jeudi 31 décembre 2020

Bilan lecture, écriture et course à pied 2020

31 des cendres de mille vin, un bilan : 

Course à pied : l’acte 1 du confinement m’aura permis de reprendre une routine d’entrainement quotidien avec pour la première fois depuis des années des sorties régulières chaque jour pendant trois mois d’avril à juin en retrouvant l’envie et le plaisir de courir. La deuxième partie de l’année aura été marquée par des problèmes de santé qui m’ont empêché de courir et je n’ai repris qu’en décembre avec de bonnes sensations malgré un surpoids qu’il va falloir éliminer. Au final, avec 2059 km, cette année aura été ma plus prolifique après deux années de dégringolade continue au kilométrage famélique. En 2021 l’objectif sera de continuer la reprise et de retrouver un entrainement régulier en recherchant la constance à défaut de performance. 

Lecture : 106 livres lus ou relus cette année, avec la découverte de quelques auteurs enthousiasmants : Raymond Carver, Audur Ava Ólafsdóttir, Franck Bouysse, Chris Offutt ainsi que des bouquins excellents : Le marin rejeté par la mer (Yukio Mishima), 4321 (Paul Auster), Moby Dick (Melville), Lumière d’août (Faulkner) et des relectures toujours aussi bonnes (Jim Harrison, Paul Auster, Jack London, Timothy Findley, Lovecraft, Cormac McCarthy) et des lectures intrigantes qui ont valu le détour (1984 d’Eric Plamondon, Le théâtre des opérations de Maurice Dantec, Heptaméron avec Chardonnay de Gérard Oberlé, Marcher droit tourner en rond d’Emmanuel Venet, Un prosateur à New York de Goran Tunstrom, La générosité de la sirène de Denis Johnson)

Ecriture : un roman terminé lors de l’acte 1 du confinement et publié au printemps : « Richard, vu de dos » , plusieurs nouvelles écrites au début de l’été puis un nouveau roman commencé depuis fin juillet (deux versions écrites) en plus de la publication quotidienne d’un Journapalm de bord sur ce blog. Année faste mais qui m'a surtout permis de constater que je ne travaille pas assez mes manuscrits. Le roman démarré depuis fin juillet sera donc "
entièrement" réécrit une troisième fois après avoir mis le doigt sur des défauts de structure et de narration. Au boulot donc, avec l'objectif de publier une version la plus aboutie possible en 2021.

Journapalm 508

Elle voulait disparaître depuis longtemps mais ne trouvait jamais le moment adéquat. Toujours une obligation à honorer, un rendez-vous, une réunion ou une conférence importante. Souffrant d’autre part du mal très répandu de l’égocentrisme, elle souhaitait disparaitre d’une façon remarquable et qui fasse causer.
Aussi le 31 décembre elle quitta son domicile à 20 heures mais ne se présenta jamais à la soirée prévue de longue date. Elle disparut aux dernières heures de l’année, comme si 2020 l’avait avalée avec la dernière feuille du calendrier.

mercredi 30 décembre 2020

Journapalm 507

Dans cette voiture égarée depuis plus de trente ans, sur la place pavée d’un mausolée reconverti en musée ; avec à l’intérieur deux mannequins figés dans une éternité molle, à hauteur d’homme, les pieds dans les ronces et la tête sous la pluie.
Il s’en souvient bien à présent, c’est là qu’il a perdu son innocence, juste à l’aplomb de cette coquille de noix renversée et des statues ventripotentes de guerriers antiques. Il y pense encore en se disant que ça aurait pu être pire.

mardi 29 décembre 2020

Journapalm 506

Cette année pour Noël elle souhaitait un cadeau qui sorte vraiment de l’ordinaire, « quelque chose dont on se souvienne » a-t-elle ajouté les yeux remplis de feux follets. 
Lui, il a cherché un moment, parce qu’il le fallait et parce que c’est ce qu’il savait faire le mieux, chercher. Mais cette fois-ci, en prime, il a trouvé ! Un cadeau que l’on ne croise pas à tous les coins de sapins. 
Fier et impatient de le lui offrir, il est rentré chez lui avec un cachalot dans son verre à dent.

