mardi 26 février 2019

L'extrait du... 26 février

Un extrait d'actualité puisque je viens d'achever la lecture du pavé "Le Royaume" où Emmanuel Carrère s'interroge sur les années mystiques de sa vie passée.

"Non, je ne crois pas que Jésus soit ressuscité. Je ne crois pas qu'un homme soit revenu d'entre les morts. Seulement, qu'on puisse le croire, et de l'avoir cru moi-même, cela m'intrigue, cela me fascine, cela me trouble, cela me bouleverse - je ne sais pas quel verbe convient le mieux. J'écris ce livre pour ne pas me figurer que j'en sais plus long, ne le croyant plus, que ceux qui le croient, et que moi-même quand je le croyais. J'écris ce livre pour ne pas abonder dans mon sens."

Emmanuel Carrère, "Le Royaume" (POL)

samedi 23 février 2019

Cinq sur Six

Ce vendredi je viens de mettre un point final au premier jet de la cinquième des six nouvelles qui composeront le recueil à publier avant l'été. 
Un texte qui m'a donné plus de fil à retordre que les précédentes. Parce qu'elle touchait à un sujet de fond qui revient finalement assez souvent dans mes textes, et qui sera encore en soubassement du prochain roman que je commencerai à écrire cet été. 
C'est drôle. On change les noms, les personnages, les situations, les époques, les cadres sociaux, le ton même, notre écriture reste gavée de thèmes qu'il semble difficile d'étouffer. Comme un cri qui est trop longtemps resté enfermé dans l'attente d'une bouche; pour paraphraser Ginsberg. Je me pose pas mal de questions sur le fond de mes textes; en accomplissant un pas de côté, je réalise que mes trois derniers romans et ces nouvelles parlent à chaque fois d'un personnage qui cherche un exil pour fuir sa situation. Ce n'est pas très bon, je pense, de tenter de décrypter un texte. Je souhaiterais, à la place, écrire quelque chose de meilleur, à tous points de vue. L'immensité du chantier restant à accomplir est hallucinante. Mais j'espère pouvoir compter sur les trente prochaines années pour y parvenir. J'ignore si j'en serais capable, mais j'ai envie d'y parvenir. Le constat est connu, il revient comme une rengaine dans les pages du journal que je tiens sur un carnet depuis deux ans. Les seules lignes qui resteront manuscrites à jamais. 
En attendant, je réalise que je n'ai pas de titre pour cette cinquième nouvelle. Qui a dépassé les 80 000 signes de la précédente. La phase de relecture et réécriture va pouvoir démarrer et comme les choses sont bien faites, je vais pouvoir mettre à profit la semaine de vacances qui démarre.


vendredi 22 février 2019

Des sous ?

Vous qui pensez qu'on se fait un pognon de dingue en vendant ses livres en format électronique sur la plateforme Kindle d'Amazon...

Je viens de recevoir l'avis de paiement correspondant aux ventes de mes ebooks dans le store du géant orange pour le mois de Décembre. 1€66 le début de la fortune et de la décadence qui va avec ! 


L'extrait du... 22 février


"Bien souvent, des Esseintes avait médité sur cet inquiétant problème, écrire un roman concentré en quelques phrases qui contiendraient le suc cohobé des centaines de pages toujours employées à établir le milieu, à dessiner les caractères, à entasser à l’appui les observations et les menus faits. Alors les mots choisis seraient tellement impermutables qu’ils suppléeraient à tous les autres ; l’adjectif posé d’une si ingénieuse et d’une si définitive façon qu’ils ne pourrait être légalement dépossédé de sa place, ouvrirait pendant des semaines entières, sur son sens, tout à la fois précis et multiple, constaterait le présent, reconstruirait le passé, devinerait l’avenir d’âmes des personnages, révélés par les lueurs de cette épithète unique"

Joris-Karl Huysmans - A rebours

jeudi 21 février 2019

Lecture : Douglas Kennedy - La poursuite du bonheur

Parfois il est salutaire de lire certains livres. Pas les très bons, non, car c'est une évidence. Je parle ici des autres, les pas bons, je ne vais pas dire mauvais car on ne peut pas non plus dire de "La poursuite du bonheur" que c'est un livre raté. Il n'y a qu'à se promener sur le web pour trouver un nombre pharaonique de critiques positives et enthousiastes de lecteurs de ce bouquin de Douglas Kennedy. 
En revanche, je n'écrirai pas de critique positive. Ni même de critique, car je suis très mauvais critique, et au fond je m'en fous, car l'essentiel reste de lire. 

