Joris-Karl Huysmans - En rade (Folio)
lectures, écritures, avis, combats perdus d'avance et instantanés périmés, morts-nés et autres occlusions de conscience en attendant la suite.
jeudi 31 octobre 2019
L'extrait du... 31 octobre
Journapalm 082
Le messie haussa les épaules en maugréant : « Eh relax, on a encore dix minutes ! »
mercredi 30 octobre 2019
Concordance des livres
Souvent la lecture est une affaire de reflets. Un jeu de miroirs et de passage de témoins, dans lequel on rebondit de livre en livre. C'est une sorte de valse ininterrompue qui nous conduit de découverte en découverte, ce que parfois on nomme "un parcours de lecteur".
Samedi dernier, de passage chez mon libraire "Le bal des ardents" à Lyon, grâce à une malicieuse disposition de son étal, j'ai découvert un amusant écho. Le dernier livre de Sylvain Tesson publié chez Gallimard "La panthère des neiges" se trouvait en effet à proximité d'un autre bouquin bien plus vieux (publication originale en 1983) intitulé "Le léopard des neiges", chez le même éditeur.
Concernant le faux vrai ancêtre américain du dernier opus du brillant Tesson, voilà ce qu'en dit le site de l'éditeur : "En septembre 1973, Peter Matthiessen part pour le Dolpo, une région du Népal située à la frontière du Tibet, avec le zoologiste George Schaller qui veut observer des léopards des neiges.
Dans ce journal de route, il apparaît très vite que Matthiessen vit cette expédition comme une aventure plus spirituelle que véritablement scientifique. Pour lui, adepte du bouddhisme zen, ce sera surtout un pèlerinage à l'ancien monastère de Shey Gompa et, enfin, un voyage hors de la «civilisation» du XXe siècle."
Ce bouquin est disponible dans l'excellente collection "L'imaginaire" de Gallimard.
Et en ce qui me concerne, comme il en est souvent l'usage du fromage et du dessert, je ne choisis pas entre panthère et léopard; les deux rejoindront ma pile de lectures.
Libellés :
Concordance,
Peter Matthiessen,
Sylvain Tesson
Journapalm 081
Il les avait prévenus. Ses fils lui ont demandé de se montrer raisonnable.
Il pleuvait souvent. Surtout l’après-midi, pendant les tournois de scrabble, juste avant la migration des déambulateurs jusqu’à la salle télé pour les jeux à lobotomiser.
Lui il restait des heures collé à la fenêtre. Ces abrutis lui parlaient comme à un débile, ou à un gosse, ce qui revient souvent au même dans la tête des gens. Alors que simplement, il rêvait, éveillé, de parties de pêche dans le Montana.
Lui il restait des heures collé à la fenêtre. Ces abrutis lui parlaient comme à un débile, ou à un gosse, ce qui revient souvent au même dans la tête des gens. Alors que simplement, il rêvait, éveillé, de parties de pêche dans le Montana.
mardi 29 octobre 2019
Nouveau roman... Nouvelles questions
Parmi les caractéristiques déroutantes de l’écriture
de fiction, la phase de démarrage d’un nouveau projet reste la plus étonnante. Qu’importe
le passé, qu’importe la confiance, il n’y a plus aucune certitudes au moment de
commencer à écrire un nouveau livre.
On se retrouve avec quelques idées en tête, un univers, une envie, peut-être un personnage, et des outils que l’on doit se réapproprier. On se souvient que l’on a procédé de la sorte dans le temps, il y a… un an, deux ou dix ans, mais que nous avons tout oublié ou presque. Il y a ces bouquins sur l’étagère ou dans nos mémoires, que l’on se souvient avoir écrits, mais sans réussir à comprendre comment. Cette sensation est d’autant plus déroutante qu’elle semble toucher un nombre important d’auteurs, amateurs comme professionnels, tacherons comme doués. Il n’est pas rare que des écrivains réputés et mondialement connus confessent l’agitation, la douleur physique parfois, qui les étreint, la peur de ne plus être capable d’y arriver, au moment de commencer l’écriture d’un nouveau livre. Après avoir sué des mois ou des années sur la réécriture et la correction du précédent livre, l’esprit a chassé de sa grange la méthode et le moment initial de l’écriture, lorsqu’il fallait partir de rien pour arriver à un texte, imparfait, brinquebalant, certes, un premier jet, un brouillon quoi !