lundi 28 décembre 2020

Journapalm 505

L’indésirable s’est introduit par le globe oculaire, utilisant celui-ci comme le sas d’un vaisseau spatial. Ce méfait lui a été facilité par ses huit pattes terminées par des griffes acérées aux caractéristiques encore mal connues. Une fois à l’intérieur, il n’a eu qu’à utiliser le canal hyaloïde comme un toboggan et gicler dans le nerf optique.
Le sujet a alors aperçu des araignées partout autour de lui, le plus étrange étant que toutes portaient des masques de présidents morts. D’après les témoins, l’aranéide entré par effraction portait le masque de François Mitterrand.

dimanche 27 décembre 2020

Journapalm 504

L’attaque du train Honfleur Deauville s’est produite au cœur d’un printemps 1888 jusque-là plutôt calme sur la côte normande. Bracelets, bagues, montres à gousset, bijoux divers et bien sûr argent liquide pour un montant que la compagnie des rails n’a pas souhaité divulguer ont été dérobés aux voyageurs comme aux membres du personnel. D’après les premiers éléments de l’enquête, les scélérats qui opéraient à quatre se seraient enfuis à cheval sitôt leur méfait accompli. Selon toute vraisemblance il s’agirait du gang du tristement célèbre Arthur Rimbaud, autrement connu sous le sobriquet de Arth le dingue.

samedi 26 décembre 2020

Journapalm 503

La conjonction entre Saturne et Jupiter a fait un flop terrible du fait de la couverture nuageuse. Pire encore, on n’a aperçu aucun prédicateur fou déambuler dans les rues de la ville en s’arrachant les cheveux pour annoncer l’apocalypse. En revanche on a vu des gueules d’enterrement parler de l’impact du Brexit sur les quotas de pêche ou de l’introduction d’un nouveau type de vaccin qui va permettre au monde de continuer à tourner carré. Car c’est sûr, une fois encore la science va tout résoudre alors les petits cochons peuvent danser, le loup ne les mangera pas.

vendredi 25 décembre 2020

Journapalm 502

Depuis qu’il a perdu un œil lors d’une battue au sanglier dans les Ardennes, Thomas C. ne voit plus les couleurs de son unique œil valide. Il promène son globe oculaire autour de son crâne comme une loupe d’horloger et inspecte son environnement en dégradés de gris.
Ne distinguant plus les nuances de son drapeau national, il s’est déclaré apatride et va par le monde vendre ses services de chasseur de sanglier au plus offrant. Aux dernières nouvelles il se trouverait en Sibérie ou à défaut de phacochères il s’adapterait bien à la monotonie blanche de la toundra.

jeudi 24 décembre 2020

Journapalm 501

Le général indépendantiste a été exécuté en place publique ce 24 Décembre à 8h00 du matin. Les chefs d’accusation retenus lors de son procès ont été les suivants : apologie d’actes de terrorisme, sécession, insurrection, hostilité contre la patrie, bande armée, propagation de fausses nouvelles, atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État.
Au moment d’être passé par les armes, le général sécessionniste se serait exclamé : « j’ai toujours détesté la dinde ! » Les agents de la cellule anti-terroriste essayent maintenant de décoder ce message.

mercredi 23 décembre 2020

Journapalm 500

Un homme a été retrouvé mort dans les toilettes d’un camping du nord-est de l’Australie, le sexe arraché. D’après un témoin, le coupable serait un dingo affamé qui rôde souvent dans les parages pour croquer les geckos qui pullulent à cet endroit. Le chien sauvage d’autant plus curieux qu’il avait le ventre vide aurait confondu le pénis de l’homme en train d’uriner avec un gecko.

