné à six ans de prison pour braquage. Lorsqu'il est libéré, il vit dans des camionnettes et dans des squats, la rage chevillée au corps. Comme souvent dans la vie, c'est une rencontre qui lui permettra d'exprimer de façon plus sereine ses pulsions; celle de Jean-Patrick Manchette qui l'encourage à persévérer dans l'écriture. Ce sera bien sûr celle des romans noirs dont il puise l'inspiration dans sa propre vie. Tout en poursuivant son métier alimentaire de plombier. De fil en aiguille l'artisan ex-taulard réinséré se met à jouer de la caméra en plus de la plume. Et c'est une autre rencontre, celle de Jean-Marc Roberts, célèbre patron des éditions Stock à l'époque, qui va lui permettre de connaître la joie de la renommée. En 2005, son roman "Bleu de chauffe" est un succés d'édition. Et la suite, ce sera une série de nouvelles rencontres : Claude Berri, Truffaut... Cinéma et écriture alimentent désormais sa vie dont la prison constitue le déterminant central. 
Après "Bleu de chauffe", sur une moyenne d'un livre publié tous les deux ans, Nan Aurousseau creuse son sillon dans la veine du roman noir. En 2017 les émissions de radio et les médias écrits ont abondé dans la promotion de son petit dernier paru aux éditions Buchet-Chastel. Et voilà comment je me suis retrouvé à lire "Des coccinelles dans des noyaux de cerise". En vue d'un projet de roman pour 2018, j'avoue que c'est aussi pour moi une lecture intéressée puisque je commence à accumuler de la documentation sur le monde carcéral.
Quatrième de couverture : "A Fresnes, où il fait un séjour pour vol avec ruse, François partage sa cellule avec Medhi, un cador du grand banditisme. Ce Medhi, c’est du lourd. D’ailleurs, il ignore superbement François qu’il considère comme de la pure gnognotte. François, de son côté, est tout miel, en rajoute et se fait le serviteur zélé et naïf de Medhi. Peu à peu, le lecteur découvre le plan machiavélique de François..."

Nan Aurousseau parle de ce qu'il connait. La prison, le langage de la rue, les expressions du milieu, on est rapidement mis dans le bain. Le narrateur est un "JE" auquel on croit avec aisance et la mayonnaise prend plutôt bien. Pour autant je n'ai jamais vraiment décollé en lisant ce bouquin. L'ambiance ne fait pas tout, il m'a manqué une voix, un rythme, une originalité. On passe certes un bon moment, c'est distrayant, mais ça fait vite "plop" et au final, on oublie bien vite cette histoire. La fin s'apparente à une fin en queue de poisson qui ne m'a pas vraiment convaincu - même si d'autres lecteurs ont le sentiment contraire, comme quoi... Bref, sept semaines après avoir lu ce livre, je n'en ai que quelques souvenirs épars et confus, pas une image très nette et il ne m'a pas laissé un grand souvenir.
Extrait : "Si seulement la vie était comme ça, qu'on se laisse traîner jusqu'au bout en restant affalé sur sa banquette avec un ticket aller, sans avoir à penser ni à bouger son cul, comme ça jusqu'au bout, jusque dans le trou avec quelqu'un d'un peu idiot qui parle à votre côté, quelque'un que vous n'écoutez pas, qui fait comme une musique de fond pour vous endormir. Seulement voilà la vie elle est pas comme ça du tout. Ça dure pas longtemps les voyages, et puis c'est cher, et puis c'est sale le RER et en plus ça va pas loin. Bon Dieu ce que la vie est dégueulasse quand même je me disais". 

Nan Aurousseau - Des coccinelles dans des noyaux de cerise , 
Buchet Chastel,  224 pages, 15 €
 

jeudi 11 mai 2017

Lecture : Hubert Selby Jr - Chanson de la neige silencieuse

Quand on évoque Hubert Selby JR, de façon invariable, ce qui revient en premier ce sont des romans qui transpirent le malaise et la noirceur : "Last exit to Brooklyn" le premier et le plus connu ou "Le démon" dont on raconte qu'il a directement inspiré le "American Psycho" d'Eston Ellis (ce que je pense aussi). Sans oublier celui que le cinéma s'est chargé de populariser pour lui, le "Requiem for a dream" adapté par Lynch sur grand écran.
Hubert Selby (1928-2004) est le poil à gratter de la littérature américaine bien pensante, celui qui plus que n'importe quel autre auteur s'intéressant aux déclassés et aux laissés pour compte du rêve américain l'a fait avec une prose virtuose. Dans la majorité de ses livres, il a raconté l'errance, la violence et le côté le plus obscur de l'âme humaine, la torture du quotidien des camés, des paumés, des alcooliques et du sexe. De santé fragile, tuberculeux, alcoolique au dernier degré, héroïnomane un temps, Hubert Selby disait pourtant qu'enfant il aurait voulu être un saint. Ceux qui l'ont connu parlent de lui comme d'un être doux et bienveillant qui s'exprimait d'une voix sereine et sans éclat. Il y avait assurément deux Hubert Selby : celui qui écrivait et l'autre. 
Il n'a pas laissé derrière lui une bibliographie pléthorique : à peine sept romans et recueils de nouvelles entre les publications de 1964 ("Last exit to Brooklyn") et de 2002 ("Waiting Period"). Les derniers ouvrages permettent de se rendre compte qu'Hubert Selby semblait apaisé et sur la voie d'une nouvelle littérature plus intense et plus belle encore que celle de ses débuts. Il y fait montre d'une poésie qu'on ne lui connaissait pas et qui s'ajoute à l'arc maîtrisé de son style direct et percutant. Les deux font bon ménage et offrent des histoires étonnantes. 

