vendredi 30 septembre 2016

Lecture : Hubert Selby JR - Waiting Period

Comme souvent, c'est une adaptation ciné qui a fait connaître le romancier à l'origine du bouquin. Le romancier c'est Hubert Selby JR. Le bouquin en question c'était "Last exit to brooklyn", écrit en 1964. Un ouvrage coup de poing qui a valu à son auteur célébrité et haine des ricains bien pensants.
Hubert Selby n'a pas énormément produit durant sa carrière : 7 romans en 38 ans dont le dernier écrit à 73 ans, deux ans avant sa mort. En 2002 est sorti "Waiting Period", ce dernier roman, une oeuvre dans la lignée de ses productions précédentes : désespérée et énergique. 
Le pitch de départ est décapant : le narrateur qui souhaite se suicider achète une arme mais le délai pour la recevoir le pousse à revoir ses plans. Son désespoir chronique se mue alors en une vengeance folle qui va le pousser à assassiner ceux qu'il désigne comme les oppresseurs. 

Ce roman est un long monologue qui décrit les pensées et les actions de ce narrateur rempli de haine et de bile noire, dans un style violent et toxique. L'écriture alterne les passages de phrases longues et structurées et les phrases très courtes séparées par des points de suspension qui évoquent le style de Céline. Soulignons par ailleurs la lumineuse traduction de Claro qui participe à l'ambiance poisseuse du récit. Le lecteur se sent mal à l'aise en même temps que l'auteur s'enfonce dans un malaise grouillant et atrabile. Peut-être que ce bouquin aurait gagné à être amputé de quelques redites pour être vraiment brillant mais qu'importe, on ne peut pas rester insensible à cette lecture dérangeante et brute de décoffrage qui dénonce les travers de notre société et la bêtise violente de l'homme. Une histoire comme un crochet à l'estomac, bien éloignée de la littérature française qui se regarde le nombril. 

jeudi 29 septembre 2016

Lecture : Didier Van Cauwelaert - L'évangile de Jimmy

Didier... Cloner le Christ, est-ce vraiment sérieux ? 
Il faut avouer que l'idée de base à ce roman est plutôt séduisante : à partir du suaire de Turin dont les plus acharnés défenseurs soutiennent qu'il servit à envelopper le corps du Christ, des scientifiques ont recueilli des échantillons d'ADN qu'ils ont ensuite utilisés pour cloner JC. Le clone donc, s'appelle Jimmy, il a 32 ans (forcément...), occupe ses journées à réparer des piscines dans le Connecticut et ne sait rien de son origine. 

Là, j'avoue, c'est excitant et c'est d'ailleurs sur cet unique pitch que j'ai acheté ce bouquin (bon c'est vrai je l'ai payé cinquante centimes ce qui pour un grand format en excellent état ne m'exposait pas à un grand risque d'amertume sur du pognon foutu en l'air). Je n'avais non plus jamais lu de bouquin de Van Cauwelaert, auteur récompensé du Goncourt en 1994 qui lui a apporté un succès médiatique de premier plan. Bon c'est vrai, obtenir un prix n'est pas gage de qualité puisque nous avons tous des sensibilités différentes. Les auteurs que je préfère n'ont d'ailleurs jamais raflé les prix ni squatté les plateaux de télévision. 
Cette trop longue introduction étant faite, parlons un peu de ce bouquin de science-fiction. Ben oui, l'intelligentsia franchouillarde ne supporte pas la SF qu'elle placardise à grands coups d'opinions toutes faites, estimant qu'il s'agit de sous littérature mais il n'empêche que ce bouquin, c'est de la SF.

