mardi 27 février 2018

L'extrait du... 27 Février

Je viens de terminer la relecture de l'intégrale des romans de John Fante (1909 - 1983), auteur pour lequel j'éprouve un attachement fort et que je relis régulièrement depuis vingt-cinq ans. 
C'est toutefois la première fois que je relis toute son oeuvre à la suite, profitant de la réédition de ses neuf romans en trois volumes chez Bourgois dans la collection Compact, traduits par le toujours impeccable Brice Matthieussent.
C'est son ultime roman "Rêves de Bunker Hill" qui clôture cette intégrale, roman qu'il n'a pas écrit car rongé par le diabète, l'auteur italo-américain devenu aveugle l'a dicté à son épouse Joyce. Il s'agit d'un roman nostalgique et qui reprend toutes les thématiques chères à l'écrivain, une sorte d'adieu littéraire dicté quelques années avant sa mort.

L'extrait qui suit intervient quelques pages avant la fin du roman. Sous des dehors rustres et fanfarons, il résume à merveille toute l'oeuvre de Fante, en quelques lignes seulement. Un jour prochain je rédigerai un dossier complet sur John Fante. Cet auteur fantastique et connu de trop rares illuminés mérite vraiment la découverte.

John Fante, Rêves de Bunker Hill, Bourgois.

vendredi 23 février 2018

L'extrait du... 23 février

Après la guerre civile espagnole, Georges Bernanos s'exile au Brésil de 1938 à 1945, pays pour lequel il va développer une grande amitié. Dans cette période politique excessivement trouble, il va écrire un de ces livres les plus célèbres, "La France contre les Robots". Dans cet essai, l'auteur se positionne contre la Machine en dénonçant la perversion de la pensée humaine naturelle que celle-ci entraîne.

De ce voyage au Brésil, Bernanos a également extrait une correspondance et des articles écrits durant cette période et qui sont édités en poche chez La Table Ronde. Dans cette anthologie de textes et de lettres, on retrouve entre autres choses beaucoup plus prosaïques, le thème de la robotique et de l'industrialisation.

Je viens de terminer la lecture de ce bouquin de poche dans la superbe collection "La petite Vermillon" et j'ai corné une page parmi d'autres qui a attiré mon attention. On y trouve en effet une critique qui me semble pertinente et également prédictive des dérives de l'automatisation mais aussi du rôle de l'homme dans la grande machinerie d'une société qui lui échappe. 


Georges Bernanos, Brésil terre d'amitié, La Table Ronde.

mardi 20 février 2018

Lecture : Joyce Carol Oates - Journal

Joyce Carol Oates fêtera en juin 2018 ses 80 ans. Figure tutélaire de la littérature contemporaine américaine, cette femme singulière a écrit depuis 1964 la bagatelle de 200 livres. Et le plus étonnant c'est que ces livres sont en général d'épais pavés qui dépassent fréquemment les 400 pages. Elle n'est pas seulement une écrivain, elle est une graphomane. Une de ces personnes pour qui l'équation de la vie se résume à "écrire ou mourir". Veuve et sans enfant, la peau sur les os, Oates est un mystère dans la littérature moderne. Comment peut on écrire autant depuis tant d'années ? Où se situent les ressorts psychologiques dans cette obsession biologique pour l'écriture ? Y a t-il un sens à cette quête éperdue de la page à noircir et est-il important de le débusquer ? C'est un peu toutes ces questions qui se posent à la lecture de ce journal épais, diffus et abondant de Joyce Carol Oates. 

Couvrant la décennie de 1973 à 1982, ces pages nous en apprennent davantage sur le côté privé et le rapport physiologique à l'écriture qu'entretient cette femme étonnante. Sur ses questions de professeur, sur l'opposition entre le quotidien et l'oeuvre, peut être aussi sur ses positions sur le sexe qui sont souvent très complexes dans ses romans.
Comme dans son oeuvre de fiction, le journal de Oates déborde et ne sait pas aller à l'essentiel. C'est un peu la limite de son style. Et aussi la limite du genre, car si la majorité des écrits de ce journal concernent l'écriture, une partie touche une sphère plus quotidienne qui n'apporte que peu d'éclairage sur l'oeuvre en tant que telle. Mais toutes ces pages accumulées dans une écriture que l'on imagine ramassée sur elle même et tassée sur la feuille concourent à dresser un portrait à multiples facettes de ce personnage complexe qu'est Joyce Carol Oates. En outre, il n'est pas nécessaire d'être un fervent lecteur de sa bibliographie pour se laisser emporter dans les remous de ce journal. Les questions qu'elle se pose sur son oeuvre, ses personnages, la rage parfois devant des choix narratifs qu'elle ne sait pas prendre sont des thèmes universels et passionnants. Et arrivé au terme du livre, on regrette qu'elle n'ait pas souhaité publier la suite de cette étonnante machinerie intérieure mise sur papier.

