vendredi 31 juillet 2020

Journapalm 356

Après avoir dessiné la Grande pyramide et la Grande muraille, l’architecte en chef des Grands Travaux Extraordinaires obtint sa mutation dans la division céleste de l’entreprise. En quelques semaines il dessina la Grande ourse puis le Grand nuage dont on lui refusa la paternité pour le baptiser plus tard du nom de Magellan, au prétexte que l’explorateur portugais était un lointain cousin de l’actionnaire principal de l’entreprise. De mémoire d’architecte en chef, il s’agit de la plus vieille manifestation de népotisme dans l’histoire.

jeudi 30 juillet 2020

Journapalm 355

- Le boucher charcutier souffre d’insomnies depuis que sa femme l’a quitté pour l’électricien spécialiste de domotique. 
- De domotique ? Qu’est-ce que c’est ? 
- Je sais pas, c’est marqué sur sa vitrine : Domotique. Ça doit être en rapport avec les antennes 5G. 
- Et du coup, pour les steaks ? 
- Y’en a plus ! Depuis qu’il dort seul, le boucher fait des nuits hachées mais pas de steaks. 
- Il doit être déboussolé le pauvre 
- Ah ben ça ! Il ne prépare plus que des travers de porc !

mercredi 29 juillet 2020

Journapalm 354

Quand il arrive à l’angle de la rue, Théo ne veut plus avancer. Sa mère doit lui serrer la main en lui demandant de se presser sinon il sera en retard à l’école. Chaque matin c’est le même scénario qui se répète : Théo a peur du chien fou qui vit dans la maison au bout de la rue. Et chaque matin il se jure en lui-même que plus tard il interdira l’école pour que plus aucun enfant ne passe devant un chien fou le matin.

mardi 28 juillet 2020

Journapalm 353

Dehors la tempête se saisit de chaque arbre de la forêt et le secoue comme pour lui faire rendre gorge. Des éclairs fantastiques dessinent des z remplis de tumulte qui éclaboussent le ciel de traits géométriques étincelants. 
Assis à son bureau sous la lumière pâle de sa lampe, le jeune Théo poursuit ses pages d’écriture et sa plume trace de belles lignes rectilignes de z aux jambes rondes et nettes. Et en cet instant précis autant que précieux, le monde prend alors toute sa signification.

lundi 27 juillet 2020

Journapalm 352

Depuis qu’on l’avait diagnostiqué atteint d’extrême sécheresse ophtalmique, Petr estimait qu’il était nécessaire de rééquilibrer les niveaux liquides de son organisme. 
Il devint ainsi le poivrot le plus intrépide de son village de Sibérie, défiant les rares clients du bar local à la vodka et à l’antigel sans jamais verser une larme.

dimanche 26 juillet 2020

Journapalm 351

Elle se rêvait éleveuse de poulets en Bresse, il s’imaginait baryton à l’opéra de Paris. Témoin de leurs disputes incessantes, leur voisin de palier sut avant tout le monde que leur amour ne résisterait pas à ce grand écart culturel. 
Il fut le premier surpris en apprenant un an plus tard que le couple organisait des représentations d’opérette perpétuelle dans une salle polyvalente de Bourgogne où des coqs victimes de jet lag chantaient à toute heure du jour et de la nuit.

samedi 25 juillet 2020

Journapalm 350

Décidé à opérer un grand ménage de printemps dans le pavillon qu’il habitait depuis longtemps, Alphonse s’inscrivit au vide grenier organisé par la mairie. Pendant plusieurs semaines il remplit des cartons d’objets et bibelots qui prenaient la poussière, de vieux draps et rideaux inutilisés, de cadeaux de mariage conservés dans des cartons humides en prévision d’un jour qui ne venait pas. Le jour du vide grenier il se leva aux aurores et installa son stand méticuleusement. Après deux heures infructueuses, sa femme le rejoignit et aussitôt les clients se pressèrent et demandèrent ses coordonnées. Toutefois Alphone ne vendit rien.