J'ai lu ici et là plusieurs critiques ponctuant leur avis sur ce bouquin en disant qu'il s'agissait du meilleur bouquin de Van Cauwelaert. Voilà qui ne m'incite pas à retenter ma chance tout de suite car autant le dire, je me suis plutôt emmerdé à la lecture de ces 400+ pages. C'est long comme un jour sans pain (béni bien sûr, mouarf ah ah!) c'est rempli de pages qui ne servent à rien, bourrées de redites, accumulation de paragraphes mous du bide. Le personnage principal est geignard et pleurnicheur au début du bouquin parce qu'il a perdu l'amour de sa vie, mais je n'ai ressenti aucune empathie pour lui. Et par la suite, il réagit de façon étrange, qui ne cadre pas du tout avec l'idée qu'on se fait de lui. Mais le pire reste à venir : les messages que l'auteur ne cesse de faire passer dès qu'il en a l'occasion sont lourds et pénibles. Parce que cette histoire là, elle aurait pu être déjantée et acerbe, acide et violente. Dans les mains d'un auteur dérangé juste ce qu'il faut, ça aurait pu donner un truc saignant à souhait. Mais Didier Van Cauwelaert nous parle de multiples sujets avec des morceaux de complots dedans, de la religion bien sûr, des secrets d'état, de la propagande électorale, des manipulations génétiques mais le ton qu'il adopte reste le cul entre deux chaises et n'atteint pas sa cible. Critique sociale du dimanche matin, étude sociologique qui ne dépasse pas le zinc du PMU du coin... Et puis il y a l'écriture... un style blanc et commun. Des phrases toutes faites, des scènes dépourvues d'originalité dans le fond comme dans la forme. Après 150 pages, je l'avoue, je suis passé en mode "lecture rapide".  Et lorsque j'ai refermé ce bouquin, j'ai ressenti un soulagement presque violent, et quasiment proportionnel à l'espoir que je nourrissais en l'ouvrant.

mercredi 28 septembre 2016

America forever

On a beau dire, on a beau faire... On a certes toutes les raisons de la haïr cette Amérique impérialiste et libérale à outrance, amnésique de tout et responsable de tant de guerres à la con... Mais quand même, les écrivains américains, c'est quelque chose! Hier soir, après avoir refermé les pénibles et interminables 400 et quelques pages de "L'évangile de Jimmy" de Didier Van Cauwelaert (petite chronique à venir bientôt) il m'a fallu un seul paragraphe de Hubert Selby JR pour frétiller comme une anguille. Je me suis plongé dans le dernier roman qu'il a écrit avant de mourir, "Waiting Period" avec une joie extatique et décomplexée. Comme son écriture en quelque sorte. Et bon sang, lire des lignes vivantes et furieuses, hantées et sans chichi, qu'est ce que ça fait du bien ! 


mardi 27 septembre 2016

Des chiffres en trompe l’œil ?

Lorsque nous nous confrontons à la lecture d'un article, quelle est cette présence intérieure qui débarque et, souvent, brouille le message que tentent de déchiffrer nos yeux ? 
Sur un article trouvé sur le site du SLF (syndicat de la librairie), je lis cet article sur la santé des ventes de livre en France. Après huit mois de vente en 2016, le constat semble réjouissant puisque le chiffre moyen des libraires progresse de 1,9% par rapport à 2015. Un instant cette chose à l'intérieur de ma tête me souffle que c'est une bonne nouvelle, que les gens qui vivent à l'intérieur de cette zone géographique communément appelée France ont enfin décidé d'éteindre leurs téléviseurs saturés de propagande libérale qui regorgent de publicités à la con pour se mettre à lire ! 
Sauf que l'article indique que l'été a été morose et que c'est en fait le changement des programmes scolaires qui a tiré le secteur vers le haut en renouvelant les livres scolaires dans les établissements. Et qu'à contrario, les budgets alloués aux bibliothèques ne cessent de baisser. Forcément, c'est le double effet : d'un côté la décérébration massive et la propagande à travers l'écran et d'un autre côté, surtout ne pas donner la possibilité aux gens de se cultiver ou d'apprendre par eux-mêmes en allant dans une bibliothèque. C'est pourtant là que les révolutions devraient toutes commencer. Rien ne libère plus qu'un livre. 
J'ai toutefois décidé de bâillonner mon pessimisme congénital et le cynisme qui accompagne mon irréfutable vieillissement en me satisfaisant de voir qu'en 2015 la librairie indépendante a progressé de 2,7%. Mouais... Triste constat pour un pays qui fut celui des lumières non ? Enfin, peut-être que ça aussi on va l'effacer des nouveaux manuels scolaires... 