On se retrouve avec quelques idées en tête, un univers, une envie, peut-être un personnage, et des outils que l’on doit se réapproprier. On se souvient que l’on a procédé de la sorte dans le temps, il y a… un an, deux ou dix ans, mais que nous avons tout oublié ou presque. Il y a ces bouquins sur l’étagère ou dans nos mémoires, que l’on se souvient avoir écrits, mais sans réussir à comprendre comment. Cette sensation est d’autant plus déroutante qu’elle semble toucher un nombre important d’auteurs, amateurs comme professionnels, tacherons comme doués. Il n’est pas rare que des écrivains réputés et mondialement connus confessent l’agitation, la douleur physique parfois, qui les étreint, la peur de ne plus être capable d’y arriver, au moment de commencer l’écriture d’un nouveau livre. Après avoir sué des mois ou des années sur la réécriture et la correction du précédent livre, l’esprit a chassé de sa grange la méthode et le moment initial de l’écriture, lorsqu’il fallait partir de rien pour arriver à un texte, imparfait, brinquebalant, certes, un premier jet, un brouillon quoi !
Voilà précisément où j’en suis sur ce nouveau roman
dans lequel je me suis lancé le 29 août. Après avoir écrit 84 pages - souvent
de façon laborieuse – et en proie à de très nombreux doutes, j’ai jeté l’éponge
au soir du 14 octobre. Deux semaines d’atermoiements plus tard et une
biographie de 6 pages sur le personnage principal de ce roman, j’ai enfin
réussi le 28 octobre à poser un plan sommaire de ce roman articulé autour d’une
trentaine de chapitres. J’avais sûrement besoin de sauter dans l’inconnu lors de
ce premier jet fantomatique dont je ne sauverai que quelques scènes réécrites
de façon différente. Ce brouillon du premier jet m’a profondément fait douter,
je me croyais incapable d’écrire à nouveau ; j’en ai eu des insomnies. J’ai
plusieurs fois envisagé de me lancer sur un autre projet mais je ne sais pas
abandonner. Heureusement l’exercice quotidien de l’écriture du Journapalm sur ce blog m’a permis de garder la foi. Je vais donc d’ici quelques jours me
lancer dans l’écriture d’un nouveau premier jet de "MargueRichard".
Journapalm 080
« Je ne bougerai d’ici que lorsqu’il pleuvra du pinard ! »
Alors ils ont rassemblé leurs affaires en maugréant et ils ont levé le camp en le laissant seul dans un sillage de détritus. Juste comme il se mettait à pleuvoir.
Le lendemain, deux d’entre eux sont revenus prendre des nouvelles. Et à sa place, il n’y avait plus que des cartons déchirés baignant dans du vin.
lundi 28 octobre 2019
L'extrait du... 28 octobre
"Pendant son séjour à l'hôpital, Harry avait secrètement espéré que les docteurs lui découvriraient une maladie susceptible d'expliquer les sentiments étranges qu'il éprouvait, et ce besoin d'agir comme il le faisait. Lorsqu'il apprit qu'il était en parfaite santé, il fut déçu, mais aussi soulagé de savoir qu'il n'avait pas de maladie vénérienne. Si seulement ils avaient pu lui trouver une tumeur au cerveau affectant ses fonctions cérébrales, ça aurait tout expliqué. Un petit coup de bistouri, et tout serait rentré dans l'ordre. Mais il n'y avait pas la moindre tumeur. Son système nerveux central fonctionnait à merveille. Aucune anomalie en ce qui concernait le liquide céphalo-rachidien. Rien. Rien du tout. Rien que lui."
Hubert Selby - Le démon
(10/18 - trad.Marc Gibot)
Journapalm 079
Alors des murmures insolites ont gonflé dans toutes les forêts du globe, accompagnés d’un vent glacial agitant les arbres. Ces-derniers tenaient là leur revanche. Maintenant qu’ils entraient dans le corps des hommes, ils allaient les faire payer.
dimanche 27 octobre 2019
Journapalm 078
Ce n'est que lorsqu'ils ont brandi des haches pour démembrer les gens et fracasser les voitures que toute la ville a appris à les connaître.
samedi 26 octobre 2019
Journapalm 077
Il ne se doutait alors pas que le chemin musical de son fils allait l’emmener vers l’univers des crêtes, des épingles à nourrice, des Doc Martens et des cailloux de crack.
vendredi 25 octobre 2019
Journapalm 076
Lorsqu’il apprit la nouvelle, Kim Jong-un entra dans une colère noire et déclara la guerre aux États-Unis. Il avait toujours détesté le base-ball, lui préférant le basket.
jeudi 24 octobre 2019
Journapalm 075
- Hé, tête d’œuf, lance le capitaine, concentre-toi y’a des icebergs !