mardi 22 décembre 2020

Journapalm 499

Elle s’est tournée de son côté du lit puis elle a réglé le réveil sur 0900. Je lui ai demandé ce que ça voulait dire au juste 0900 et puis, n'était-ce pas trop tard 09h00 ? Mais elle n’a pas répondu, elle a juste secoué la tête en poussant un soupir d’impatience.
Le déclic m’a réveillé. J’ai à peine eu le temps d’ouvrir les yeux, de sentir l’odeur du gaz puis le lit s’est embrasé de hautes flammes remplies de fureur à 900 degrés. J’imagine que je suis mort assez vite, après ça.

lundi 21 décembre 2020

Journapalm 498

Les autres wagons ont disparu, emportés par un maelstrom dont le ciel porte encore les stigmates dans son haut-de-forme. Il ne reste qu’un seul compartiment, posé en équilibre sur des rails inexistants. Des herbes hautes et sauvages ont poussé à l’intérieur de ses joues et dépassent des vitres brisées, à la recherche de lumière. Tout autour du wagon, comme pour en garder l’accès, une mer de crânes humains dessine une grève pâle et infranchissable.

dimanche 20 décembre 2020

Journapalm 497

John Dillinger n’aurait pas porté un masque pour un autre motif qu’un braquage. Et s’il avait trouvé les portes du Biograph Theater fermées pour cause de pandémie, nul doute qu’il les aurait enfoncées pour projeter lui-même le film qu’il souhaitait voir. Certains disent que c’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit ce jour de juillet 1934 et que les fédéraux l’ont descendu pour non-respect du confinement. Ou bien tout cela s’est passé dans ce livre intitulé 1934 que quelqu’un écrira en 2024.

samedi 19 décembre 2020

L'extrait du... 19 Décembre

un truc vraiment horrible,
c’est
de se retrouver au lit
nuit après nuit
avec une femme que l’on n’a plus
envie de baiser.

elles vieillissent, elles ne ressemblent plus
à rien -elles ont même tendance à
ronfler, à perdre
leur entrain.

alors, dans le lit, il arrive qu’en se retournant,
vos pieds touchent parfois les siens –
bon sang, c’est affreux !-
et la nuit est là dehors
derrière les rideaux
qui vous enferme ensemble 
dans la 
tombe.

et le matin vous allez dans la
salle de bains, passez dans le couloir, parlez,
tenez des propos bizarres sur des œufs frits et des moteurs
à démarrer.

mais assis face à face
il y a 2 étrangers
fourrant des toasts dans leurs bouches
brûlant leurs têtes et leurs tripes douloureuses avec du 
café.

dans 10 millions de foyers en Amérique
c’est la même chose :
deux vies desséchées s’appuyant l’une sur
l’autre
et nulle part où 
aller.

vous montez dans la voiture
vous vous rendez au boulot
et là-bas il y a encore plus d’étrangers, la plupart
maris et femmes de quelqu’un
d’autre, et à côté de la guillotine du travail, ils
flirtent et plaisantent et se pincent, et parfois même
réussissent à aller baiser en vitesse quelque part-
ils ne peuvent pas le faire chez eux-
puis ils
retournent chez eux
en attendant Noël ou la fête du travail ou
dimanche ou
quelque chose.

Charles Bukowski - Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines 

Journapalm 496

Il a quitté la ville comme on devient adulte, sans même s’en rendre compte. Quand il s’est retourné, un blizzard séculaire s’était levé et avait effacé les lumières rassurantes de son passé. « Alors bon, voilà autre chose ! » 
Devant lui se dressait une forêt luxuriante qui agitait ses cheveux dans le ciel. Ignorant par quel sentier la rejoindre, il décida de couper à travers champs : affronter les taureaux caractériels lui paraissait plus souhaitable que suivre les pistes tranquilles longeant l’orée des bois.

