jeudi 30 avril 2020

Journapalm 264

Dans une prison de haute sécurité californienne, un prisonnier condamné à perpétuité vient d’être hospitalisé pour de graves lésions à la tête survenues lors de sa promenade dans la minuscule cour aveugle. 
Le gardien est interrogé par le directeur de la prison : 
- Si tu ne l’as pas frappé, pourquoi son crâne pisse le sang ? 
- C’est à cause du Douanier Rousseau. 
- Quoi ? 
- Sur un mur j’ai peint une fausse porte ouverte sur une forêt remplie de plantes tropicales… 
- Quel rapport ? 
- C’est hyper réaliste…

mercredi 29 avril 2020

L'extrait du... 29 avril

"Deux jours après m’être suicidé, j’ai trouvé du boulot ici, dans une pizzeria qui fait partie d’une chaîne, le Kamikaze. Le responsable de garde était vraiment gentil avec moi, il m’a aidé à m’installer dans un appartement avec un associé, un Allemand qui lui aussi bosse dans cette succursale. Ce n’est pas un boulot passionnant, mais pour du temporaire c’est plutôt pas mal du tout, pour ce qui est de l’endroit, comment dire, quand on parlait d’une vie après la mort, s’il y en avait une ou non, etc., je ne savais pas trop qu’en penser. Et même quand je pensais qu’il y en avait une, j’imaginais des sons, comme un sonar, et des gens qui flottaient dans l’espace, alors qu’ici, comment dire, ça me fait plutôt penser à Allenby. Mon colocataire, l’Allemand, m’a dit que c’est exactement comme Francfort. À croire que Francfort aussi est un trou. Le soir, je me suis trouvé un pub plutôt sympa, le Mort Subite. Bonne musique. Peut-être pas tout à fait branchée, mais de la perspective, et beaucoup de filles qui viennent seules. Certaines, rien qu’à les voir avec leurs cicatrices aux articulations, on imagine comment elles ont fini, mais d’autres ont l’air superbe. Il y en a une, elle m’a fait de l’œil dès le premier soir, une fille vraiment bien, juste la peau un peu fripée, relâchée, elle a sans doute fini par noyade, mais un corps parfait, et les yeux aussi. Je ne l’ai pas draguée. Je me suis dit que c’était à cause d’Erga, que cette histoire de mort me faisait l’aimer encore plus, mais va savoir, c’est peut-être du refoulement."


Journapalm 263

Patientant à l’arrêt de bus d’une station dont il a oublié le nom, l’homme qui porte un chapeau mou est le seul à ne pas encoder ses yeux aux mirages d’un téléphone. Au contraire, le nez en l’air, il déchiffre le ciel d’octobre à la recherche d’un indice, d’une lueur, d’une fugace apparition. N’importe quoi pouvant justifier l’intolérable pesanteur qu’il éprouve en attendant le bus qui le conduira au bureau. Soudain son visage se décompose et le doigt tremblant tendu vers le ciel, il balbutie « Une soucoupe, regardez ! Une soucoupe ! »

mardi 28 avril 2020

L'extrait du... 28 avril

"Un Knudsen à jeun est considéré comme une version mutante du Knudsen imbibé ou du Knudsen abstinent, or il est souvent apparu, que chez les Knudsen , la frugalité est tout aussi problématique que l'alcoolisme. Nous n'en dirons pas plus sur la question.Contentons-nous toutefois d'ajouter qu'un Knudsen abstinent ne se comporte pas forcément mieux qu'un Knudsen aviné, puisque les Knudsen qui ne boivent pas sont souvent acariâtres et que, par conséquent, ils feraient mieux de picoler plutôt que d'être à ce point désagréables. Ils ressemblent alors à des volcans en phase pré-éruptive. Qui parfois explosent, d'ailleurs."