Le mousse hausse les épaules, mâche du chewing-gum en faisant des bulles. Il rêve des spectacles de Broadway, de lumières et de femmes élégantes.
Soudain il aperçoit un éclat au milieu des flots puis une cascade d’écume que descendent des naïades aux interminables chevelures. Fou de désir, le mousse balance ses jumelles et plonge dans l’océan gelé. Quand il percute l’iceberg, son crâne se fracture en deux hémisphères parfaitement symétriques.
mercredi 23 octobre 2019
Journapalm 074
Sa lampe frontale dessinait des ombres chinoises sur la paroi de l’estomac du crocodile. Là, dans la chaleur moite de ses entrailles, il aperçut plusieurs grenouilles à collerette dorée qui l’observaient. Le biologiste en pleura d’émotion.
mardi 22 octobre 2019
L'extrait du... 22 octobre
"Mais comment dévorer le monde quand on n’a pas d’argent ? Il constatait néanmoins avec un léger soulagement qu’il ne ressentait plus l’irrésistible appel du nord, qu’il ne se noyait plus dans la sentimentalité à cause de ses forêts perdues, de ses truites de rivière perdues, de la jeune Indienne qu’il avait imaginé épouser dans une chambre secrète située derrière une cascade. La truite de quinze livres qu’il rêvait d’attraper à la mouche sèche, l’ours noir qui serait devenu son animal domestique… La nature profonde de sa vie imaginaire changea : devenir un cow-boy errant guidant un troupeau de chevaux volés à travers les pics enneigés des Carpates – ce rêve s’éloigna, tout comme cet autre où il était l’amant secret d’Eva Gardner sur une île du Pacifique Sud. Sa vie mentale entama un voyage de retour vers la terre, pour en définitive ne jamais la rejoindre. L’étude de l’histoire de l’art et de la langue française, ainsi que celle de la poésie et de la littérature défrichèrent de nouveau territoires pour son imagination, si bien qu’il habitait volontiers une hutte de pierre dominant la Méditerranée, mais encore plus souvent une modeste chambre de bonne en compagnie d’au moins trois modèles vivants qui ressemblaient aux jeunes femmes peintes par Modigliani."
Jim Harrison - L'été où il faillit mourir
(10/18 - trad.Brice Matthieussent)
Journapalm 073
Depuis, chaque 30 octobre, il monte dans un avion et se rend au Mexique pour y célébrer la fête des morts. Et le jour fatidique, la veille de Toussaint, il s’enivre et danse dans les rues au son des orchestres traditionnels, au milieu des fantômes et des goules. Il danse, abruti de musique, d’alcool et de pleurs.
lundi 21 octobre 2019
Journapalm 072
dimanche 20 octobre 2019
Journapalm 071
Au cimetière, la tombe de son épouse n’existe plus. Il frissonne, ses pieds tremblent, la sueur lui pique les yeux. Émile cherche son mouchoir au fond de sa poche mais constate avec horreur que sa main a disparu.
samedi 19 octobre 2019
Journapalm 070
Enfant déjà, il refusait de se soumettre à l’obligation de courir autour d’un stade à la con, sur une piste cendrée qui lui filait la nausée ; malgré les égosillements du professeur de gymnastique. Avant même d’avoir atteint l’âge de douze ans, Stéphane s’était fait la promesse de ne jamais courir de sa vie.
vendredi 18 octobre 2019
La citation du jour
"Ecrire est pour moi une nécessité vitale, conditionnée par un besoin intérieur. On risque de se faire avaler par la littérature ou par soi-même. Si on se fait avaler par soi-même, on devient fou. Si on se fait avaler par la littérature, on devient écrivain."
J.M.G. Le Clézio
Journapalm 069
L’homme pénètre dans l’officine, des valises sous les yeux, pose plusieurs ordonnances sur le comptoir et attend sans rien dire. Face à lui le laborantin chausse ses lunettes et déchiffre les prescriptions.