vendredi 18 décembre 2020

Journapalm 495

Le brouillard enveloppe la route dans un torchon poisseux à l’intérieur duquel des bouts de viande innervés s’agitent encore. 
Quarante-huit véhicules enchevêtrés, ce sont des centaines de portes pliées et de corps exsangues aux chairs meurtries qui se confondent avec des bouts de carrosserie et de moteur. L’homme et la machine hachés dans une symbiose parfaite. 
Après le tumulte de l’accident majuscule, le silence a étreint ce bout de terre. Et l’attente a commencé son numéro de ventriloque, alternant cris de douleur et hurlements de peur au fond de bouches aveugles.

jeudi 17 décembre 2020

Journapalm 494

Il apprit la lecture avec Jack London et la première fois qu’il vit de la neige ce fut dans les pages de "L’appel de la forêt". 
Plus tard il devint importateur de sirop d’érable et l’hiver il s’habillait avec d’amples chemises à carreaux rouges et noirs. 
Jusqu’à ce qu’un matin en emmenant son fils à l’école, il aperçut un caribou broutant la haie de son pavillon, en plein quartier résidentiel des Yvelines.

mercredi 16 décembre 2020

Journapalm 493

Fatigué de devoir se lever chaque matin pour se rendre à l’école, Marcelin Popeye dressa un singe pour le représenter sur les bancs de l’instruction. Le maître d’école accueillit ce nouvel élève avec bonhommie, lui qui s’adressait plus souvent à des ânes qu’à des singes. Au terme de l’année scolaire, Marcelin Popeye déménagea et changea d’école buissonnière. Quant au maître d’école, se découvrant un talent pour la ménagerie, il s’enfuit avec un cirque itinérant pour lequel il devint dresseur d’animaux récalcitrants.

mardi 15 décembre 2020

Journapalm 492

Aux crépuscules paresseux, longeant les courbes d’une route bosselée, nos yeux crépitèrent sur un passage à niveaux. Là, dans l’interrogation d’une nuit surfant les limbes, nous aperçûmes une silhouette bosselée et grandiloquente que nos esprits reconnurent comme un cheval. 
Le canasson d’ébène trépignait contre la clôture, son encolure ouverte en deux. Sûrement hennissait-il mais ce bruit se perdit dans l’obscurité tandis que de ses yeux crevés s’échappaient des milliers de papillons au vol laborieux, la faute à leurs ailes trempées de sang.

lundi 14 décembre 2020

Journapalm 491

Le nuage lenticulaire formait une pastille grise qui stationnait au-dessus du village et qui en épousait parfaitement les limites. Pour trouver le soleil, on devait marcher jusqu’aux panneaux de signalisation indiquant que l’on quittait le village puis avancer de trois pas pour sortir de l’ombre du nuage. La technique ne fonctionnait toutefois pas en voiture car alors, le nuage grossissait et suivait les mouvements du véhicule, repoussant toujours plus loin l’apparition du soleil. Certains prétendirent que le nuage lenticulaire symbolisait la conscience écologique, ce à quoi d’autres répondirent en s’esclaffant, provoquant des bagarres qui restèrent dans l’ombre.

dimanche 13 décembre 2020

Journapalm 490

Le permafrost acheva de fondre entièrement un dimanche après-midi. Certains y virent un symbole biblique mais la plupart ne s’en préoccupèrent guère. Manque de chance, l’évènement se produisit le premier dimanche des soldes. Et ceux qui auraient pu s’en émouvoir ont suivi le mouvement : quatre-vingt pour cent de réduction sur la vodka ça aide à relativiser l’autodestruction globalisée.

samedi 12 décembre 2020

Journapalm 489

Elle a refermé en hâte la fenêtre de la chambre puis elle s’est tournée vers lui, le visage blême, le regard pâle comme un cabillaud tiré du congélateur. 
- C’est pas du tout ce que tu crois ! a t-elle soufflé. 
- Pourtant ça m’en a tout l’air, lui a répondu son mari. 
Trois étages plus bas, l’homme nu gisait dans la rue, crâne fracassé devant les passants médusés. Depuis le perron de l’immeuble, la concierge secoua la tête. 
- Ben ça fait vingt-deux !

