mercredi 31 mai 2017

Indigestion (ou presque) de tricolore

Récemment ici-même au moment de dresser le bilan de mes lectures de l'année 2016 je me faisais la remarque que je lisais peu d'auteurs français. Ceci dit, je n'ai pas attendu de faire ce bilan comptable pour m'en rendre compte.
Un concours de circonstances favorables vient de me donner l'occasion de me replonger dans une certaine littérature contemporaire tricolore. 
En effet, un stock de nombreux congés à solder avant la fin du mois du mai combiné à une visite dans une bourse aux livres à 1 euro ont constitué les facteurs déclenchants d'une incroyable boulimie de lecture. Ajoutons-y aussi la fin de l'écriture du troisième jet de "MANX" qui m'a libéré un peu de temps l'espace de quelques semaines... Au final ce sont donc 43 livres lus en l'espace de deux mois dont 27 pour le seul mois de mai. D'accord je l'avoue, rares furent les gros pavés, la littérature française moderne se plait à faire court (parfois pour ne rien dire mais ceci est un autre débat).

Sur ces 43 bouquins, 32 ont été écrits par des auteurs francophones, un ratio franchement inhabituel pour moi, plutôt habitué à puiser dans la littérature anglo-saxonne. Autant le dire tout de suite, il y a à boire et à manger dans ce blougi boulga de lectures. J'ai été impressionné par l'aisance stylistique de Jérôme Ferrari et de son "Sermon sur la chute de RomePrix Goncourt 2012, aux éditions Actes Sud. Pour une fois, j'ai donc été impressionné par un lauréat d'un grand prix littéraire. C'est assez rare pour être souligné. Il faut dire que les longues phrases (parfois trop longues et trop riches) de Ferrari sont parfois étonnantes. Extrait : Et ce soir-là, à table, elle ne pensait pas à lui en évoquant la richesse exceptionnelle d'un site laissé à l'abandon depuis des années, les trophées, la cuirasse ceinte du long manteau de bronze, les têtes de Gorgone disparues au fronton des fontaines de marbre, les colonnades des basiliques, et elle parlait de la gentillesse de ses collègues algériens dont elle veillait à ne pas écorcher les noms, Meziane Karadja, Lydia Dahmani, Souad Bouziane, Massinissa Guermat, de leur dévouement, du talent et de la foi avec lesquels ils faisaient surgir de cet amas de pierres muettes, pour les enfants des écoles primaires, une cité pleine de vie et, sous les yeux des enfants, l'herbe jaune se couvrait de dallages et de mosaïques, le vieux roi numide passait sur son grand cheval mélancolique en rêvant au baiser perdu de Sophonisbe et, des siècles plus tard, au bout de la longue nuit païenne, les fidèles ressuscités se pressaient les uns contre les autres et contre les chancels, en attendant que s'élevât parmi eux, dans la nef lumineuse, la voix de l'évêque qui les aimait...

Bon, à côté de ce titre étonnant, d'autres ne me laisseront pas de grands souvenirs et je ne leur ferai pas l'affront de les citer. Je me demande juste comment certains font pour réussir à placer des textes aussi plats, aussi inintéressants... Bref, passons. 

- Emmanuel Carrère m'a un peu ennuyé avec sa biographie de Philip K.Dick ("Je suis vivant et vous êtes morts") qui finit par tourner très vite en rond. En revanche le même Emmanuel Carrère m'a touché avec son "D'autres vies que les miennes" malgré le côté parfois larmoyant de son écriture journalistique et son ton névrosé.
- Sylvain Tesson m'a fait rêver avec son étonnant voyage immobile dans une cabane sur le lac Baïkal "Dans les forêts de Sibérie".
- Jean-Louis Fournier m'a remué les tripes avec son récit "Où on va, papa" qui raconte d'un point de vue très personnel et très réussi sa vie de père de deux enfants handicapés mentaux.
- Philippe Claudel m'a intéressé avec son récit de visites en prisons dans "Le bruit des trousseaux" et j'ai moyennement apprécié son "La petite fille de Monsieur Linh" qui sonne comme une ritournelle un peu facile sur le droit à la différence.
- Patrick Modiano m'a laissé circonspect en lisant son "Accident nocturne"... Je n'arrive pas à aimer ni à ne pas aimer, il faudra peut-être que je lise un autre livre de cet auteur encensé par bien des critiques... ou pas.
- Pascal Garnier m'a scotché et vraiment marqué, notamment avec "Lune captive dans un oeil mort" et "Cartons" qui sont des bijoux de romans intelligents, stylés et vraiment réussis. J'ai renouvelé l'expérience avec 6 autres livres du même regretté Garnier, dont la moitié est au-moins aussi intéressante. Un auteur qui entre directement dans mon panthéon, tout en haut des auteurs français.
- Amélie Nothomb m'a réconcilié avec une auteur que j'avais délaissée après l'avoir découverte il y a plus de vingt ans à l'occasion de son premier bouquin. J'ai particulièrement apprécié "Biographie de la faim" parmi les 4 livres de la belge lus en cette période. Malgré des tics d'écriture un peu pénibles.

Dans les semaines à venir j'essayerai de laisser ici-même des petits avis un peu plus étayés sur les lectures qui m'ont le plus marqué. Et en attendant je me suis remis à l'anglo-saxon avec un roman noir du grand Larry Brown. Histoire de couper après cette boulimie tricolore.

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