Journapalm 262

Le petit Louis n’a retiré les roulettes de son vélo que longtemps après tous ses copains d’école. Il n’a passé son permis de conduire que bien après tous ses amis de lycée. Et sa première voiture, il l’a eue des années après les autres. 
Il vivait toujours chez ses parents quand ses amis habitaient déjà seuls. Pour son premier boulot et sa première copine, même combat. 
Louis s’est enroulé contre un platane en revenant de l’usine. Le platane l'ignorait mais personne d’autre de son école n’était encore mort un vendredi matin.

lundi 27 avril 2020

Journapalm 261

Au pénitencier d’état d’Oklahoma, depuis soixante ans, les prisonniers bénéficient d’un jour de fête lors du traditionnel rodéo. Sous la surveillance affutée des miradors armés de calibre cinquante à lunettes, les détenus peuvent participer aux festivités. En pantalons rayés, bien calés sur le dos d’un taureau de sept cents kilos ou d’un bronco sauvage à la crinière de feu ils attendent le top départ. Ce qui suit n’a pas de prix : l’illusion d’une fuite qui dure quelques secondes sous les acclamations du public.

dimanche 26 avril 2020

Journapalm 260

Ayant grandi en Lozère, elle se sentait à l’étroit dans les villes aux périphériques surchargés et aux avenues bruyantes. Il fallait pourtant s’y résigner puisqu’à de rares exceptions près, l’économie du pays vibrait dans les cités. 
Après son école de journalisme, elle décrocha un emploi dans la rédaction d’un journal de Lille où elle se morfondit trois années durant. Jusqu’à trouver une mission intérimaire d’un mois pour accompagner le rédacteur d’un guide de voyages en Islande. Volcans, landes battues par le vent, plages de galets noirs, glaciers et fermes isolées : elle n’en revint jamais.

samedi 25 avril 2020

Journapalm 259


Il rêvait d’apprendre le japonais et de réaliser l’ascension du mont Fuji. Mais il fut muté à Charleroi. 
Sa maîtrise du dialecte wallon fut immédiat et ne satisfit guère ses envies de lointains exotiques. Pour essayer de se consoler, il gravit les terrils.

vendredi 24 avril 2020

Journapalm 258

Le guichetier de la banque a accepté un poste à quarante kilomètres de Lyon. Lui qui depuis l’enfance n’a connu que les avenues du troisième arrondissement et les magasins du centre-ville se retrouve confronté aux collines vertes du Beaujolais. 
Après quelques jours de mauvais sommeil à cause du silence, il se décide à aller courir un samedi matin baigné de soleil. Mais la multitude de chemins et de sentiers qui s’offre à lui le plonge dans une angoisse aigue dont il s’affranchit en se mettant à courir autour de sa maison pendant cinquante minutes, en pleurs.

jeudi 23 avril 2020

Journapalm 257

Après avoir maté la révolte dans l’œuf, le dictateur demanda à ce qu'on lui prépare une omelette. Se plaignant de son gout aigre à sa femme, celle-ci lui répondit sur un ton acide qu’il pouvait se préparer ses repas lui-même s’il n’était pas satisfait. 
Furieux, il la condamna à mort. Aussitôt, deux gardes entrèrent dans le salon et décapitèrent l’irrespectueuse. Alors le dictateur ajouta une coche sur son journal d’exécutions, affligé de ne pas atteindre encore la moitié du premier tome. S’il n’intensifiait pas la terreur, il ne deviendrait jamais célèbre.

mercredi 22 avril 2020

L'extrait du... 22 avril

Plus de dix ans après avoir lu plusieurs volumes des Carnets de Louis Calaferte, je me replonge dans ces pépites. Dans cette oeuvre intime, l'auteur voué aux gémonies du génial "Septentrion" livre un journal précis, rigoureux, un peu mélancolique aussi mais toujours passionnant à lire. 

Je lis en ce moment le  volume 5 "Miroir de Janus" qui couvre les années 1980 à 1981. On y lit en pointillés les angoisses et les intérêts d'un auteur injustement méconnu et honteusement délaissé par l'intelligentsia de la littérature française. 
Calaferte ne s'attache pas aux enjeux du quotidien, il vit pour son oeuvre et démontre dans ce journal une sensibilité et un esprit critique, désabusé par une vie dont il sent que la plupart des arcs lumineux lui filent entre les doigts. 
Je vous soumets un extrait de ces Carnets V, à la date du 11 octobre 1980, qui se pare d'un écho particulier en ces temps de procès #Meetoo et autres guerres de suprématies du genre.  

Journapalm 256

Un matin, Louis s’éveilla avec à la place du front un océan de rides. Ce n’était pas seulement quelques pliures dues à son âge mais un imbroglio de vagues froissées qu’il contemplait dans la glace. Terrorisé, il alla trouver son épouse dans le lit conjugal mais à la place de celle-ci, il ne restait qu’une fine couche de rochers volcaniques broyés. Alors Louis réalisa qu’il était peut-être temps d’interrompre ce projet voué à l’échec de production de whisky islandais.

mardi 21 avril 2020

Journapalm 255

La Mustang de Steve McQueen contre la Dodge Charger des tueurs dans la scène iconique du film Bullitt en 1968… Cinquante ans plus tard, des passionnés se réunissent chaque année pour célébrer le film, les voitures originales de la production font l’objet d’histoires légendaires et de ventes aux enchères. Ford a même commercialisé une version anniversaire de sa Mustang, la Bullitt. 
Pourtant en 1968 « Le gerndarme se marie » sortait sur les écrans français, film dans laquelle l’actrice principale conduisait une Mustang blanche. Mais curieusement cette voiture-là ne déchaîne pas les mêmes passions…

lundi 20 avril 2020

Journapalm 254

- Cet enfant a gâché toutes ses chances. 
- Vous exagérez ! 
- J’exagère ? Mais rendez-vous compte, grandir dans un manoir hanté à la fois par le fantôme de Lovecraft et celui de Tolkien… Et ne jamais avoir envie d’écrire ! 
- Que voulez-vous, c’est un cynique. Et puis on ne peut pas lui en vouloir tout à fait, son père était chroniqueur économiste sur une chaine de télévision appartenant au groupe Dassault. Comme dirait l’autre, ça vend pas du rêve. 
- C’est peut-être pour ça qu’il s’est mis à torturer des teckels, alors…

dimanche 19 avril 2020

Journapalm 253

Après avoir successivement perdu son travail, son épouse, ses enfants, sa maison et sa voiture, il s’en est allé sur la route, un vieux sac à dos en tissu élimé sur les épaules. 
S’asseyant sur un banc tâché par les pigeons, près de la gare, il pensa avec un peu de réconfort qu’il ne pouvait pas tomber plus bas. 
Maintenant, il pouvait commencer à écrire.

samedi 18 avril 2020

Journapalm 252

Depuis sa naissance, Florian reste prostré dans un univers alternatif, comme dans un ascenseur en permanence. Seules les corneilles semblent avoir un impact sur lui. Tout petit, il passait des heures debout sur une chaise derrière la fenêtre à les regarder aller et venir. 
Un nouveau voisin s’est installé, seul, maigre et renfrogné. Après quelques semaines il a commencé à piéger les corneilles du lotissement, les pendant dans ses arbres. Deux mois plus tard, on l’a retrouvé mort, énucléé . Florian n’avait jamais manifesté un caractère violent jusqu’à ce jour.

vendredi 17 avril 2020

Journapalm 251

Il est parti de Genève un mardi matin de juin. Le soleil était encore un peu timide mais on lui avait dit de ne plus penser à la météo. Après une semaine de marche sur le GR5, il ne s’est plus préoccupé du temps qu’il fait ni de celui qui passe. 
Il a marché cinq semaines sans croiser beaucoup d’êtres humains, seul dans les montagnes. Arrivé au-dessus de Menton, il était heureux de voir la mer, mais inquiet à l’idée de retrouver la civilisation, le béton, les voitures, les cris et les bruits. Alors il a fait demi-tour.

jeudi 16 avril 2020

Richard (presque) vu de dos

Voilà. Il est prêt, ou presque. Covid19 oblige, il va attendre maintenant quelques semaines que l'imprimeur soit en capacité de le produire et de l'expédier. 

"Richard, vu de dos" est le titre de ce nouveau roman que j'ai terminé ce mercredi 15 avril. Après trois premiers jets successifs dont deux inachevés, cinq phases de relecture / réécriture, les retours de quatre primo lecteurs qui ont pu lire une version intermédiaire (et que je remercie pour leurs précieux retours), ce projet prend fin. 
Je mettrai à disposition une version ePUB très prochainement et sûrement gratuite (comme le sont déjà tous mes autres livres).
Je diffuserai ici même le lien pour commander la version papier que je vais m'efforcer de vendre au prix le plus bas possible (sachant que ce roman plutôt court fait moins de 180 pages). 

Après huit mois et demi passés sur ce roman, je vais désormais pouvoir me consacrer à de nouveaux projets d'écriture et ils ne manquent pas ! 

Journapalm 250

Ralf était un berger malinois de huit ans. Le Dr Huurt l’avait eu après le cancer qui avait emporté son épouse. Ce jour-là, le ciel était dégagé sur Manhattan et comme tous les matins, le Dr Huurt s’était levé tôt pour sortir Ralf, une habitude depuis qu’il était retraité. 
Quand le Boeing s’est encastré dans la première tour, des débris ont explosé tout autour. Ralf a été écrasé par un bloc de béton. Il est mort sur le coup, ou presque. Au moment où son corps s’est décontracté, son sphincter s’est dilaté et il a chié sur le trottoir.

mercredi 15 avril 2020

Journapalm 249

Momo, Riton et Le Fran venaient juste de se faire signifier que leur interdiction de stade était levée. Après deux ans de purgatoire à devoir regarder leur équipe de football à la télévision, ils pouvaient retrouver l’ambiance du stade et chanter dans les bus affrétés par les associations de supporters lors des matches à l’extérieur. Mais avec la crise sanitaire, le championnat est annulé. Une saison blanche supplémentaire à endurer. Heureusement il y a le poker en ligne. Chacun joue chez soi mais avec les webcams ils trinquent ensemble et picolent en misant l’argent familial.

mardi 14 avril 2020

Journapalm 248

Ses parents l’ont appelée Pénélope. Femme intelligente et indépendante, elle est devenue une brillante chirurgienne doublée d’une mère attentionnée. Robert a été un époux espiègle, publiciste maladroit et amant laborieux. 
Depuis qu’ils sont retraités, il joue à la pétanque toute la journée avec ses amis sur l’esplanade. Pénélope l’attend, ses enfants sont grands et loin, elle souffre de l’inactivité de la retraite. Aussi a-t-elle décidé de faire honneur à son prénom légendaire. Ainsi chaque nuit elle rouvre les points de suture de l’opération de la prostate de Robert et le recoud tendrement à la lumière d’une bougie.

lundi 13 avril 2020

Journapalm 247

Il a choisi le dimanche de Pâques, il l’a coché sur son calendrier depuis des mois, peut-être davantage même. Sauf que pour l’année il n’était pas très sûr. Ça devait arriver un dimanche de Pâques et ça devait se passer en haut de l’Empire State Building. Les repérages successifs lui ont permis de savoir très exactement où et quand agir pour échapper aux vigiles. Dimanche de Pâques. Il se présente devant l’Empire State mais un flic bloque le passage.
- Fermé monsieur ! Vous savez pas que c’est la pandémie ?
- Mais alors, et mon suicide ?

dimanche 12 avril 2020

Journapalm 246

Lassée des remarques acides de son mari au sujet de son embonpoint et de son manque d’application dans les tâches ménagères, Marie décida d’agir. 
Après l’avoir forcé à avaler un flacon de soude caustique, elle regarda son époux se tordre de douleur sur le tapis du salon, cadeau de mariage de ses beaux-parents. 
Marie alluma une cigarette en le regardant convulser. 
- Je te rassure, tu peux salir le tapis, je vais le jeter de toute façon…

samedi 11 avril 2020

Journapalm 245

Pendant le tournage, l’ours se montrait incontrôlable. Désobéissant à son dresseur, il gâchait les scènes en bousculant les acteurs ou en faisant tomber des éléments du décor. On s’apprêtait à chercher un autre ours lorsqu’un régisseur russe annonça qu’il allait régler le problème. Le petit homme affublé d’une jambe en bois et d’un défaut d’élocution s’enferma pendant une heure dans une caravane de la production avec l’ours réfractaire, un sachet d’héroïne et une bouteille de vodka. En sortant, le régisseur assura qu’on pouvait reprendre le tournage. Et dès lors, l’ours se montra un acteur zélé et enthousiaste.

vendredi 10 avril 2020

Journalpam 244

L’avion de l’équipe de football s’est écrasé dans les Alpes un soir d’orage. À proximité de la carcasse éventrée, les corps démembrés et décapités jonchaient la neige. 
Les douze survivants se regroupèrent autour du capitaine : « S’il vous plait, quoi qu’il arrive, ne tombons pas dans la sauvagerie du cannibalisme comme ces rugbymen dans les Andes en 1972 ». Le défenseur latéral gauche approuva puis shoota négligemment dans la tête tranchée d’un soigneur. La tête roula jusqu’aux pieds du capitaine qui leva les yeux et renvoya la tête d’un intérieur du droit.

jeudi 9 avril 2020

Journapalm 243

- Mais attends, ce n’est pas du tout ce que tu crois ! 
- Ah oui, et ma grand-mère, elle fait du vélo ? 
Elle regarda son mari avec défiance. 
- Euh non, mais la sienne oui. 
Puis elle se tourna vers celui qui n’était pas du tout ce que l’on croit, confus et désemparé, qui renfilait son jean. 
- La sienne ? répéta le mari. 
- Euh... Oui, fit l’homme torse nu. Cassandre Delarue est ma mamie… 
- Ah ben ça ! La championne de France 1992 et 1993 ! Vous croyez que je pourrais avoir un autographe ?

mercredi 8 avril 2020

Journapalm 242

Dans l’avion italien qui la ramène en Islande, la jeune fille est impatiente et excitée. Elle n’a plus posé le pied sur son île volcanique depuis neuf mois. 
L’avion amorce sa descente sur Keflavik comme elle ressent une forte douleur abdominale. Juste le temps d’attraper un sac en papier pour y vomir abondamment. Son voisin de fauteuil, dégoûté, se recule contre le hublot. La fille essuie sa bouche et regarde au fond de son sac, sidérée. 
- Du skyr ! 
- Qu’est-ce que c’est ? 
- Du fromage blanc. Je n’en ai pourtant plus mangé depuis neuf mois.

mardi 7 avril 2020

Journapalm 241

Dans New York vidée de ses habitants, les avenues ont perdu leurs numéros et les rues désordonnées se confondent les unes les autres. Quelques fondamentalistes de la cause animale ou végétale qui chaque soir se fouettent à sang pour se punir d’être des Hommes observent leurs petits écrans dans un état orgastique. Ils comptent les draps blancs recouvrant les défunts que l’on empile au monte-charge dans des camions frigorifiques. Ravis que l’Humanité ait tant adopté un mode de vie à l’américaine qu’elle copie son modèle jusque dans sa façon de traiter ses malades et ses morts.

lundi 6 avril 2020

Journapalm 240

Après une quatrième agression raciste, et parce que les prisons sont bondées, on lui a infligé une peine de travaux d’intérêt général. Patron d’entreprise au capital replet, il a été condamné à couvrir lui-même les frais d’une mission humanitaire de deux semaines dans les montagnes du Congo où il devrait aider les gardes forestiers locaux à lutter contre les braconniers de gorilles. 
Au moment d’embarquer à Roissy, il a craqué et a pris un vol pour le Groenland. Pleurnichant  au guichet de la compagnie aérienne : « Pas de gorilles non, des ours polaires !»

dimanche 5 avril 2020

Journapalm 239

Poussé à bout par les ragots et les regards soupçonneux lancés par ses voisins, Henri-Paul a fini par quitter le domicile conjugal. Qui n’avait d’ailleurs plus de conjugal que le titre depuis la disparition de sa femme. Mais était-ce sa faute à lui si Suzanne s’était mise dans l’idée d’apprendre le saxophone pendant le Grand Confinement ? Aucun bouchon d’oreille n’est assez puissant pour étouffer ce bruit. En revanche personne n’entendit le coup de feu qu’il tira un soir de saxo de trop. Bon prince, il l’enterra dans un sac avec son saxophone, au fond du jardin.

samedi 4 avril 2020

Journapalm 238

Les trois mois de canicule ont émoussé les citadins et ébranlé leurs certitudes. Explosion du nombre de violences faites aux femmes et aux enfants. Entre les rayons surgelés des hypermarchés, on ne compte plus les visages tuméfiés aux yeux cernés par le manque de sommeil. La chaleur excessive pourrait durer encore trois mois supplémentaires. 
Alors l’exode massif vers le Groenland a déjà commencé, il y a même des bornes de livraison Amazon installées à proximité des antennes relais pour les réseaux téléphoniques. Les ours polaires s’en pourlèchent les babines.

vendredi 3 avril 2020

Journapalm 237

Hugo adorait jouer aux cowboys et aux indiens. Son père râlait, ces cris et cette agitation le fatiguaient. Courant dans l’escalier, une main sur la bouche, Hugo poussait des « Ouh ! » sauvages dans l’escalier. 
Un matin d’avril, n’y tenant plus, le paternel se lève d’un bond. « Il va me tuer avec ses indiens ! » D’une main lourde il attrape Hugo et le cogne jusqu'à ce qu'il cesse. 
Trente ans plus tard au lendemain de Pâques, on retrouve le père octogénaire, mort dans son fauteuil, la bouche ouverte et une flèche plantée dans le front.

jeudi 2 avril 2020

Journapalm 236

Le bois produisait des craquements réguliers dans la cheminée. Le feu propageait dans le salon une atmosphère agréable propice à la sieste. Allongé à deux mètres de l’âtre, il ferma les yeux, au chaud et repu après un festin supplémentaire. 
Au moment où il allait s’endormir, il se réveilla. Le cœur pétaradant, les sens en alerte, habité par une horrible sensation d’étouffement. Alors il retrouva le béton et le gris, le froid des grillages, l’odeur de pisse des autres chiens autour de lui. De sa patte arrière il se gratta l’oreille puis se rallongea, rassuré. Ce n’était qu’un cauchemar…

mercredi 1 avril 2020

Journapalm 235

Nous avons appelé notre fille Edelweiss mais quand il a proposé Chardon pour notre fils, j’ai refusé. Peu de temps après, il m’a offert une tenue en cuir noir à larges taches blanches, qu’il voulait que je porte avant de faire l’amour. Je lui ai dis que je ressemblerais à une vache ! Oui, justement, il répondait… J’aurais dû me douter que quelque chose ne tournait pas rond… Enfin tout de même, de là à m’imaginer qu’il me quitterait pour refaire sa vie avec une femme de cent cinquante kilos dans un alpage du Tyrol….