vendredi 11 décembre 2020

Journapalm 488

Si elle sortait de l’ordinaire et flattait les participants, la partie de cache-cache organisée pour les cadres d’une entreprise dans les ruines d’un château du XIIIème siècle ne constituait pas un modèle de prudence. Mais lorsque les services RH de l’entreprise le comprirent, trois managers et deux commerciaux agonisaient déjà, empalés sur des pieux vieux de sept siècles. 

jeudi 10 décembre 2020

Journapalm 487

Après avoir passé la soirée devant une vulgarisation d’astrophysique tout en piochant dans une boite de caramels pour calmer sa peur du vide, Emilien sortit de chez lui encore endormi au petit matin. Levant la tête pour tenter de percer l’épaisse masse de brouillard collée aux immeubles, il ne regarda pas ses pieds et tomba soudain dans un trou de ver.

mercredi 9 décembre 2020

Journapalm 486

Le son fut à peine perceptible, léger et bref, pas même un craquement. Il la troubla comme il troubla la symphonie des silences majoritaires et des petits bruits du quotidien. Elle se pencha et aperçut un coin de l’enveloppe coincée derrière le meuble. Elle tira dessus mais rien ne vint. Lorsqu’elle tira plus fort, l’enveloppe bougea un peu. Elle bloqua sa respiration et tira de toutes ses forces. Alors l’enveloppe se déchira et des milliers de poussières brillantes s’éparpillèrent sur le sol puis disparurent à travers les interstices du plancher. L’instant d’après, la maison s’écroula.

mardi 8 décembre 2020

Journapalm 485

Désireux fuir la masse concentrationnaire de l’homme citadin mais ne souhaitant pas renoncer à son petit confort, il trouva refuge sur une île habitée du Nord-Ouest de l’Écosse baignée par le Gulf Stream et jouissant d’un golf à dix-huit trous situé à flanc de colline. Malgré la qualité des greens, la pureté de l’environnement et l’observation de la nidification des macareux, il ne tarda néanmoins pas à s’ennuyer ferme. Il entama pour se distraire la plus brève carrière de tueur en série de l’histoire, la faute à un malencontreux accident en nettoyant son fusil.

lundi 7 décembre 2020

Journapalm 484

Il s’est présenté au bureau d’un pas anormalement hésitant, le regard accroché à ses semelles puis a levé la tête, les yeux absents et murmuré « j’ai perdu ma mère ». Les autres m’ont adressé des regards abasourdis : sa mère sexagénaire jouissait d’une grande forme physique et débordait d'énergie en permanence. 
Ce n’est que le soir, après plusieurs questions hésitantes auxquelles il répondit d’une voix faible que nous comprimes que sa mère n’avait point trépassé mais qu’il l’avait tout simplement égaré.

dimanche 6 décembre 2020

Journapalm 483

Au fond des rues, sous un porche mal éclairé et humide, dans un quartier grotesque et abandonné de la ville, il a retrouvé son chien débité en lamelles, entre deux énormes miches de pain de campagne. Passés la surprise et le choc, il aurait pu accepter cette triste fin mais n’appréciant que le pain blanc, il se décida à faire payer cette faute de goût aux vendeurs à la sauvette ayant transformé son chien en sandwich.

samedi 5 décembre 2020

Journapalm 482

Après avoir capturé un bout de ciel plus clément que les autres, l’empereur l’enveloppa dans un morceau d’étoffe qu’il noua à l’aide des entrailles de son fidèle lieutenant tombé au combat. De retour de sa longue campagne de conquêtes, acclamé par son peuple, l’empereur décréta qu’il s’agirait là des nouvelles couleurs de la nation et dès le lendemain les entrailles azuréennes flottèrent sur le sommet du plus haut mat de la cité impériale.