vendredi 24 juillet 2020

Journapalm 349

Lorsque le dernier sapin de la dernière forêt de l’île fut abattu, il se retourna et contempla le vaste champ de ruines végétales dans la brume matinale. Puis il baissa la tête et regarda ses mains meurtries, ses paumes cabossées d’ampoules et sa peau abimée. Alors il marcha jusqu’à la cabane où il stockait ses outils et il s’y enferma, seul, le corps tremblant de fatigue et de froid. Et parce que ses mains blessées étaient incapables de tenir un fusil, il choisit une hache pour attendre le grizzly.

jeudi 23 juillet 2020

Journapalm 348

Remontant les bords de la Tamise jusqu’à la tour de Londres un jour pluvieux de juin, Archibald s’immobilisa devant le célèbre bâtiment et contempla le ballet des corvidés aux pelages noirs et huileux. Les volatiles de la tour de Londres planaient au-dessus des murs gris en poussant des cris gras et perçants qui lui glacèrent le sang. Lui qui depuis dix ans se spécialisait dans l’élevage de perruches espagnoles qu’il vendait au fond de son animalerie de Bilbao comprit soudain que depuis tout ce temps, il faisait fausse route.

mercredi 22 juillet 2020

Journapalm 347

L’hiver a démarré à la manière d’un gros camion diesel resté trop longtemps immobilisé. Il y a eu du bruit et de la fumée, des borborygmes mécaniques dans la nature et des odeurs de fin de tout. Alors, tels des fourmis progressant dans la neige, les gens ont convergé vers l’immeuble, pénétrant à l’intérieur par tous les interstices ouverts à tous les vents, comme des cicatrices d’humanité volontaires à un long enfermement de béton.

mardi 21 juillet 2020

Journapalm 346

Le dimanche fut pluvieux dès le lever du jour. L’humidité monta du sol et sembla gonfler comme un chat faisant le dos rond. Derrière les vitres de son appartement du douzième étage de New York, Art grilla des cigarettes et de longs moments de sa journée à regarder la pluie tomber devant l’épicerie indienne du coin de la rue. S’il n’y avait eu l’écoute en boucle de l’album « My favorite things » de John Coltrane, c’eut été une journée vraiment merdique.

lundi 20 juillet 2020

Journapalm 345

« Faut reconnaitre que pour envisager qu’une tomate puisse être l’arme d’un crime, l’assassin ne manquait certes pas d’imagination ! » dit le policier en contemplant la scène de crime. 
Il s’exprimait toujours par des phrases trop longues pour sa profession. Son assistant qui n’était ni daltonien ni citadin n’osa pas le contredire en lui faisant remarquer qu’il s’agissait d’un concombre. Alors l’enquête démarra sur un quiproquo de légumes, un bon nom de plat pensa l’assistant qui, le dimanche, pratiquait la cuisine.

dimanche 19 juillet 2020

Journapalm 344

Elle lui reproche de ne pas savoir s’amuser, de ne jamais parvenir à se lâcher lorsque les vacances sont là. Le pire, lui dit-elle, c’est qu’il reste allongé sur son transat à lire des heures durant des bouquins assommants. N’en pouvant plus de ces récriminations perpétuelles, il a craqué un vendredi matin, au milieu de « Crime et Châtiment ». En version luxueuse, les angles bien durs du pavé de Dostoïevski lui ont défoncé la tempe sans trembler. Maintenant ce serait les vacances perpétuelles, merci Fédor.

samedi 18 juillet 2020

Journapalm 343

Ayant vécu dans la précipitation depuis la naissance, Ursuline profita de chacun de ses derniers instants. Ce que pas un homme, pas un employeur, pas un parent, pas une amie ni une ennemie ne réussirent à faire en une vie, ce fut une famille de sangliers qui l’accomplit. Les apercevant traverser devant ses roues, Ursuline tourna le volant et enfonça la pédale de frein. Partie en tête à queue, elle se sentit tourner lentement, devinant le bas-côté dont elle se rapprochait au ralenti. La branche traversa en douceur le pare-brise puis sa boite crânienne avec un plop! discret.