lundi 26 septembre 2016

Lecture : William Saroyan - Papa tu es fou

Dans "Papa, tu es fou", William Saroyan nous donne deux leçons: 
- nul besoin d'écrire des pavés de 500 ou 600 pages pour être efficace. 
- aimez la vie car elle est absurde et il faut rire, aimer et écrire pour en profiter.
Avec 140 pages seulement, l'auteur américain d'origine arménienne nous embarque dans un récit tendre et émouvant, léger et passionné sur l'art de l'écriture ainsi que sur les rapports père-fils.

Le narrateur est garçon de 10 ans qui reçoit en cadeau de la part de son écrivain de père le dernier roman que celui-ci vient d'écrire. Mais pas seulement. Car un livre c'est bien davantage qu'un simple objet... 
« Je me suis levé de table et je me suis mis à danser la gigue : Papa a éclaté de rire, et j’aime l’entendre rire comme ça – comme un type qui écrit, qui a faim et qui est complètement fou. »

Le papa de ce roman est un rêveur, écrivain poète et désargenté qui aime la vie et l'écriture plus que tout. Il n'a de cesse au cours de ce roman que de transmettre ces passions à son fils. Passé maître dans l'art de sublimer chaque moment d'une vie somme toute modeste, ce papa est un prestidigitateur de l'instant. Dans une moindre mesure et sans la portée dramatique de la guerre, il me fait penser au personnage que joue Roberto Benigni dans son film "La vie est belle". Insouciance et jeu pour charmer son fils et l'emporter loin de tout quotidien.

Ecrit il y a bientôt 60 ans, ce roman n'a pas pris une ride et se lit avec une délectation doublé d'un sentiment d'apaisement. Pour tous ceux qui n'ont jamais lu Saroyan, voilà une excellente façon d'y remédier.

vendredi 23 septembre 2016

MANX : Journal de bord - Semaine 3

Cet article fait partie de la série "MANX: Journal de bord" qui se propose de suivre de façon hebdomadaire l'écriture de mon nouveau roman depuis les premières prises de notes jusqu'à l'impression du livre dans... plusieurs mois :)  Article précédent : Journal de bord (2)

Phase 3 - La conception (suite)
Au programme de la semaine qui vient de s'écouler, la suite (et fin) de cette ultime phase de la conception.

> étape 7 : Fiches détaillées de personnages

La théorie : Le principe est relativement simple : en travaillant sur des personnages de fiction qui sont donc inventés, il faut prendre garde à conserver la cohérence tout au long du récit. Si au début de l'histoire, on présente Robert comme un égoïste radin au corps malingre et maladif, il ne peut pas subitement devenir jovial, grassouillet et inviter des potes chez lui deux jours plus tard (ou bien par calcul mais c'est une autre histoire).

Mon avis : Là aussi il faut réussir à noter des choses qui semblent importantes mais ne pas figer un personnage dans un archétype. J'ai la conviction que les personnages auxquels nous pensons pendant la conception du roman vont évoluer et imposer d'eux-mêmes leurs caractères et leurs caractéristiques. Se donner de grandes lignes donc, mais ne pas se fermer de portes non plus, cette fiche ne doit donc pas être figée, elle restera à portée de main pendant l'écriture du premier jet et complétée dès qu'une nouvelle idée surgira. 