J'éprouve toujours du mal à laisser tomber une lecture. Je veux dire, d'accord je m'accroche c'est évident, mais je peux m'accrocher longtemps et il en faut pas mal pour me décourager. Mais là, quand au bout de 90 pages sur près de 700 je me répète pour la quinzième fois un truc du genre "oh merde, qu'est ce que c'est chiant ce bouquin!" c'est qu'il y a un problème. Parce qu'en plus de cela, ce livre n'est pas seulement chiant. Les situations sont d'une banalité confondante, les dialogues sont écrits à la truelle, trop nombreux et le lecteur est tellement tenu par la main de l'auteur que ses phalanges virent au blanc livide. Alors même si je n'aime pas faire ça, je vais arrêter les frais. 
Non, vraiment Douglas, là t'as déconné. Pour une première rencontre, tu m'as fait manger un étouffe chrétien de bas niveau. Oui d'accord je sais, y'avait peut être erreur de casting dès le début; après tout, les histoires d'amour et moi ça fait deux. Mais je m'étais dit qu'à 1 euro le livre je ne risquais rien d'essayer. Ben si, j'ai risqué. Et j'ai perdu. Alors je vais laisser ta Kate et son divorce, sa tante et son fils adoré et surtout ses aventures malheureuses avec Jack Malone comme je les ai trouvés, ou presque. Quatre vingt-dix pages, on pourra pas dire que j'aurais abusé. Toi en revanche, si. Alors salut, et sans rancune.

lundi 18 février 2019

Des pages qui s'ajoutent

En train d'écrire la cinquième des six nouvelles qui composeront un recueil à paraître avant l'été. En plein doute sur l'efficacité et la qualité de cette nouvelle-là, qui me semble être partie vers des versants peu satisfaisants. Se contraindre à faire court vous renvoie en pleine face la vacuité du roman. Car vraiment, pourquoi utiliser cent mots pour dire quelque chose qui va tenir en cinquante ? Ou en dix ? 

Je ne sais plus vraiment bien quel est le but de tout cela. J'ai certainement envie d'écrire court par défi et par goût de l'exercice de style. Pour me prouver que je suis capable de faire court. Et comme je l'ai déjà exposé, parce qu'après trois ans à écrire du roman, je ressentais le besoin de faire court. 
Mais là, sur cette nouvelle-ci en particulier, je glisse et je retombe dans le long. Vingt-six feuillets écrits, ça patine, ça ne se passe pas comme je l'avais prévu et je lutte. Après, ce n'est jamais qu'un premier jet et ça sert à ça, les premiers jets. Mais tout de même, c'est moche cette manie de retomber dans la facilité du long. Il va falloir que je termine rapidement ce premier jet et que je me lance aussitôt dans la rédaction d'une version plus nerveuse et plus aboutie. La semaine de vacances à venir devrait m'y aider.

jeudi 14 février 2019

Lecture : Jon Bassoff - Corrosion

Attention, voilà un auteur ! Jon Bassoff est écrivain, éditeur chez New Pulp Press, et New-Yorkais en exil dans le Colorado. Accessoirement il semble attiré par les personnages psychologiquement atteints, comme en témoignent ce premier roman mais aussi le suivant, qui semble dans la même veine. 
"Corrosion" porte drôlement bien son nom. Voilà un univers noir, noir jusqu'à la disparition de toutes les couleurs, jusqu'à l'effacement de toutes les nuances. 
Le thème ? Un homme, le visage défiguré, débarque dans une ville et vient en aide à une femme qui se fait agresser dans un bar. Rapidement on apprend que ce type est un vétéran de la guerre en Irak... à moins que les choses ne soient pas aussi simples. La suite ? il vous faudra la lire, je vous garantis que vous ne serez pas déçus ! 

Bassoff a manifestement bien verrouillé les choses lorsqu'il a construit cette histoire. Il démontre un véritable talent de conteur dans ce roman découpé en parties bien distinctes mais qui apportent un changement de ton salvateur pour l'intérêt du livre. On est pris dans le récit sans parvenir à lâcher le bouquin. Et le personnage principal qui est également le narrateur reste insaisissable, incontrôlable jusqu'à la dernière page. Mieux, il échappe certes aux autres personnages mais il échappe surtout au lecteur. Car on se demande à chaque page jusqu'où l'escalade va le mener, jusqu'où la corrosion va se propager.

Extrait : 
"Cette nuit-là, j’étais allongé dans mon lit, les ressorts Bonnell s’enfonçaient dans ma peau, et je fixais le plafond moisi. Il y avait une longue fissure en dents de scie. Je l’observais s’agrandir. Des gouttes d’eau tombaient de la fissure dans un pot rouillé. Goutte, goutte, goutte. Torture chinoise. À travers de minces fentes, je regardais par la fenêtre. La lune avait la couleur de la jaunisse.
Je n’arrivais pas du tout à dormir. Les souris et les rats avaient pris le contrôle de la maison. Je les entendais détaler sur le parquet, escalader les murs, ronger les meubles. Et puis j’entendis quelque chose d’autre. L’écho lointain de bruits de pas sur le trottoir en bas. Je sortis du lit et m’approchai de la fenêtre pour observer. Un homme marchait lentement dans la rue, juste à l’écart de la lumière des lampadaires. Il portait un costume en lambeaux, une cravate bleue pendant de son cou comme un nœud coulant. Il avait des cheveux gris acier, salement ébouriffés, un corps squelettique et un visage hanté, émacié. Quand il vit ma silhouette, il s’immobilisa et me dévisagea. Je me mis à trembler involontairement. Un sourire dément s’afficha lentement sur son visage. Je fis un ou deux pas en arrière, la respiration bloquée dans la trachée."