vendredi 17 juillet 2020

Journapalm 342

L’hélicoptère tourne au-dessus des dunes depuis plus d’une heure. Surfeurs et nageurs ont fui les vagues pour satisfaire leur insatiable voyeurisme. Le périmètre de sécurité qui délimite la zone de recherche attire toutes les attentions et alimente tous les fantasmes. L’agitation est à son comble durant plus d’une heure… Jusqu’à ce que quelqu’un ne vende la mèche. Pas de cadavre, ni de torse démembré gonflé par l’océan : juste la pointe de ce qui semble être une pyramide antique enfouie sous les dunes de sable. Très déçus, tous s’en retournent à leurs vacances.

jeudi 16 juillet 2020

Journapalm 341

Deux jours après la montée des eaux, on apercevait des dauphins nager sous la grande arche de la Défense. Un quart de la population mondiale avait péri au cours de l’holocauste mais à Paris comme dans les autres places fortes de la finance mondiale, on s’organisait. Des systèmes de transports en commun fluviaux assuraient des rotations en continu pour emmener les cols blancs dans les bureaux des tours de la Défense aux fondations réputées insubmersibles. Beaucoup n’avaient plus d’habitation, certains n’avaient même plus de famille, mais leur dévouement à leur entreprise n’en était que plus fort.

mercredi 15 juillet 2020

Journapalm 340

Quand il monta dans son estafette blanche, Henri-Désiré eut un mouvement de recul en apercevant une forme oblongue sur le siège passager. Puis il démarra et commença de rouler. L’écureuil était grassouillet. Assis contre le dossier du fauteuil, son petit museau frémissait dans l’air qui pénétrait par la fenêtre. « Papa, t’aurais pas une clope ? » demanda-t-il alors d’une voix geignarde. Henri-Désiré secoua la tête puis sans quitter la route des yeux répondit : « Je pensais qu’en devenant un écureuil Stéphane, tu aurais cessé de fumer... »

mardi 14 juillet 2020

Journapalm 339

Assis sur sa terrasse en tek avec son verre de jus d’airelles, Michel rêvait d’être une mouche. Discrète, agile, pourvue de multiples yeux lui permettant de surveiller son monde à tout moment. 
Soudain Oscar referma la gueule sur une mouche en vol et ses bajoues émirent un claquement humide. Michel se leva d’un bond, bouscula la table de la hanche en renversant son café et tendit un doigt accusateur sur le boxer de la famille. Ainsi fut prise la décision d’anesthésier Oscar.

lundi 13 juillet 2020

Journapalm 338

Après avoir passé dix ans dans la conserverie d’anchois familiale, Ernest Sanchez choisit de rompre la tradition en s’orientant dans la conserverie de cornichons. Dans le microcosme de Collioure cette décision déclencha de vive réactions parmi la population et on commenta abondamment le désespoir qu’Ernest causa à ses parents. Toutefois, un mois après avoir lancé son affaire, Ernest disparut et on le retrouva pendu dans son garage avec à ses pieds deux bocaux à cornichons à l’intérieur desquels flottaient ses dix doigts tranchés.

dimanche 12 juillet 2020

Journapalm 337

Depuis les douves de son château des Carpates, le comte Vlad trempe la plume dans le sang de cent adversaires éviscérés au combat pour écrire sa légende. Installé à son immense bureau aux dorures rococo, il s’applique à écrire bien droit et à ne pas faire de pâtés, comme sa maitresse de CP le lui a appris quand il avait six ans. 
On a beau être un redoutable tyran responsable de milliers de morts, on peut avoir des principes et respecter les institutions.

samedi 11 juillet 2020

Journapalm 336

Elle a baissé la tête, et ses lèvres ont dessiné une ligne qui ressemblait à une minuscule retraite de Russie. 
« Je n’ai jamais digéré le maquereau » a-t-elle simplement déclaré, d’une voix monocorde. 
Et l’instant d’après elle a ouvert la bouche et elle a craché un jet de vase saumâtre sur la soutane du prêtre.