"Chanson de la neige silencieuse" fait partie de ces ouvrages de "fin de vie". Il s'agit d'un recueil de nouvelles écrites entre 1957 et 1981 et publié en 1986 aux USA. Quinze nouvelles qui permettent à Hubert Selby de s'intéresser encore aux gens modestes, à ceux qui dorment dans la rue, à tous ceux qui n'ont pas pu ou pas voulu monter dans le train de la modernité. Selby y démontre son talent de conteur aussi à l'aise avec l'écriture urbaine de l'instant, dans une frénésie à l'urgence palpable, que dans des allégories poétiques où une seule averse de neige suffit pour changer un monde sinistre en terre de rédemption propice à tous les possibles. On retrouve dans ce recueil la palette complète de tous les talents de Selby qui le rendent si particulier dans le paysage littéraire américain du XXème siècle. Il serait dommage de ne garder de lui que l'auteur du "Last exit to Brooklyn". Certes ce seul bouquin justifie à lui seul de se souvenir de Selby mais ses nouvelles en donnent une image plus complexe et plus riche encore.

Extrait : "Il suivit ses propres traces, les seules traces visibles dans la neige.Elles lui parurent petites, et quoiqu'elles fussent les seules empreintes visibles, elles ne semblaient pas souffrir de cette solitude.L'idée que des empreintes puissent souffrir de leur solitude le fit sourire; comme si les empreintes avaient une vie propre, ou comme si elles pouvaient refléter la vie de leur auteur! Peut-être, après tout...qui sait? D'ailleurs, ça n'avait aucune importance."
Hubert Selby JR - Chanson de la neige silencieuse , L'Olivier - 288 pages - 13€

mercredi 10 mai 2017

Le printemps de la lecture française

Depuis deux ans l'association des parents d'élèves de l'école d'une commune voisine organise une bourse aux livres début mai. Le principe est simple : l'association récupère des livres pendant plusieurs mois dont les particuliers veulent se débarrasser puis ces livres sont mis en vente dans une grande braderie conviviale dans la cour de l'école un dimanche du mois de mai. La règle est simple : tous les livres sont à 1 euro. Alors il y a des livres traitant de tous les sujets, des livres pour enfants et bien sûr de la littérature. Si le polar bénéficie d'une exposition avantageuse due à sa grande popularité actuelle, la littérature générale n'y est pas en reste. On ne trouve certes pas pléthore d'écrivains alternatifs ou d'obscurs auteurs mal connus. Il ne faut pas perdre de vue l'origine de ces livres qui encombraient les étagères de particuliers du coin. Aussi, en toute logique, la littérature française y est sur-représentée.
Dans ce joyeux étalage de milliers de bouquins, j'ai pu assouvir ma soif de lectures en me focalisant, de fait, sur une certaine littérature contemporaine française que je connais très mal. Quand des romans grand format normalement vendus entre 15 et 19 euros l'unité sont à peine défraîchis et en vente à 1 euro, je n'hésite guère. Même si parmi ces bouquins certains ne sont sûrement pas à ranger dans "la grande littérature" ma curiosité d'auteur y sera comblée. Modiano, Nothomb, Gailly, Oster, Rambaud, Viel, Ferrari, Caro, Fargues, Claudel, Fournier, Roberts et Carrère : 18 romans sur les 20 que j'y ai débusqué sont français. J'ai tout de même emporté dans mon sac un Philip Roth et une Toni Morrison parce que quand même, faut pas déconner. 
Avis à suivre après lectures de cette pile de livres qui s'amoncèle. 

