vendredi 15 novembre 2019

Lecture : Courir au clair de lune avec un chien volé

Callan Wink cumule les qualités de pêcheur et d’écrivain. Lorsqu’on ajoute qu’il vit dans le Montana, on pense à tout de suite à Jim Harrison et Thomas McGuane. La sortie de son livre « Courir au clair de lune avec un chien volé » en poche s’est d’ailleurs accompagné d’une mention commerciale vantant cette comparaison : « Héros cabossés et grands espaces : le fils spirituel de Jim Harrison est né. » Verdict Télérama. J’ai toujours un peu de mal avec ces bandeaux et ces mentions visant à attirer l’œil du potentiel acheteur. C’est la même chose avec un quatrième de couverture citant l’avis d’un chroniqueur, d’une rédaction ou d’un journaliste sur le bouquin que l’on tient dans ses mains. Je n’ai rien à cirer de leur avis et je ne veux pas qu’on me force la main quand je me promène en librairie pour choisir des bouquins.
En l’occurrence, outre le fait d’être un excellent titre, « Courir au clair de lune avec un chien volé » n’a pas volé la mention élogieuse de Télérama. Et pourtant je suis intraitable quand il s’agit de comparer un auteur à Big Jim. Mais il faut reconnaître que dans ce recueil de nouvelles Callan Wink déploie une large palette de talents qui appelle à de grandes promesses. Personnages intéressants, histoires de l’ouest moderne à la fois fortes et sauvages, destins brisés dans leur élan, ou comment écrire de belles intrigues avec trois fois rien. En un seul recueil de nouvelles, le jeune Callan Wink (35 ans) réussit l’exploit de se positionner en héritier évident d’une tradition littéraire des grands espaces et des grands destins que nous avons plus de difficultés à créer en Europe (exception faite de la littérature des pays de l'Est). Il va maintenant falloir assurer la suite, car on l’attend au tournant.

Extrait
"Peu après l’aube, elle vit depuis sa véranda six vautours qui, portés par un courant ascendant, les ailes déployées, planaient en décrivant des cercles. Les corbeaux et les corneilles aussi étaient venus. Elle les entendait, un vol noir qui piquait vers la ravine, sombre comme du marc de café répandu sur l’herbe sèche. Elle songea qu’elle aurait peut-être dû recouvrir la carcasse de terre, mais c’était sans doute mieux comme ça. Des funérailles bouddhistes – elle avait entendu dire que c’était ainsi que le Tibétains procédaient.
La veille encore, le spectacle des oiseaux dévorant son bœuf l’aurait anéantie, mais aujourd’hui, les choses se présentaient mieux. Un projet, c’était ce dont les gens avaient réellement besoin pour aller de l’avant."

(Albin Michel / Traduit par Michel Lederer) 

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