Mon outil : Il s'agit d'une fiche de 2 pages que j'ai définie il y a bientôt deux ans alors que je travaillais sur les personnages de mon roman précédent, "Brûler à Black Rock". 
Sur cette fiche je note tout ce qui va définir mon personnage, en classant par catégorie pour m'y retrouver : 
- Etat Civil : Date et lieu de naissance, Nationalité
- Physique : Aspect général, visage, corps, démarche, signes particuliers
- Caractère : Caractère général, forces, faiblesses, orientation sexuelle, politique, religieuse
- Psychologie : Habitudes, Tics, Intérêts, Langage
- Santé : Régime alimentaire, Sommeil, Alcool, Tabac, Traitement, Historique médical notable
- Quotidien : Profession, Habitation, Amis, Famille, Particularité
- Rôle dans l'histoire : Motivation, Besoin, Conflits, Situation initiale, Situation finale
- Biographie résumée depuis la naissance
Encore une fois, pas de règle dans le marbre, on fait comme on le sent du moment que l'on parvient à enfanter des personnages crédibles. Pour "MANX", cette semaine j'ai rédigé 7 fiches car j'ai 7 personnages qui vont jouer un rôle dans l'histoire. 

> étape 8 : Le plan
La théorie : C'est là que les choses se corsent et qu'il faut savoir jusqu'où on souhaite aller dans la préparation du roman. Le principe de cette étape, c'est de prendre son synopsis de 4 pages rédigé pendant l'étape 6 et de le découper en scènes indépendantes pour marquer la progression du récit en petits bouts indépendants (scènes, chapitres...)

Mon avis : Cette ultime étape avant l'écriture du premier jet est la plus compliquée mais c'est aussi la plus utile pour moi. Certains auteurs s'en passent et restent avec les grandes lignes de leur synopsis en tête. Ils aiment se surprendre pendant l'écriture et se laisser des portes ouvertes. Je pense que c'est la bonne attitude. Trop préparer, aller jusqu'à décrire ce qu'il se passe dans chaque scène présente le risque de ne plus prendre de plaisir pendant l'écriture. Néanmoins j'ai besoin de cette formalisation de l'enchainement des scènes pour savoir où je vais. Même si pendant l'écriture du premier jet je m'en éloignerai plus ou moins.
Cette semaine c'est sur cette partie que j'ai passé le plus de temps, plusieurs jours à supprimer des scènes, à me demander ce qu'il manquait, à en rajouter, à les modifier... 


Mon outil : J'ai formalisé sur un fichier excel 28 scènes qui me semblent importantes dans la progression des intrigues que je souhaite nouer dans "MANX". Pour chaque scène, le fichier excel contient plusieurs informations : 
- Numéro de la scène
- Point de vue de la scène (qui raconte?)
- Localisation géographique
- Période couverte (quand et combien de temps)
- Personnages impliqués
- Résumé de la scène (2 ou 3 lignes)
- Des notes sur ce que je veux faire passer (ton, anecdote, fil important pour l'intrigue X...)
- Suspense ou Conflit à maintenir pendant la scène (ça c'est nouveau, c'est pour combattre ma tendance à mettre des scènes qui ne font pas avancer le récit)

> Et maintenant ? 
Je ne suis pas encore tout à fait satisfait de ce plan. Néanmoins l'expérience de "Brûler à Black Rock" il y a un an et demi, pendant laquelle j'ai établi 18 versions successives du plan me pousse à relativiser. Je ne veux pas perdre trop de temps sur cette étape pour "MANX" et j'estime que la version 1 de ce plan est déjà plutôt intéressante. Suffisante en tous les cas pour passer à la phase d'écriture sans trop attendre. Je pense passer la semaine prochaine à finaliser ce plan, à en faire donc une version 2 plus aboutie en me focalisant sur les quelques personnages pour lesquels la situation finale n'est pas encore tout à fait satisfaisante à mon goût. MAIS je sais où je veux aller et les grandes étapes du récit qui vont m'y mener. Rien de pire que d'industrialiser un processus créatif, alors je veux me mettre à écrire rapidement. Cela va faire plus de 4 mois complets que je n'ai pas écrit, que je ne fais que corriger, réécrire "Brûler à Black Rock" et un recueil de textes courts que je publierai pour Noël. J'espère donc pouvoir me lancer dans l'écriture d'ici 2 semaines...

Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite !