Après de longues recherches et de multiples essais, après des nuits d’insomnie et des journées sans voir la lumière du jour, enfin, elle y était parvenue. La toute première police de caractères douée de vie. Mais parce qu’elle la baptisa Napoléon, la police de caractères devint impériale et se mit à étrangler, estourbir et décapiter toutes les autres polices dotées d’un peu moins de caractère. Des polices qui ne disaient pas leurs noms et qui moururent de froid tandis que l’auteur racontait la retraite de Russie.
Elle était sûre de l’avoir déjà vu quelque part, mais où ? Elle y pense, y pense encore au bureau, dans le métro, elle y pense dans les rayons du supermarché puis dans l’ascenseur pour remonter à son appartement. Là, elle entre et tombe nez à nez avec son mari qui sort des toilettes.
Ah mais voilà, s’écrie t-elle, c’est donc toi ce type que j’étais déjà sûre d’avoir déjà vu quelque part !
Son chien aboie plus fort que le tien.
Sa femme crie plus aigüe que la tienne.
Son fils rentre plus tard que le tien.
Sa voiture pétarade plus que la tienne.
Son job paye mieux que le tien.
Sa maison vaut davantage que la tienne.
Mais sa mort ne vaudra jamais la tienne,
penses-tu, extatique, en fignolant
les dernières connexions électriques
de la bombe artisanale que tu assembles.
Il l’a repérée dans une salle de cinéma, juste avant l’obscurité, il a cherché son ombre à chaque flash de lumière, il s’est rué dans la foule sitôt le générique de fin .
Dehors, il a fait le pied de grue pour la repérer mais elle n’est jamais réapparue, disparue entre la salle de projection et les projections d’eau des voitures filant sur l’avenue.
Il est rentré chez lui, bouleversé par cette histoire d’amour qui n’a duré qu’une heure trente : sa plus courte histoire mais celle dont il se souviendrait le plus longtemps.
New York sur Moselle ressemble à une ville troglodyte bâtie sur les ruines d’un empire galactique. Les rues y sont propres, merci les ventilateurs atmosphériques installés en sous-sol. Les détritus ne restent pas trente secondes au sol, aussitôt soufflés et récupérés par des machines complexes qui fonctionnent en permanence.
Même les dealers de crack ont les ongles propres et tiennent la porte aux personnes âgées. Le détail qui t’a fait comprendre que tout cela n’était qu’un rêve.
Les écureuils traversaient la rue d’un côté à l’autre, lancés comme des éclairs, de la frénésie plein les yeux. Les flammes progressaient depuis le haut de la montagne et les sapins se transformaient en torches les uns après les autres.
La vieille femme sortit de sa maison en hurlant, les cheveux défaits et le visage en accident de la route. Des crapauds, cria t-elle, des foutus crapauds gros comme des soucoupes à café ! Aussitôt, elle fut pulvérisée. Dissimulés dans les fougères, les martiens rirent beaucoup.
La femme se renfrogna puis haussa les épaules, façon de dire après moi le déluge. Mais deux heures après son départ éclata un orage biblique et la rivière en contrebas monta de sept mètres en trente minutes. La nuit fut meurtrière et plus de soixante personnes périrent, emportés par les flots. Depuis, un avis de recherche a été lancé pour retrouver la femme à la mine renfrognée.
Elle fait du stop depuis cinquante minutes. Il s’agit d’une route très passante, elle a vingt-cinq ans, un corps de rêve, mais elle ne veut pas que ce soit une excuse. Aussi, chaque fois qu’une voiture s’arrête, elle pose une devinette très compliquée au conducteur : s’il échoue, elle refuse de monter. Manque de chance, Antoine Clapier - que l’on soupçonne d’être le boucher du Var responsable de la mort de six jeunes filles cet été - vient de s’arrêter à son niveau. Doté d’un QI record, aucune devinette au monde ne lui résiste.
Le fou emprunte chaque matin la route qui grimpe vers le Puy-de-dôme, été comme hiver, son gilet à carreaux boutonné et son tablier blanc immaculé. Lorsqu’il parvient au sommet, il sort de la poche de son gilet une paire de castagnettes et commence à jouer un air andalou. Alors, plus bas dans la vallée, un âne promis au boucher et à l’ouïe fine se rêve en étalon à la robe sombre que chevaucherait un hidalgo masqué.
Pour avoir mangé un cochon de deux ans qui possédait sa carte du Parti Cochonesque, il fut excommunié et envoyé dans un goulag à mille kilomètres de Vladivostok.
Condamné à casser des cailloux trente ans durant, il devint le favori de l’épouse du directeur du goulag. Celle-ci aimait plus que tout le contraindre à se mettre à quatre pattes, nu, puis à imiter les cris du cochon que l’on égorge.