lundi 11 février 2019

L'extrait du... 11 février

"Les neuf dixièmes de notre vie s'oublient en vivant. Quant à la plus grande part de ce qui reste, il vaudrait mieux n'en rien dire : cela n'intéresserait personne, ou du moins ne contribuerait en rien à l'histoire de ce que nous avons été. Reste un mince récit linéaire - quelques centaines de pages - autour duquel s'agglutinent, comme un berlingot, les intérêts qui retiendront quelques heures le commun des lecteurs, pareils à des enfants friands de sucreries qui préféreraient quelque chose de plus savoureux et de moins dur. Pour nous, cependant, ces heures ont été précieuses. Elles sont notre trésor. C'est tout ce que, raisonnablement, nous devrions offrir."

William Carlos William - Autobiographie

vendredi 8 février 2019

Lecture : James M.Cain - Assurance sur la mort

James Mallahan Cain, plus communément appelé James M.Cain (1892-1977) est connu pour être l'auteur d'une premier roman célèbre "Le facteur sonne toujours deux fois" en 1934. L'année suivante, la nouvelle "Double indemnité" reprend les codes du roman noir qui ont fait le succès du premier roman, et James M.Cain démarre une carrière prolifique d'auteur de genre, dont plusieurs oeuvres vont être adaptées au cinéma. 
Le livre "Assurance sur la mort" publié par les indispensables éditions Gallmeister en mars 2017 reprend le titre d'un recueil de nouvelles publié en 1944 sous le titre "Three of a kind" et qui comprenait notamment la novella "Double indemnité" (Double indemnity). Il reprend surtout le titre phare d'une oeuvre qui a été adaptée avec succès au cinéma cette même année 1944.

L'histoire est celle d'un agent d'assurance qui tombe sous le charme d'une belle intrigante qui va le convaincre de supprimer son mari en touchant la prime de l'assurance vie. Au-delà de la simple histoire classique du complot, il est question de la pénitence, et du jugement des puissants. 
Sous une nouvelle traduction, ce court roman de 155 pages est un petit bijou de noir, enlevé, efficace et surtout prenant. Comme une majorité de bouquins de ce type, le style littéraire n'est pas une priorité et celui-ci ne brille ni par son originalité, ni par son inventivité. Les phrases sont courtes, sans adverbes inutiles, et servent le propos de l'auteur : aller à l'essentiel. Et si on ne peut raisonnablement pas parler de génie stylistique, on ne peut qu'être admiratif de l'efficacité et de la maîtrise de la narration. La longueur y est pour beaucoup, dans un format très prisé outre Atlantique mais hélas trop souvent délaissé dans nos contrées : celui de la novella. Plus longue que la nouvelle, moins échevelée que le roman, c'est le format parfait pour le roman noir, enlevé et efficace. Et James M.Cain l'avait parfaitement compris. 


mardi 5 février 2019

Lecture : Charles Williams - Hot Spot

Publiée une première fois en France en 1955, ce roman réunit tous les standards du polar américain de cette époque : bagnoles, femme fatale, bandit à principes... Dans une époque où abondent les romans noirs violents, déviants, remplis de psychopathes pervers et de crimes atroces, c'est avec un réel plaisir qu'on peut lire ce genre de roman. Non pas que je n'aime pas les romans glauques, au contraire même, mais se plonger dans un tel polar c'est comme s'offrir une bière bien fraîche entre deux shoots de vodka, ça se boit sans soif. Comme du petit lait.

L'histoire est classique : le personnage principal, bandit au grand cœur et faible sur le plan affectif, débarque dans une petite ville du sud des Etats Unis où il va dérober le contenu du coffre d'une banque. Mais alors qu'il pense avoir réussi le crime parfait, il se retrouve pris au piège d'une machination doublée d'un triangle amoureux. Rapidement la situation lui échappe et il se retrouve entraîné bien malgré lui dans une sordide affaire. 
Derrière ce pitch ultra classique, l'auteur nous offre un petit bijou d'efficacité dans un style tourné vers l'action (nouvelle traduction très efficace de Laura Derajinski). On est pris par le récit, on se demande ce qu'il va arriver, comment la machination va se résoudre et qui va réussir à sauver sa peau. Bien que les personnages soient assez sommaires, chacun joue son rôle et participe à l'atmosphère prenante de cette histoire. 
Au final, voilà un bouquin diablement réussi, dans le plus pur style du polar américain des années 50 cher à Charles Williams et dont il fut un représentant productif (22 romans entre 1951 et 1975). Cette histoire a été adaptée au cinéma par Denis Hopper en 1990. 

Extrait : 

lundi 4 février 2019

L'extrait du... 4 février

"Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c'est l'incapacité de l'esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu'il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l'infini, et nous n'avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu'à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons ; alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d'un nouvel âge de ténèbres."

Howard Phillips Lovecraft, Le mythe de Cthulhu