lundi 31 mai 2021

Journapalm 659

Cet oiseau bleu est venu se poser sur la rambarde de la fenêtre matin après matin, sans jamais manquer un jour à l’appel. Il ne l’a pas remarqué tout de suite, trop concentré sur les moignons à la place de ses jambes, son attention vampirisée par l’extrémité de son corps soudain si près de sa tête. Et puis un matin il l’a aperçu lorsque les infirmières l’aidaient à sortir de son lit pour le poser sur son fauteuil roulant : un oiseau bleu qui effectuait quelques pas sur ses pattes toutes graciles, de l’autre côté de la fenêtre.

dimanche 30 mai 2021

Journapalm 658

Elle n’a pas eu besoin d’allumer la television ou la radio. Depuis leur rencontre, un lien invisible et puissant les rattachait l’un à l’autre, quelque chose d’étrange et de rassurant à la fois, qu’aucun d’entre eux ne savait expliquer. Lorsque sa voiture a quitté la piste pour se fracasser dans le mur du circuit, elle a levé les yeux. Son regard a erré sur les falaises de granite de l’autre coté de la baie vitrée, comme si elle les regardait pour la première fois. Elle avait déjà tout deviné, à deux mille kilomètres du désastre.

samedi 29 mai 2021

Journapalm 657

Il ne serait venu à l’idée de personne de chercher un trésor dans le grenier poussiéreux d’une maison isolée de la campagne bourguignonne, et encore moins s'agissant d'un enfant de onze ans. C’est pourtant ce qui lui est arrive, un miracle comme il en servient peu et qui a marqué le début de ses ennuis avec les forces tutélaires d’une ancienne civilization aux corps visqueux et couverts de tentacules.

vendredi 28 mai 2021

Journapalm 656

Ivre d’ennui et de désolation, une tribu primitive ayant vécu au XXème siècle a planté des véhicules (thermiques à cette époque) dans un désert du Bloc A (alors dénommé Texas). Contrairement à ce que les historiens du XXIIIème siècle ont longtemps envisagé, on sait maintenant qu’il ne s’agissait pas de monuments à caractère religieux, mais d’une façon avec laquelle les oisifs et les improductifs occupaient leurs journées et qu’ils appelaient « art contemporain ».

jeudi 27 mai 2021

Journapalm 655

Assise sur le siège passager de la Dodge au long capot bleu électrique, elle attend dans l’obscurité de minuit vingt. Les lumières accrochées à l’abri en plastique au-dessus d’elle dansent dans le vent qui souffle depuis les montagnes toutes proches. Elle fumerait bien pour tromper son ennui mais les pompes à essence sont là, elle se souvient enfant, d’une explosion dans un film, à cause d’un fumeur… Et puis il ne va plus tarder, pisser, payer le plein, ça ne prend pas si longtemps… Elle ne sait pas qu’il existe une porte à l’arrière de la station-service.

mercredi 26 mai 2021

Journapalm 654

Dans le ciel de Saint-Denis, des souvenirs épars d’étés ensoleillés viennent crever la surface du quotidien au milieu des cumulus gris : des poches azurées qui hésitent sur la teneur du bleu à adopter, ainsi que des bataillons de poissons aux arêtes apparentes qui surnagent en rond, insensibles aux klaxons qui retentissent dans la banlieue. Demain peut-être y aura-t-il une porte de sortie entre les tags des murs à l’espoir codé.

mardi 25 mai 2021

Journapalm 653

Inadapté au labeur dans les bois comme au travail dans les bureaux, l’homme-enfant se laissa peu à peu glisser le long de la canalisation de la salle de bains de son existence. Il y rencontra des araignées et des scolopendres avec lesquels il noua des liens étroits dans l’atmosphère humide de son appartement dont les tapisseries décollées baillaient au-dessus du vide, comme autant de défis à la gravité sèche. Il sortait rarement, restant le plus souvent prostré sur son parquet, la porte de salle de bains ouverte pour converser mentalement avec le goutte à goutte permanent du robinet rouillé.