samedi 6 mai 2017

Lecture : Jim Harrison - Le vieux saltimbanque

En littérature, il y a toujours des auteurs qui vous sont familiers. De ceux avec lesquels vous vous sentez en confiance, qui savent vous parler d'une façon particulière, qui vous font vibrer et qui vous emportent ailleurs le temps d'un seul paragraphe. Je ne parle pas d'admiration ou ne fait allusion à un quelconque piédestal car ériger des statues c'est reconnaître une supériorité castratrice. La meilleure façon de mettre un pied dans une forme de totalitarisme culturel. Non, je parle de ces auteurs qui nous marquent et dont on se sent proches. 
 Jim Harrison fait partie de mon cercle "d'amis poétiques". Je ne dis même pas "d'amis littéraires" parce que ça fait pédant. Et qu'une littérature dénuée de poésie, ce n'est jamais que du nombrilisme de comptoir. Un ami poétique donc. C'est vachement plus fort que certaines de ces amitiés de carton nées au hasard de quelques clics lugubres sur un réseau informatique et dont l'existence n'est due qu'à un emmerdement prodigieux à un instant de sa journée. Comme dirait Desproges : "Vivons heureux en attendant la mort". 
Les habitués de ce blog savent à quel point je tiens Jim Harrison en haute estime. J'aime ses romans, sa gueule, son histoire, sa passion pour la bonne bouffe et le vin, son anticonformisme, ses obsessions - sexuelles notamment - et son rapport aux humains et aux chiens, son amour des grands espaces et d'une certaine solitude. Aussi lorsque "Big" Jim Harrison a passé l'arme à gauche un jour de mars 2016 ça m'a un peu remué la tripaille. Je n'ai pas encore lu toute la production du bonhomme mais je me suis senti désarmé à la pensée que nous vivions désormais sur une œuvre finie, sur un stock de livres qui ne grossirait plus.
Or donc, Jim Harrison est parti sur une dernière pirouette livrée sous la forme d'un bouquin court, mélange de fiction et de biographie dans la pure veine de ses productions habituelles. "Le vieux saltimbanque" publié en France quelques mois après le décès de son auteur constitue ainsi une sorte d'au-revoir de l'auteur. 
Autobiographie romancée qui n'en est pas une, racontée à la troisième personne et non à la première, ce livre trop court est une fantastique manière de dire au-revoir à cet auteur débonnaire et entier comme seuls les grands espaces de l'Amérique semblent capables d'en produire. On est loin de la pédanterie de salon de ces auteurs franchouillards qui parlent le cul serré et la bouche en accent circonflexe (j'ai les noms !). Big Jim envoie la sauce presque sans retenue et tout y passe : la gastronomie, le vin, la poésie, le sexe, les animaux, la littérature américaine. Des thèmes chers à l'auteur qu'il a déjà eu maintes fois l'occasion d'aborder dans ses précédents romans et sur lesquels il revient une ultime fois, le temps d'un livre joyeux et enlevé qui fera le bonheur de tous les lecteurs sensibles de son œuvre ou du personnage. Poète qui ne se prenait pas au sérieux, Harrison n'a jamais oublié celui qu'il était. Il a su faire de ses travers des traits de caractère marquants et romanesques sans jamais oublier de se moquer de lui-même. Une grande bouffée d'oxygène avant de se replonger dans ses romans les plus mythiques qu'on ne cessera jamais de relire tant ils sont grandioses.

Extrait : "Plus tard, il s'installa à son bureau en mourant d'envie d'écrire un poème sur les porcelets, mais pas un poème comique. Ce serait un poème intimiste, qu'il garderait secret, car il suffisait de prononcer le mot « cochon » pour que certaines personnes souffrant d'un incompréhensible complexe de supériorité se mettent à pouffer de rire. Le cochon était non seulement comestible, mais aussi méprisable. Il bouillonnait d'indignation lorsqu'il s'agissait de défendre les cochons. Les rejetons de la race humaine chient dans leurs couches au moins pendant toute la première année. Mais qui donc se  moque de ses semblables ? Comment écrire un poème motivé par la rage ? Selon les historiens, le cochon constitua la vraie raison de la ruée vers l'Ouest. Sans cochon, il n'y aurait pas eu de côte Ouest. Les cochons suivaient les convois de chariots, l'esprit obnubilé par la poignée de maïs qu'on leur donnerait en guise de dîner. Ils fouillaient le sol à la recherche de légumes comestibles pendant que le bétail s'éloignait en rêvant à de plus vertes prairies."

Jim Harrison - Le vieux saltimbanque, Flammarion, 144 pages, 15

jeudi 4 mai 2017

Lecture : Ian McEwan - Sur la plage de Chesil

Je disais ici-même, il y a encore peu de temps, tout le bien que je pensais de l'auteur britannique Ian McEwan. 
Moyennant quoi la lecture récente de son roman "Sur la plage de Chesil" paru en 2007 constitue une petite déception.