ExtraitFascinant, l'esprit humain ; insondable. Penser que nous habitons l'oeuvre la plus magnifique, la plus ingénieuse de l'univers... à savoir le cerveau humain... et que nous l'habitons sans grâce, avec désinvolture, rarement conscients du phénomène dont nous avons hérité. Comme des gens qui, à l'intérieur d'une magnifique demeure, n'occuperaient que deux ou trois pièces sordides. Nous ne savons même pas ce qui pourrait nous attendre dans les étages supérieurs ; nous sommes réduits à contempler les motifs du plancher devant nous. De temps à autre, un rêve/une vision profonde, vraiment alarmante, franchit la barrière et nous contraint à reconnaître la présence d'une force plus grande que nous, contenue on ne sait comment dans notre conscience.

lundi 19 février 2018

L'extrait du ... 19 février

Venant de terminer la lecture de "Grand Maitre" (faux roman policier) de l'immense Jim Harrison, je ne résiste pas au plaisir d'en placer ici un extrait. Alors certes ce n'est pas le meilleur livre de Big Jim ni celui que les inconditionnels de l'auteur citent en premier mais on y trouve tous les thèmes chers à l'écrivain.
Je me fendrai même d'un petit billet pour raconter un peu cette lecture qui fut très agréable alors (et peut être parce que) je n'en attendais pas vraiment des miracles, sachant qu'il s'agissait là d'une oeuvre mineure dans la bibliographie de Jim Harrison, doublé d'un bouquin écrit à la fin de sa vie. Il faut juste que je trouve le temps de pondre ce billet, ce qui n'est pas gagné compte tenu du fait que je cours après le temps, mal moderne de nos sociétés névrosés.

Extrait : "Afin de retrouver énergie et moral, il fit halte à un diner pour son habituel petit déjeuner revigorant de saucisses aux œufs et de galettes de pommes de terre, que son médecin lui avait si souvent déconseillé. Tout en vidant un sachet de délicieuses pistaches locales, il remarqua les goitres de tous les retraités qui dévoraient d’énormes petits déjeuners tout en marmonnant la bouche pleine sur les dangers incarnés par Obama. Il n’avait jamais bien compris pourquoi tant de pauvres votaient à droite, alors que sous les Républicains les pauvres constituaient toujours la dernière roue du carrosse de l’État. Les pauvres sont invariablement trahis par l’Histoire, pensa-t-il en ressentant à la fois de la sympathie pour eux et de la compassion pour lui-même, car son propre intérêt pour l’Histoire semblait le trahir."
Jim Harrison - Grand Maître (Flammarion)

jeudi 8 février 2018

Se rappeler Janvier 2018...

Première branche de l'année 2018, Janvier est tombé.
Alors que nous fonçons tête basse dans les jambes raccourcies de Février, qu'en reste t-il ?  Trois événements majeurs en ce qui me concerne mais dont deux sont en rapport avec la lecture et l'écriture : 

1 - Plateforme : 
Ce roman de Michel Houellebecq paru en 2001 reste ma meilleure lecture de janvier. Sur le sujet polémique et casse-gueule du tourisme sexuel, l'écrivain voués aux gémonies comme aux célébrations s'en tire drôlement bien. Alors oui, il y a pas mal de scènes de cul explicites comme dirait l'autre mais pas gratuites car le plus souvent suivies ou précédées par des réflexions sur la place de l'homme dans la société moderne. Le thème du rôle du sexe dans l'émancipation individuelle revient souvent dans le cycle informel des trois premiers romans de l'auteur qui forme un tout cohérent et vraiment réussi. On est très loin des ouvrages qui vendent du cul pour du cul, le propos va plus loin, après il faut avoir l'estomac bien accroché et ne pas être en dépression en lisant cet ouvrage. Mais c'est justement parce que Houellebecq ne s'arrête pas à la surface des choses que ses romans sont réussis. Je passe à dessein sur les extraits qui ont provoqué les réactions scandalisées de certains professionnels de l'indignation, cette vertu moderne qui pollue le quotidien de nos société névrosées bourgeoises. 

Extrait : Jusqu'au bout je resterai un enfant de l'Europe, du souci et de la honte ; je n'ai aucun message d'espérance à délivrer. Pour l'Occident je n'éprouve pas de haine, tout au plus un immense mépris. Je sais seulement que, tous autant que nous sommes, nous puons l'égoïsme, le masochisme et la mort. Nous avons créé un système dans lequel il est devenu simplement impossible de vivre ; et, de plus, nous continuons à l'exporter.

2 - Parenthèses : 
Je suis toujours lancé dans l'écriture du premier jet de ce nouveau roman provisoirement baptisé "Parenthèses". Le rythme d'écriture n'est pas exceptionnel, la faute à une activité professionnelle chargée, et à la reprise d'une activité sportive chargée elle aussi. Les journées ne faisant que vingt-quatre heures et malgré des nuits étriquées en sommeil, je ne parviens pas à concilier trois vies en une seule, à mon grand désarroi. Ce qui explique aussi la faible fréquence de mise à jour de ce blog. 
Entre le 3 janvier le 3 février, j'ai néanmoins réussi à écrire 6 chapitres pour un total de 160 pages. Je suis pour l'instant partagé sur le résultat mais il faut conserver à l'esprit que ce premier jet n'est qu'un brouillon destiné à éprouver les idées initiales et la construction du récit, ainsi que les personnages imaginés. Ce n'est qu'en se confrontant à l'histoire et en faisant cohabiter les individus de son imaginaire que l'on se rend compte à quel point les choses tiennent ou au contraire où est ce qu'il va falloir procéder à des adaptations. 
Ce premier jet devrait donc m'occuper encore jusqu'à fin mars ou début avril, pour arriver à un total d'environ 500 pages dont la plupart seront expurgées lors de l'écriture du deuxième jet qui démarrera ensuite.