lundi 24 mai 2021

Journapalm 652

C’est là, sur un terrain défoncé rempli de carcasses d’automobiles rouillées, de pneus et de planches en bois, que les enfants du quartier viennent s’amuser. Leurs jambes fluettes nues sous des shorts trop grands, ils se poursuivent dans la poussière ou alors ils tapent dans un ballon, simulant un jeu qui leur fait oublier la guerre un moment, à moins qu’ils ne répètent la manœuvre d’une bataille à venir sous les regards hantés de grands frères à peine sortis de l’adolescence mais déjà armés de fusils mitrailleurs.

dimanche 23 mai 2021

Journapalm 651

Descendant de Navajo, bâtisseur d’église, alcoolique notoire et coureur de jupons patenté, Hulkenson s’inventait depuis peu un arbre généalogique lorgnant du côté viking de la planète. Contre un virement de quelques centaines de dollars il reçut par courrier électronique un dossier de plus de cinquante pages décrivant dans le détail son pedigree imaginaire établi à partir des cinquante réponses fournies à autant de questions sur un site web agrémenté de certificats d’authenticité et de copies de diplômes en recherche généalogique aussi bidons que son ascendance viking. Gonflé de fierté, Hulkenson put alors vanter ses origines scandinaves à son entourage impressionné.

samedi 22 mai 2021

Journapalm 650

Dans un champ de rien, terrain vague de pas grand-chose, adossés aux contreforts du Vercors, nous nous allongeons pour assister au dernier hiver du monde : celui que plus aucun livre d’histoire ne relatera. Côté occident, le soleil couchant est un disque incandescent qui hésite entre plusieurs nuances fauves tandis qu’au-dessus de nos têtes, les missiles sol-sol tracent un quadrillage lumineux qui me rappelle le schéma d’un moteur à quatre temps qu’au siècle dernier un ami passablement éméché avait dessiné avec force détails sur la nappe en papier d’une trattoria de Rimini, au milieu des rires d’une joyeuse assemblée.

vendredi 21 mai 2021

Dix mois rangés dans un placard

Pour la première fois depuis 2016 et « Brûler à Black Rock » je viens d’interrompre l’écriture d’un roman. Compte tenu de l’investissement déjà produit (un premier jet de 350 pages, une seconde version de 570 000 signes, et l’écriture d’un tiers de la troisième version) il ne s’agit pas d’une décision facile. Pourtant en prenant un peu de recul, je me rends compte que deux ou trois ans en arrière, j’aurais certainement continué et que j’aurais proposé ce livre en auto publication. 


Je ne me fais pas d’illusion sur la qualité de mes écrits, si ces bouquins étaient bons, ça se saurait et je serais le premier à m’en rendre compte. L’auto publication n’a jamais été une solution choisie pour diffuser mes histoires mais un mécanisme que j’ai décidé de mettre en place pour me forcer à retravailler mes textes avant de les proposer aux lecteurs de mon entourage. Un pacte de politesse pour ainsi dire. Et cela a fonctionné puisque tous les livres diffusés depuis 2016 ont été retravaillés et j’estime qu’ils sont à peu près corrects. C’est exactement la même démarche qui aujourd’hui me fait stopper l’écriture de « Rognons » : la conviction que la qualité n’y est pas, que ce n’est pas bon et ceci même après trois versions, les retours utiles de plusieurs béta lecteurs et dix mois de travail. 

Dans ce livre qui reprenait certains codes du polar, je me suis trouvé en échec à cause de mes insuffisances d’auteur. Le polar est un genre très particulier et je n’ai pas trouvé le bon tempo, les bons personnages pour encadrer le personnage principal, les conversations sonnaient faux…

Et plus que tout je ne prenais pas de plaisir après la troisième écriture du livre, malgré l’introduction de nouvelles intrigues et de nouveaux personnages. Je ne dis pas que je ne le reprendrai pas un jour, alors ce livre est en pause. Certaines carences sont apparues dans mon esprit et si cela ne va pas me faire cesser d’écrire pour autant, je vais certainement me diriger vers des histoires moins codées et plus ouvertes, profitant de la liberté totale de l’auto publication pour essayer de nouvelles approches. J’ai plusieurs idées en tête depuis un moment, mes carnets de notes ne cessent de se remplir depuis des années mais je dois encore creuser certains détails et les personnages de ce qui va sûrement être la prochaine histoire. 