vendredi 4 décembre 2020

Journapalm 481

Ils lui ont apporté un dépliant plastifié posé sur un plateau. Ils ont pensé qu’à défaut de dernier repas, il aimerait consulter une dernière fois les horaires de la ligne omnibus Mulhouse Colmar. Après avoir conduit ce train pendant vingt cinq ans, ils ont pensé que ça lui ferait plaisir de se replonger dans des souvenirs à quatre chiffres. Son préféré restait celui de 12h20, celui de la pause déjeuner… Vingt ans à permettre à des gens de rentrer manger chez eux et ne pas avoir droit au repas du condamné...

jeudi 3 décembre 2020

Journapalm 480

Dans un monde bis, Van Gogh sitôt qu’il se serait coupé l’oreille aurait recouvré la raison. La nature exacte de ses troubles psychiques resterait floue mais leur origine clairement localisée dans son oreille gauche. Ce serait un miracle de Noël constaté par le docteur Rey ou par un succédané de l’interne de l’hôpital d’Arles. Alors rétabli et sain d’esprit, Van Gogh aurait délaissé la peinture pour devenir psychiatre d’un genre nouveau, soignant ses patients en leur tranchant l’oreille gauche et laissant son nom à la postérité pour sa technique révolutionnaire de la psychoreillette.

mercredi 2 décembre 2020

Journapalm 479

Dans une chambre froide, pendu entre des saucisses fraîches et un quartier de viande rose avec, posée juste au-dessus, sur l’étagère, une tête de cochon persillée. 
« Il disait que c’était le seul endroit qui lui paraissait acceptable pour en finir. » 
L’inspecteur hocha la tête en regardant la femme de ménage puis écrivit acceptable sur son carnet à spirales, tirant la langue pour faire entrer le mot sur une ligne : il détestait couper les mots. Qu’un amour ancillaire se termine tragiquement, passe encore, mais qu’il dût se montrer peu soigneux, pas question !

mardi 1 décembre 2020

Journapalm 478

En lisant ce livre de Mishima, tu repenses à ce voisin imaginaire qui piégeait des chats errants puis qui les attachait à un pommier dans son jardin aux herbes hautes infestées de tiques. 
En lisant ce chapitre au cours duquel les enfants arrachent le cœur du chaton, tu te demandes si ce voisin inventé aurait attrapé la maladie de Lyme et s’il pourrait en mourir. Un tel homme aimant boire son café le matin en contemplant des chats morts pendus à son pommier serait-il de nature à utiliser des antibiotiques pour se soigner ? Mishima te le dira peut-être.

lundi 30 novembre 2020

Journapalm 477

Sur la piste aux étoiles aujourd’hui pour le plus grand bonheur des petits et des grands, le caméléon ventriloque, le lion cycliste, l’ours jongleur se succèderont devant vous dans des tours tous plus incroyables les uns que les autres. La boutique à confiserie restera ouverte durant l’intégralité du spectacle pour régaler vos papilles et durant l’entracte le président de la république en personne viendra au centre de la piste vous interpréter un morceau de claquettes. Et maintenant applaudissez !

dimanche 29 novembre 2020

Journapalm 476

C’est une voie ferrée borgne et édentée qui court sur deux cent soixante kilomètres : une paille dans l’œil du cartographe pressé. Elle enjambe une rivière qui serpente entre les monts séparant deux départements et les voies de circulation plus modernes l’ont oubliée. N’y circule plus qu’un vieux train pour seconder le travail des bœufs qui charrient le bois d’un hameau à l’autre. Comme à l’abri du reste du monde, les indigènes se gardent bien d’ébruiter l’affaire, craignant la furie des tour-opérateurs et les téléphones brandis au bout de perches.

samedi 28 novembre 2020

Journapalm 475

Fatigué de jouer l’homme serpillère en semaine, il occupait ses dimanches à marcher sur le sentiers rocailleux d’un Sud andalou plus sec qu’une vieille éponge tombée derrière un meuble. Marchant des heures à la rage du soleil, la peau autour de son cœur se tannait en même temps qu’elle s’opacifiait. Là pour quelques heures, sur les pistes poussiéreuses, il pensait tenir en main son destin avant de rentrer chez lui et de préparer sa maigre sacoche pour le lendemain, les doigts tremblants.