vendredi 10 juillet 2020

Journapalm 335

Sur cette route qu’aucune carte ne mentionne, il roule depuis si longtemps qu’il a oublié son propre nom. Pas de papiers d’identité sur lui, il a déjà vérifié plusieurs fois… Lorsque le témoin d’essence s’allume sur le tableau de bord, il y a toujours une station-service qui apparait dans les cinq kilomètres qui suivent, c’est imparable. Dans la mallette sur le siège avant, des liasses de dollars en coupures de cent. Il ne sait pas où il l’a récupérée, ni comment. Il continue de rouler en pensant que peut être, au bout de la route, il obtiendra des réponses…

jeudi 9 juillet 2020

Journapalm 334

Alexandre confondait les syllabes aux sonorités proches lorsqu’il nommait les gens. Il aimait raconter des blagues mais se trompait régulièrement en le faisant, dévoilant la chute avant la fin. Le jour du grand holocauste nucléaire qui ravagea la planète, il fut le seul survivant. Il estima que lui incombait la responsabilité de raconter l’histoire de la catastrophe pour d’éventuels visiteurs galactiques découvrant plus tard la Terre. Il démarra ainsi : « Après la pandémie de 2020, la bombe explosa et Ronald Crump, président des USA se fâcha avec Casimir Routine, grand maître russe ».

mercredi 8 juillet 2020

Journapalm 333

Il est venu au monde les paupières jointes. Longtemps on a pensé qu’il était aveugle et on l’a traité comme tel. Chaque soir sa mère lui lisait les œuvres de Kafka dont il raffolait. Jusqu’au jour où un médecin fantasque rencontré au Jardin d’Acclimatation certifia à la mère que son fils verrait parfaitement bien après une opération mineure qu’il savait pratiquer. On conduisit l’enfant chez le patricien qui réalisa d’habiles incisions lui donnant la vue. Quand on lui demanda ce qu’il souhaitait voir, l’enfant répondit : « l’Amérique ! Et puis le Château ! »

mardi 7 juillet 2020

L'extrait du... 7 juillet

"Expliquez-moi s'il vous plaît pour quelle raison il serait nécessaire de fabriquer artificiellement des Spinoza quand il est donné à n'importe quelle bonne femme d'en enfanter à n'importe quel moment ? ... L'humanité se charge de ça toute seule, docteur, et au cours de son évolution, crée régulièrement tous les ans, à côté d'un amoncellement de nullités de toutes sortes, des dizaines d'éminents génies, fleurons du globe terrestre."

Mikhaïl Boulgakov 
(LDP-trad.Vladimir Volkoff

Journapalm 332

Une voisine de palier pareille, ça ne se rencontre pas tous les jours. Il lui avait prêté un livre de Brautigan dans l’espoir de la sauter. Et comme elle ne lui a jamais rendu ce bouquin, il lui a offert un violon. Ce n’était certes pas un très bon violon, payé dix euros sur le marché aux puces près du boulevard de Clichy. Mais sa voisine de palier a essayé d’en jouer pendant des semaines, chaque soir et chaque matin. Il ne pouvait pas faire autrement que de la tuer : elle n’avait même pas lu Brautigan !

lundi 6 juillet 2020

Journapalm 331

N’ayant plus de budget pour construire une piscine, le propriétaire de l’hôtel a fait installer un immense aquarium dans le jardin. Le maître d’hôtel a pour instruction d’y précipiter les mauvais payeurs. 
Grâce à l’efficacité de trois piranhas nourris avec parcimonie, l’aquarium remplace aisément un écran géant diffusant les programmes de cent cinquante chaines..

dimanche 5 juillet 2020

Journapalm 330

On a perdu sa trace un vendredi. Quelques jours plus tard, lorsque les secours ont cessé les recherches, sa mère a déclaré que ça lui ressemblait bien ça, de disparaitre juste avant le week-end. Même si un aventurier, ça n’est jamais vraiment en week-end. 
De retour en France, ils ont organisé des funérailles sans corps, ni tête. Sans mort. Quelqu’un a dit que ça serait bien de jouer le Supplique de Brassens. On conservera donc un faux souvenir de lui posé sur un pédalo au sommet d’une dune de sable en Mauritanie.