Journapalm 649

Ils cartographient le monde à l’aide de multiples objectifs, de boitiers numériques, de filtres à lumière et de systèmes retardateurs. Et pour ne manquer aucun détail du monde, ils rétribuent les photographes amateurs qui complètent le travail de fourmi de leurs voitures autonomes. Un seul geste de la main et derrière l’écran, le globe devient une balle de golf dont chaque dépression est couverte de milliers de clichés. Plus un seul endroit où se cacher, plus une seule zone libre : plus rien n’échappe aux yeux de la mouche géante de Silicon Valley et nous trouvons cela fascinant.

jeudi 20 mai 2021

Journapalm 648

Elle aurait pu vivre n’importe où, choisir un lieu d’adoption sous une latitude ou une autre, au soleil dans un pays chaud, bien pourvu en infrastructures médicales où les impôts auraient été correctement utilisés pour le bien de la société, ou alors dans un pays vierge de toute industrialisation sauvage, un coin provisoirement préservé de l’industrialisation à outrance, indemne des bruits des machines et de ces excès en tous genre que génère la concentration humaine. Mais elle a choisi Vladivostok au seul motif qu’elle trouvait le nom fascinant.

mercredi 19 mai 2021

Journapalm 647

Impassibles sur le quai de la gare, les usagers attendent le train de 7h17. Celui-ci s’immobilise dans un chuintement pneumatique à 7h19. Tandis que les usagers montent dans les wagons en silence, les haut-parleurs diffusent un message d’excuse du responsable d’exploitation de la ligne. Au pays du soleil levant, deux minutes constituent un retard important et l’aveu d’un échec professionnel... Quelle tournure aurait pris l’humanité si ce peuple avait remporté la guerre du Pacifique ?

mardi 18 mai 2021

Journapalm 646

Depuis qu’il était enfant, il rêvait de marcher sur un fil tendu entre le Grand Canyon et la falaise d’Étretat. Maintenant qu’il était adulte, il savait que cela s’avérait impossible mais il voulait essayer quand même, pour ne pas partir sur un échec. Les plus optimistes lui assuraient qu’il ne pourrait jamais traverser l’océan malgré les pylônes plantés tous les cinquante mètres. Ils se trompèrent. N'ayant jamais pratiqué l'exercice, il chuta moins de deux mètres après son départ.

lundi 17 mai 2021

Journapalm 645

Ce cliché publicitaire est le même depuis plus de dix ans. On y voit un groupe d’amies qui rit aux facéties d’un enfant qui tire la langue devant l’objectif. Le message du groupe industriel est le suivant : en utilisant nos produits, vous passerez du bon temps avec vos proches.
Dix ans après cette photo, l’enfant qui tire la langue est en prison pour un double homicide particulièrement sanglant commis à l’âge de dix-sept ans dans une rue de Portland. On ignore s’il tire la langue aux matons derrière les barreaux de sa cellule.

dimanche 16 mai 2021

Journapalm 644

Ils ont marqué son corps de multiples traces, creusé des sillons sur ses flancs à vif, les lames de plusieurs couteaux affûtés ont pénétré ses chairs des heures durant, meurtrissant ses tissus.
En de multiples occasions il s'est retenu de mourir comme on se retient de vomir. Parfois il perdait connaissance mais ses bourreaux le ranimaient toujours.
Et puis les robes de bure entourant son lit de douleur se sont dispersées et son calvaire a pris fin comme la pluie de mars s’interrompait.

samedi 15 mai 2021

Journapalm 643

Abandonnés par les divinités en charge de la météorologie, ils s’en allèrent dans le froid et les bourrasques de pluie affronter la route de l’exil. Après trois semaines de progression laborieuse, ils décrochèrent enfin leur récompense : une bande de plage noire de mazout envahie par les déchets radioactifs de trois générations.