vendredi 27 novembre 2020

Journapalm 474

Lorsque les eucalyptus auront tous brûlé il faudra bien que les koalas se décident à se prendre par la main et à se trouver un vrai boulot. En Australie je ne sais pas mais chez nous il n’y a pas d’eucalyptus mais il parait qu’il suffit de traverser la rue pour en trouver, du boulot.

jeudi 26 novembre 2020

Journapalm 473

L’avocat fume sa cigarette dans la salle des pas perdus, plongé dans ses réflexions sur l’affaire en cours : sauver sa cliente de la prison ne va pas être une tâche facile. Qu’elle ait dérobé un régime de bananes, certes, qu’elle les ait placées au congélateur, passe encore… Mais pourquoi diable a-t-il fallu qu’elle y fourre encore vivants les singes capucins fournis avec les bananes ?

mercredi 25 novembre 2020

Journapalm 472

Au sortir de l’église, le boucher de Saint Philippin vit fondre sur lui une grue au cou distendu en provenance d’un improbable pays indemne de toute dépression automnale. Malgré l’évidente imminence du choc, l’oiseau planait en toute quiétude, fendant l’air d’un auguste vol dénué de tout mouvement parasite. L’observant converger vers son crâne, l’homme pieux fut soudain frappé par une sorte d’épiphanie volatile lui intimant l’ordre d’abandonner la boucherie pour se consacrer à l’élevage d’animaux ovipares de la classe des vertébrés tétrapodes. Mais le bec de la grue se planta dans son front, tuant là l'homme et ses projets.

mardi 24 novembre 2020

Journapalm 471

Rétif à toute idée d’organisation du temps au prétexte qu’il était un fox terrier, Brutus monta les marches du palais de justice de Lyon en ignorant que la date du jour était le 15 mars. Depuis qu’un accident pétrochimique avait empoisonné trois cent mille habitants de l’agglomération, la ville se retrouvait livrée aux bêtes. Brutus lui-même, poussé par la faim découvrait depuis peu la prédation intraguilde et à ce titre il se rua sur son propre père assis sur les marches et le dévora en conservant toutefois un port altier, comme le dictait son ascendance anglaise.

lundi 23 novembre 2020

Journapalm 470

On lui demanda de se présenter à l’arrêt de bus, place de la République à 9h15. Elle ignorait de quelle ligne de bus il s’agissait et toute la nuit elle retourna la question dans son lit, matérialisant l’endroit, se relevant pour imprimer le plan de circulation et l’étudier, sélectionnant les six lignes de bus putatives et cherchant laquelle correspondrait le mieux à celle qu’utiliseraient des ravisseurs. Il s’agissait d’un exercice difficile pour quelqu’un qui n’avait jamais rien ravi à personne. Alors elle laissa la chance décider pour elle et jeta un dé avant de se rendormir.

dimanche 22 novembre 2020

Journapalm 469

C’est un bord de rivière qui pourrait en être un autre, un bout d’affluent de quelque chose dans une campagne où le soleil obéit aux injonctions des poètes. Certains viennent potron-minet pour en capturer un morceau et le mettre dans une boite pour plus tard, comme ces restes de repas que l’on met dans une boite au restaurant pour emmener chez soi. Et les chevaux morts qui jonchent le chemin de halage, qui va les ramener chez eux ?

samedi 21 novembre 2020

Journapalm 468

En séchant, la peinture a dessiné sur la table du jardin une croix maladroite ni vraiment rouge ni tout à fait jaune. Le vieil indien paralysé qui n’observe plus le monde qu’à un mètre vingt de hauteur considère le renflement coloré puis appuie sur ses roues pour s’en approcher avant de tourner autour en ahanant dans une langue obscure. Et lorsque les premières gouttes de pluie s’abattent dans le jardin, inondant la table, il se met à rire comme la première fois.