Quatrième de couverture : "Le soir de leur mariage, Edward Mayhew et Florence Ponting se retrouvent enfin seuls dans la vieille auberge du Dorset où ils sont venus passer leur lune de miel. Mais en 1962, dans l'Angleterre d'avant la révolution sexuelle, on ne se débarrasse pas si facilement de ses inhibitions et du poids du passé. Les peurs et les espoirs du jeune historien et de la violoniste prometteuse transforment très vite leur nuit de noces en épreuve de vérité où rien ne se déroule selon le scénario prévu."

Il n'y a certes pas tromperie sur la marchandise. Ce quatrième de couverture-là est fidèle au contenu de ce court roman de moins de 160 pages. Et Ian McEwan fait preuve d'une virtuosité peu commune dans la forme du récit. Cinq chapitres au cours desquels il alterne les points de vue entre les deux parties du couple dont on assiste à la décomposition programmée. Sans verser dans une partie de dialogues ping-pong pour autant, et préférant planter son décor et son ambiance dans un récit tout en nuances, en subtilités, en non-dits. 
Le style brillant et élégant à la fois de McEwan n'a pourtant pas suffi à me faire accrocher à cette histoire. La naïveté des personnages et leur candeur dans une Angleterre puritaine du début des années soixante est certes un sujet riche mais il m'a ennuyé. Je n'ai pas aimé lire les atermoiements de ces deux personnages évanescents et prudes jusqu'à la caricature par moments. Montrer l'absurdité de ces relations où l'on ne consommait qu'après le mariage faisait certainement partie des thèmes que McEwan voulait aborder mais j'ai trouvé tout cela pénible à lire. 

Extrait : "De ces hauteurs nouvelles ils voyaient loin, sans toutefois pouvoir partager certains sentiments contradictoires : chacun de son côté, ils s'inquiétaient du moment, peu après le dîner, où leur maturité toute neuve serait mise à l'épreuve, où ils s'allongeraient ensemble sur le lit à baldaquin et se révèleraient pleinement l'un à l'autre. Depuis plus d'un an, Edward était obsédé par ce soir précis de juillet où la partie la plus sensible de son anatomie résiderait, même brièvement, à l'intérieur d'une cavité naturelle du corps de cette jolie femme rieuse et formidablement intelligente".

Ian McEwan - Sur la plage de Chesil, Gallimard, 160 pages, 17 €

mercredi 3 mai 2017

Knut... en attendant le MANX

En attendant le verdict des bêta lecteurs sur mon roman en cours "MANX", j'ai démarré ce matin l'écriture d'une longue nouvelle. Il s'agira à priori du texte principal du futur recueil de nouvelles sur lequel je vais travailler après la publication de "MANX". Le titre de travail de cette nouvelle est "KNUT" (titre de travail temporaire). Pour ceux qui ont lu mon roman "Brûler à Black Rock", ils y trouveront notamment la réminescence du personnage éponyme qui y apparaissait. 

J'ai en tête plusieurs thèmes de nouvelles qui devraient à terme alimenter ce recueil futur, dix exactement. Je note régulièrement sur mon carnet les idées qui viennent grossir ce que seront ces futurs textes. J'ignore à ce jour quand toutes ces nouvelles seront écrites. J'ai toutefois dans l'idée de travailler en priorité sur ces textes plus courts juste après la publication de "MANX" prévue pour cet été. J'ai besoin de faire une petite pause dans l'écriture du long avant de me replonger dans le travail de longue haleine d'un roman. Le roman est de plus déjà identifié, je travaillerai dessus en 2018 mais il va nécessiter de nombreuses recherches en amont. 

Tous ces projets, quelques détails et des plannings provisoires sont récapitulés en permanence sur la page "Projets" de ce blog. 

lundi 1 mai 2017

MANX : Journal de bord - Semaines 27 à 30

Cet article fait partie de la série "MANX: Journal de bord" qui se propose de suivre de façon hebdomadaire l'écriture de mon nouveau roman depuis les premières prises de notes jusqu'à l'impression du livre dans... plusieurs mois !  Article précédent : Journal de bord (25&26)

Phase 10 - Finir le 3ème jet ! 

Grâce à trois semaines de congés, il m'aura fallu un peu moins de temps que prévu pour finir ce 3ème jet. L'air de rien, c'est une grande étape de faite. Car maintenant, il va être temps de confronter ce manuscrit à ses premiers lecteurs. Ceux qui vont avoir la mission de lire et de dire ce qui ne va pas dans l'histoire, dans les personnages... Pour moi, il est temps de prendre un peu de recul sur cette version et de la laisser reposer le temps que les bêta lecteurs aient eu le temps de lire et de compiler leurs remarques. Fort de ces commentaires, je retoucherai le manuscrit pour en faire un 4ème jet en juin. 

En attendant, je ne vais pas chômer pour autant, j'ai des idées bien avancées pour quelques nouvelles. Des histoires courtes et rapides à écrire, c'est exactement ce dont j'ai besoin après plusieurs mois déjà passés sur MANX...