vendredi 14 mai 2021

Journapalm 642

Les voltiges routinières ne lui suffisaient plus, sa vie prenait un goût de déjà-vu un peu trop marqué. 
Quand on lui a proposé de changer de sexe au motif que « c’est tendance » il a toutefois refusé, préférant même sauter d’un avion en vol, sans parachute ni préservatif.

jeudi 13 mai 2021

Journapalm 641

Ils s’appelaient Prost, comme le pilote de formule 1, mais ils détestaient les sports mécaniques. Leur truc c’était la littérature qui prend son temps, les descriptions à leur aise sans se préoccuper du nombre de pages que cela nécessite. Aussi le prénommèrent-ils Marcel et lui lurent-ils les plus grandes œuvres. Leur petit Marcel Prost se montra un enfant attentif et sage qui, comble de joie, démontra ses aptitudes en rédaction. Mais à l’âge de dix-huit ans, il entra dans un gang d’assassins qui, comble de malheur, adorait la littérature décadente.

mercredi 12 mai 2021

Journapalm 640

Les indignés proclamés demandent justice, ils l’ont même écrit sur des panneaux à l’aide de feutres indélébiles made in China. Soufflant dans des sifflets à roulettes stridents, ils entonnent des chants militants et crient des slogans de cours de récréation. Les militaires en bleu les regardent défiler, leurs râteliers prêts à mordre à la moindre incartade. Nous pourrions être à Zanzibar ou à Vladivostok, à Pézenas ou à Sète, cela n’y changerait rien, demain tous ces révolutionnaires de boudoir retourneront trimer sur leurs machines à explosion lente.

mardi 11 mai 2021

Journapalm 639

Ils partirent par ces chemins blancs creusés à flanc de montagne, comme des saignées poussiéreuses dans le sein de la baleine ; sur les traces de quelques légendes iliennes évanouies entre les pages d’un livre mythique que plus personne ne lit, n’emportant avec eux qu’un peu d’eau et de viande séchée. Personne ne les revit et les générations suivantes racontent que les nuits sans lune, ils hantent les vallons qui dominent les criques égéennes quand le vent d’Orient souffle son haleine chaude et rocailleuse.

lundi 10 mai 2021

Journapalm 638

Son rêve d’Amérique s’interrompit à l’extrémité ouest de la route 66, à un feu rouge de Santa Monica, vers deux heures du matin. Il ressentit une vive douleur dans la poitrine et il s’effondra sur le volant. Son pied glissa de la pédale de frein et la Cadillac franchit le feu rouge, traversa Washington Avenue au ralenti pour finir sa course contre une poubelle. Quand les secours arrivèrent, il était trop tard. On releva la poubelle, on remorqua la Cadillac et voilà. Six mois plus tard un retraité racheta la voiture ; il habitait Washington Avenue.

dimanche 9 mai 2021

Journapalm 637

Une guirlande de points lumineux dans le ciel de la Tanzanie, pas de quoi gêner la traque nocturne du grand éléphant blanc. La Remington fermement tenue dans les mains, le pape de la Silicon Valley s’achète un frisson interdit au milieu de vingt guides locaux auxquels il a graissé la main. Quand il aperçoit la cohorte des satellites au-dessus d’eux, il se retourne pour leur dire que ce sont les siens, que tout cela lui appartient et son visage se teinte d’une gravité superficielle comme celle qu’arborent les enfants dans ces jeux où ils imitent le monde des adultes.

samedi 8 mai 2021

Journapalm 636

Les riverains n’aiment pas le voir trainer autour de chez eux, ce grand type claudicant avec ses chaussures montantes. Il marche de rues en rues, appareil photo en bandoulière, et lorsqu’il s’arrête de marcher, c’est pour prendre un cliché de quoi ? De leur toit, de leur bagnole et d’une multitude de détails insignifiants de leur vie comme un tuyau d’arrosage ou un sac d’engrais dans le jardin, un morceau de trottoir, une anfractuosité de la route… Et cela fait maintenant deux heures qu’il photographie des corbeaux qui picorent des insectes morts sur des poubelles rouillées.

