New York sur Moselle ressemble à une ville troglodyte bâtie sur les ruines d’un empire galactique. Les rues y sont propres, merci les ventilateurs atmosphériques installés en sous-sol. Les détritus ne restent pas trente secondes au sol, aussitôt soufflés et récupérés par des machines complexes qui fonctionnent en permanence.
Même les dealers de crack ont les ongles propres et tiennent la porte aux personnes âgées. Le détail qui t’a fait comprendre que tout cela n’était qu’un rêve.
Les écureuils traversaient la rue d’un côté à l’autre, lancés comme des éclairs, de la frénésie plein les yeux. Les flammes progressaient depuis le haut de la montagne et les sapins se transformaient en torches les uns après les autres.
La vieille femme sortit de sa maison en hurlant, les cheveux défaits et le visage en accident de la route. Des crapauds, cria t-elle, des foutus crapauds gros comme des soucoupes à café ! Aussitôt, elle fut pulvérisée. Dissimulés dans les fougères, les martiens rirent beaucoup.
La femme se renfrogna puis haussa les épaules, façon de dire après moi le déluge. Mais deux heures après son départ éclata un orage biblique et la rivière en contrebas monta de sept mètres en trente minutes. La nuit fut meurtrière et plus de soixante personnes périrent, emportés par les flots. Depuis, un avis de recherche a été lancé pour retrouver la femme à la mine renfrognée.
Elle fait du stop depuis cinquante minutes. Il s’agit d’une route très passante, elle a vingt-cinq ans, un corps de rêve, mais elle ne veut pas que ce soit une excuse. Aussi, chaque fois qu’une voiture s’arrête, elle pose une devinette très compliquée au conducteur : s’il échoue, elle refuse de monter. Manque de chance, Antoine Clapier - que l’on soupçonne d’être le boucher du Var responsable de la mort de six jeunes filles cet été - vient de s’arrêter à son niveau. Doté d’un QI record, aucune devinette au monde ne lui résiste.
Le fou emprunte chaque matin la route qui grimpe vers le Puy-de-dôme, été comme hiver, son gilet à carreaux boutonné et son tablier blanc immaculé. Lorsqu’il parvient au sommet, il sort de la poche de son gilet une paire de castagnettes et commence à jouer un air andalou. Alors, plus bas dans la vallée, un âne promis au boucher et à l’ouïe fine se rêve en étalon à la robe sombre que chevaucherait un hidalgo masqué.
Pour avoir mangé un cochon de deux ans qui possédait sa carte du Parti Cochonesque, il fut excommunié et envoyé dans un goulag à mille kilomètres de Vladivostok.
Condamné à casser des cailloux trente ans durant, il devint le favori de l’épouse du directeur du goulag. Celle-ci aimait plus que tout le contraindre à se mettre à quatre pattes, nu, puis à imiter les cris du cochon que l’on égorge.
Crobolf est né différent, un soir d’orage véhément. Petit et rond, il est en outre flasque et affublé d’un teint cireux. L’été, sous l’action des fortes chaleurs, sa peau se décolle de son corps et se retourne sur elle-même avant de tomber au sol, comme l’écorce de certains érables.
La nuit, Crobolf dort deux heures et il est reposé de tout son soûl. Les autres enfants le conspuent et le moquent, on lui jette des pierres et les chiens s’en méfient.
Plus tard, Crobolf refroidira la Terre jusqu’à la recouvrir de glace. On le célèbrera en héros.
Madame Mamunia s’affirme, depuis vingt-cinq ans, comme la secrétaire attitre du quartier. C’est dans des registres grand format reliés d’une toile cartonnée de couleur qu’elle note tout ce qu’elle voit, jour après jour, depuis sa fenêtre.
Soucieuse de réaliser des économies, la municipalité a supprimé la vidéo surveillance et a installé une ligne directe avec l’appartement de madame Mamunia à chaque enquête dans le quartier.
Lorsque Goran V. reçut des mains du jury suédois le prix Nobel de littérature, personne ne fut vraiment surpris dans son entourage.
Depuis qu’enfant il s’était défendu d’un groupe d’élèves qui le harcelaient en leur crevant les yeux à l’aide de deux stylos, il paraissait évident que Goran ferait carrière dans le meurtre de masse ou dans l’écriture. Ce qui revenait un peu au même.
Ils mangeaient des pissenlits par la corolle, pour montrer qu’ils étaient bien vivants. Nous, on n’a rien à voir avec les morts, protestaient-ils, on n’est pas des personnages d’un bouquin de Richard Matheson.
En revanche, ils ne virent pas le vaisseau martien qui débarqua sans prévenir et dont les moteurs les carbonisèrent en un instant. À trop vouloir se sentir vivants, ils avaient oublié qu’ils étaient des personnages d’un bouquin de Fredric Brown.