Quand il ressort, l’homme pioche dans son sac plusieurs boites de médicaments, choisit au hasard un grand nombre de cachets qu’il avale par poignées. Puis il s’éloigne vers un parc public désert. Dans quelques heures la nuit va s’éteindre.
jeudi 17 octobre 2019
Journapalm 068
Sa fierté titillée, ressentant une profonde injustice, il retire de son sac une grenade qu’il dégoupille et jette en amont de la rivière. L’explosion est à moitié étouffée mais l’onde lui fait perdre l’équilibre. En tombant, il s’assomme sur un gros rocher. Et meurt noyé.
mercredi 16 octobre 2019
Journapalm 067
Son agenda est certes virtuel, il n’en reste pas moins incompressible. C’est étrange quand il y pense, un calendrier sur un écran, volatile, décharné, immatériel et pourtant sans interstice ni espace. Il peut toujours chercher : impossible de se dégager du temps disponible. Alors il finit par se lever et sous les regards sidérés, entreprend de percer des trous dans son écran avec le tire-bouchon de son limonadier.
mardi 15 octobre 2019
L'extrait du... 15 octobre
"- Comment un homme s'assure-t-il de son pouvoir sur un autre, Winston?
Winston réfléchit :
- En le faisant souffrir répondit-il.
- Exactement. En le faisant souffrir. L'obéissance ne suffit pas. Comment, s'il ne souffre pas, peut-on être certain qu'il, non à sa volonté, mais à la vôtre? Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. Commencez vous à voir quelle sorte de monde nous créons? C'est exactement l'opposé des stupides utopies hédonistes qu'avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d'écraseurs et d'écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu'il s'affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L'ancienne civilisation prétendait être fondée sur l'amour et la justice, la nôtre est fondée sur la haine.. Dans notre monde, il n'y aura pas d'autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l'humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout."
Winston réfléchit :
- En le faisant souffrir répondit-il.
- Exactement. En le faisant souffrir. L'obéissance ne suffit pas. Comment, s'il ne souffre pas, peut-on être certain qu'il, non à sa volonté, mais à la vôtre? Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. Commencez vous à voir quelle sorte de monde nous créons? C'est exactement l'opposé des stupides utopies hédonistes qu'avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d'écraseurs et d'écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu'il s'affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L'ancienne civilisation prétendait être fondée sur l'amour et la justice, la nôtre est fondée sur la haine.. Dans notre monde, il n'y aura pas d'autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l'humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout."
George Orwell - 1984
(Folio, traduction Amélie Audiberti)
Journapalm 066
Mais un gamin vient chaque matin et déverse vingt centilitres d’eau dans le hall d’entrée de la gare. Toujours au même endroit. Les scientifiques sont formels : la pique blanche qui perce maintenant sous les pavés, à cet endroit, est bien l’extrémité de la défense d’un mammouth.
lundi 14 octobre 2019
Journapalm 065
dimanche 13 octobre 2019
Journapalm 064
L’homme assis à l’arrière du taxi se retourne et récupère un appareil photo réflex en excellent état. Le chauffeur répond qu’il peut le garder, qu’il s’en fiche. L’homme hésite puis décide de le ramener avec lui en France. Ignorant qu’à l’intérieur du boitier sont dissimulés deux cents grammes de cocaïne.
samedi 12 octobre 2019
Journapalm 063
Le bateau prend la mer à l’heure prévue. Accoudés au troisième pont, mari et femme se détendent enfin. Mais soudain la mer s’interrompt devant eux, comme coupée par une gigantesque scie. Alors un berger accompagné de milliers de vaches traverse l’étendue d’eau, benoitement, et trois jours durant.
vendredi 11 octobre 2019
Journapalm 062
Un jour pourtant, lorsqu’elle avait dix-sept ans, il a disparu. Depuis elle le recherche auprès des hommes qu’elle essaie d’aimer. Le nœud jaune autour du cou, certains l’acceptent mais ce sourire-là, aucun ne le réussit jamais.
jeudi 10 octobre 2019
Journapalm 061
Après quelques instants, il a eu une prise. Alors il a ramené la ligne à lui, avec précaution et fermeté, comme son père le lui avait appris. Et bientôt les badauds ont vu sortir de l’eau le cadavre bleu de Jacques Chirac.
mercredi 9 octobre 2019
L'extrait du... 9 octobre
"Tous les sentiments humains : l'amour, l'amitié, la jalousie, l'amour du prochain, la charité, la soif de gloire, la probité, tous ces sentiments nous avaient quittés en même temps que la chair que nous avions perdue pendant notre famine prolongée. Dans cette insignifiante couche de muscles qui restait encore sur nos os et nous donnait la force de manger, de nous mouvoir, de respirer, même de scier du bois, de pelleter pierre et sable dans les brouettes, de pousser ensuite ces brouettes sur l'interminable chemin de roulage des gisements aurifères, sur l'étroit chemin de bois qui menait au dispositif de lavage, dans cette couche de muscles, il n'y avait plus de place que pour la rage, le plus vivace des sentiments humains."
Varlam Chalamov - Récits de la Kolyma (Verdier) (traduction Sophie Benech, Catherine Fournier, Luba Jurgenson)
Journapalm 060
Le long de la Marne, les
premières escarmouches ont réveillé les démons de la géographie de guerre. Cent-dix
ans après la bataille éponyme, presque jour pour jour, les affrontements ont repris
entre les mêmes belligérants.
Installé à l’ombre d’un peuplier d’Italie en tous
points similaire à ceux introduits en France par Bonaparte, un peintre affûte ses pinceaux et secoue ses tubes de gouache. Dans l’air frais de septembre,
dans l’humidité d’une brume matinale qui tarde à se dissiper, ce chômeur en
longue durée a décidé de venir peindre la mort au plus près.
mardi 8 octobre 2019
Journapalm 059
« C’est pour mettre en condition » explique le notaire, un petit homme bossu qui sent la naphtaline et le désodorisant à la lavande.
Je sais que dehors le soleil ne faiblit pas et qu’il fait un temps superbe. Mais à cet instant je n’ai plus aucune certitude sur rien.
lundi 7 octobre 2019
Journapalm 058
Allongé sur le flanc au milieu de la route, le vieux chien a décidé d’en finir. Les douleurs incessantes, les paralysies, les journées qui n’en finissent plus… Il ne tolère plus son quotidien.
Il s’est couché sur le côté droit de la voie communale qui monte jusqu’au sommet du col. Et il attend dans le froid de novembre, ses yeux fatigués ouverts distinguent le goudron tout proche, et plus loin, quelques arbres en dégradés de gris.
Même la mort est longue à venir. Surtout sur une route désaffectée.
vendredi 4 octobre 2019
Journapalm 057
Quelques touristes pourtant y sont venus cet été, malgré les avis défavorables du ministère de l’intérieur. Qui aurait peur de quelques rochers et de poissons au fond du port ? Quand les avions militaires ont rasé les plages au son des mitrailleuses, ils ont compris.
jeudi 3 octobre 2019
Journapalm 056
L’automne est arrivé dans ce
jardin public désert un peu plus tôt qu’ailleurs dans la ville. Là, derrière les
barres d’immeubles HLM, dans un ciel de coton gris, la brise chargée d’air dépressionnaire
fait grincer les balançoires de l’aire de jeux sans enfants.
La plupart de leurs feuilles tombées sur l’herbe, les platanes ont maintenant l’aspect de sinistres vieillards édentés.
Seul le cadavre d’un chat dans l'herbe signale une présence, son œil vitreux ouvert peuplé d’insectes charognards qui ont démarré leur vaste recyclage.
La plupart de leurs feuilles tombées sur l’herbe, les platanes ont maintenant l’aspect de sinistres vieillards édentés.
Seul le cadavre d’un chat dans l'herbe signale une présence, son œil vitreux ouvert peuplé d’insectes charognards qui ont démarré leur vaste recyclage.
mercredi 2 octobre 2019
Journapalm 055
Soudain apparaît un homme vêtu d’une blouse verte semblable à celle des vétérinaires, virevoltant entre les tables en actionnant une poinçonneuse au-dessus de sa tête, chantonnant une mélopée gutturale. Arrivé à proximité du père de famille sidéré, il lui arrache des mains billets et note, les poinçonne puis relâche le tout en repartant comme il est venu.
mardi 1 octobre 2019
Journapalm 054
9h30. L’homme règle son café crème et traverse la rue à la hâte,
le regard accroché aux murs de l’église. Le chauffeur du bus qui remonte la rue
n’a pas le temps de freiner.
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