vendredi 7 mai 2021

Journapalm 635

Pendant que le monde se confine, à Voronok, dans l’oblast de Bryansk, à l’extrême occident de la Russie, un homme est allongé sur le bord d’une route, à proximité d’un taudis en taule ondulé, sa jambe droite écrasée par le cadre de son vélo, la gauche coincée entre le guidon et la roue. Est-il mort des conséquences de sa chute, ou bien juste assommé, à moins qu’il ne soit simplement confit dans les vapeurs de vodka ? Le conducteur de l’unique voiture circulant ici se déporte sur la gauche pour éviter le corps puis il continue sa route, imperturbable.

jeudi 6 mai 2021

Journapalm 634

Un immeuble de deux étages dont il ne reste que les piliers de soutènement et la structure, vitres brisées aux rideaux entortillées battant au vent ; le long d’une route qui ne serpente plus pour personne en direction d’une montagne d’un vert qui console. Certains clichés le remuent plus que d’autres, sans qu’il ne comprenne pourquoi au juste : il y a des tsunamis dont on se remet plus vite que d’autres.

mercredi 5 mai 2021

Journapalm 633

Petite chose ramassée sur elle-même, le visage figé dans une crispation de martyre moyenâgeux, le corps fébrile jusqu’à la tentation de l’effondrement à chaque saute de vent, l’homme qui fut jadis empereur d’un monde aujourd’hui englouti se soumet aux entrailles de la machine blanche qui va le maintenir en vie quelques semaines. Son regard est pareil à celui d’une enfant qui découvre sa nouvelle école le jour de la rentrée des classes, mais le maître a remplacé sa règle par une faux, sa blouse par une capuche de jute qui dissimule un crâne spongieux aux orbites boueuses.

mardi 4 mai 2021

Journapalm 632

Levé avant le reste du monde, sa tête encore ensommeillée, il se dirige jusque sur son balcon. Un mètre carré en surplomb du monde, comme une couronne sur une dent cariée. Il bénéficie de tout ce temps libre, de cette parenthèse de temps vide qu’il peut occuper à sa guise avant que ne débutent les articles lénifiants du contrat de ses jours. Mais il ne fait rien, rien d’autre que simplement rester là, sur son minuscule balcon, à fumer une cigarette, puis une autre, à observer le ciel rempli d’étoiles et les rues vides.

lundi 3 mai 2021

Journapalm 631

Dans un chatoiement d’étoiles et de poussières brillantes, il a disparu devant un parterre de chats de gouttières figés de surprise. Ensuite le ciel de l’Utah a craqué avec un écho sinistre et les garçons vachers de la ferme du double éperon se sont regardés en haussant les épaules. Le rat le plus gros de l’histoire moderne est alors apparu devant les bovins affolés qui se sont mis à courir sous le ciel de l’Utah, le plus vaste ciel des cinquante états. Et les garçons vachers ont cravaché leurs chevaux pour les récupérer.

dimanche 2 mai 2021

Journapalm 630

La route s’amenuise puis se transforme en piste, rétrécit et devient une sente trop étroite pour la voiture, obligeant les passagers à continuer à pied. Le septuagénaire qui a marché sur tous les sentiers du monde prend l’initiative et imprime un bon rythme. Derrière lui, les plus jeunes râlent et se plaignent de la chaleur tropicale, des piqures d’insecte et de leur inconfort grandissant. Mais devant, le guide verse dans l’obsession : ce ne sont pas les squelettes humains disséminés sous ses pieds qui vont le convaincre d’opérer un sage retrait. C’est en général ici que les spectateurs s’endorment.

samedi 1 mai 2021

Journapalm 629

Malgré les particules de vent accrochées à ses semelles, l’enfant atteint de progéria progresse péniblement au cœur d’un paysage désolé. Il ne peut pas déployer ses fines jambes et souffle à chaque pas, attendant d’en avoir accompli cinq pour s’accorder une pause, appuyé sur sa canne. Parvenu au sommet d’une colline d’herbes sèches après de longs efforts, il s’immobilise à l’ombre d’un pin parasol et observe l’apocalypse grandissante à l’horizon. Après quelques instants il reprend néanmoins sa pénible avancée vers l’inconnu.