vendredi 20 novembre 2020

Journapalm 467

Elle comprenait en les apercevant qu’elle ne saurait jamais les noms des arbres. Il en poussait pourtant autour de son enfance en Charente, tout autour d’elle encore et à tout moment, des tordus et des ventrus, des faméliques et des opulents, des caduques et des persistants. Mais elle vivait comme les autres, entre une rocade et une station de train, le cerveau prisonnier de l’oppression publicitaire sur les murs de briques. Alors, les noms des arbres… Elle y penserait peut-être à l’ombre d’une pierre tombale sous un cyprès.

jeudi 19 novembre 2020

Journapalm 466

Dehors les rideaux de pluie viennent frapper contre la vitre mais personne ne leur ouvre car personne ne comprend leur morse humide. 
On a remisé la Remington poussiéreuse sur une table de la véranda que l’on n’utilise pas, la faute à une infiltration d’eau qui chaque automne rend la table impraticable. 
Quelqu’un aurait pu penser à la déplacer mais la Remington ne crache plus, son clavier est édenté comme ce vieux chanteur de folk irlandais qui ne chante plus, alors autant la laisser là, comme un chien mécanique oublié sous la pluie.

mercredi 18 novembre 2020

Journapalm 465

Elle aurait aimé suivre ses amies après l’école pour se faire offrir un ballon en forme de cheval et pour manger une barbe à papa rose plus grosse que sa propre tête. Il aurait pu lui offrir l’usine qui fabriquait les ballons de baudruche ainsi que l’atelier où l’on assemblait les machines à barbes à papa. Mais il ne l’emmenait jamais à une fête foraine. Il répétait que les forains ne sont pas des gens fréquentables et elle ne comprenait pas pourquoi il disait cela.

mardi 17 novembre 2020

Journapalm 464

Agitation sonore au fond de l’autobus : une sauterelle joue les passagers clandestins et sème le chaos dans les jambes des enfants. Le chauffeur insomniaque et sourd entend « chanterelle » et démarre le véhicule en rêvant d’omelettes aux champignons. Trois cents mètres plus loin, la sauterelle a remonté l’allée centrale et saute sur ses genoux. Surpris, le chauffeur braque le volant, l’autobus défonce le parapet du pont et saute dans le vide.

lundi 16 novembre 2020

Journapalm 463

Habitués à se fuir les hommes ne se sont bientôt plus reconnus. Parfois on en apercevait un plus téméraire que les autres approcher un congénère, paupières tombantes et rictus de surprise sur le visage, tournant autour de l’individu, le reniflant comme s’il s’agissait d’un morceau de viande… jusqu’à refermer ses mâchoires sur ses flancs et lui arracher un lambeau de chair.

dimanche 15 novembre 2020

Journapalm 462

Le chant d’un oiseau le réveille, à moins que ce ne soit la brise du matin. Il ouvre les yeux et prend conscience de l’état de son corps douloureux, roulé en boule. Il se déplie lentement, se redresse doucement et pose les pieds sous le banc. 
Le temps passe.
Le soleil apparait au-dessus des immeubles de l’autre côté du fleuve, des voitures roulent dans la rue, des messieurs en costumes et des femmes en tailleurs se pressent au travail, des gens courent dans le parc, d’autres promènent leurs chiens. Mais lui, il ne va rien faire de tout cela.

samedi 14 novembre 2020

Journapalm 461

Elle arrive trempée devant la gare et reste encore quelques instants sous le violent orage pour s’assurer de bien lire le nom sur le panneau. Des gares, il y en a huit dans la ville, alors elle doit être sûre… Quand elle pénètre à l’intérieur de l’immense verrière, la chaleur humaine et les piaillements de la foule lui soulèvent le cœur. Derrière ses lunettes pleines d’eau et de buée, elle n'aperçoit que des silhouettes brumeuses et des dos sombres. Son fils est pourtant certainement ici mais une nouvelle fois, elle ne le trouvera pas.