samedi 4 juillet 2020

L'extrait du... 4 juillet

"Être seul, ne serait-ce que quelques minutes, et le comprendre de tout son être, est une bénédiction que nous songeons rarement à invoquer. L’homme des grandes villes rêve de la vie à la campagne comme d’un refuge contre tout ce qui le harcèle et lui rend la vie intolérable. Ce dont il n’a pas conscience, c’est qu’il peut être plus seul dans une ville de dix millions d’habitants que dans une petite communauté. L’expérience de la solitude conduit à une réalisation spirituelle. L’homme qui fuit la vie, pour être à même de faire cette expérience, risque bien de s’apercevoir à ses dépens, surtout s’il amène dans ses bagages tous les désirs que la ville entretient, qu’il n’a réussi qu’à trouver l’isolement. « La solitude est faite pour les bêtes sauvages ou pour les dieux », a dit quelqu’un. Et il y a du vrai là-dedans."

Henry Miller - Big Sur et les Oranges de Jérôme Bosch 
(Buchet Chastel-trad.Roger Giroux

Journapalm 329

Sur l’arche à l’aplomb de la crique, la vieille femme vêtue de noir marche dans un ciel mauve. Ses oripeaux claquent dans le vent du large et enroulent son corps étriqué dans un oriflamme évoquant de lointaines campagnes corsaires. Ma foulée se densifie sur le chemin accidenté, composé de pierres irrégulières et de saignées profondes.  
Parvenue à l’extrémité du chemin de ronde, celle-ci étend ses bras : ses habits de plumes sombres luisent dans la lumière du soir. Et il me semble entendre un croassement quand elle se jette dans le vide.

vendredi 3 juillet 2020

Journapalm 328

Dès sa naissance, le vicomte fut affligé d’une disgracieuse déformation de l’occiput que, sous l’influence de sa mère, il prit l’habitude de dissimuler des regards sous une casquette gavroche qui lui donnait, selon les dires de sa génitrice attendrie, des airs d’éternel romantique. Cet artifice chapelier le prémunit de cruelles moqueries de la part des autres enfants. 
Aussi personne ne s’explique pourquoi à l’âge de quinze ans, le vicomte assassina sa mère en la décapitant du tranchant d’une épée de duelliste appartenant à la famille depuis deux siècles.

jeudi 2 juillet 2020

Journapalm 327

Quand la fureur du monde s’est étiolée, quand les bruits des machines se sont tus, quand le vacarme des moteurs s’est éteint, quand les conversations ont cessé… Alors les chiens ont dressé les oreilles et leurs museaux ont humé l’air soudain chargé de silence et de mystère. 
Tout d’abord suspicieux, ils ont effectué des rondes de repérage puis ils ont commencé à coloniser le monde. Et le temps de l’insouciance est revenu.

mercredi 1 juillet 2020

L'extrait du... 1er juillet

   
"Tu sais quoi ? J'ai toujours eu envie de voir la mer. Quand on était dans l'Iowa, on avait une voiture, une Plymouth Volare, un tas de merde tout cabossé, tu vois, et avec mes sœurs on était assises à l'arrière ,et on disait: Ma mère voit la mer et la mer voit ma mère. Et mon père nous disait" On va à la mer". Mais on tombait toujours en panne d'essence, alors il donnait des coups de pied dans ce tas de merde cabossé et il nous disait d'attendre une minute. Il s'en allait chercher de l'essence - il avait un bidon vide dans le coffre -, mais il s'arrêtait dans un bar et c'est comme ça que ça se terminait."

Colum McCann - Les saisons de la nuit 
(10/18-trad.Marie-Claude Peugeot) 

Journapalm 326

Lorsqu’il sortit de la salle de cinéma, Robert aperçut un couple d’hippopotames traverser l’avenue de l’Hippodrome en utilisant les passages piétons. 
Les hippopotames s'insérèrent dans la file d’attente du guichet, juste derrière deux hipsters barbus et achetèrent deux tickets pour la projection de « L'étrange créature du lac noir ». C’était bien la première fois que Robert voyait des mammifères cétartiodactyles s’équiper de lunettes 3D.