Au fond d’une ruelle pavée, morpions bipèdes aux bras piqués
À flanc de talus, sous les feuilles
des promesses rampantes
et le silence de la terre à peine troublé par le vent.
L’univers contient dans une bouteille
tu colles l’oreille contre le goulot
la mer spatiale et le clapotis des étoiles.
Au fond d’une ruelle pavée, morpions bipèdes aux bras piqués
visages pâles 2.0 goitres et morilles allongées
dans une mare puante couleur de l’agonie perpétuelle
étouffement de tout mouvement
l’immobilisme vertu cardinale.
Demain la nuit sera bleue crépuscule indien
pour tous on embarquera les Apaches
tous serrés façon sardines panier à salade reconverti
on leur donnera de l’exil facile de l’exotisme
à la petite semaine entre deux coups de fils à l’avocat.
Son regard de fin du monde est le dernier souvenir qu'il lui reste d'elle. Elle a enfilé un chapeau de paille sur les épaules qui, au contact de sa peau nue, s'est transformé en gilet naturel. Et c'est biodégradable a souligné le professeur honoraire du Collège de France. Lui, tu lui aurais volontiers décoché un coup de batte de baseball dans la mâchoire, mais des États-Unis tu n’avais ramené qu’une cicatrice sur le menton et une chaude pisse.
Canards électriques le mécanisme grippé
produit des onomatopées lentes
sur la toile cirée, des mains griffues
sillons blancs tracée à la craie
un trait démoniaque déguisé.
Hiéroglyphes tombés de haut
juste avant le prière d’insérer des pyramides
de déchets que tes voisins ont constitué
puis déplacé au fond du jardin
sous les décombres et les ossements :
chiens chats hamsters canaris poussins
la mort ne fait pas de différence même les canards électriques
peuvent se recharger sur du fumier
Lorsque les pouvoirs publics ont annoncé que six éoliennes allaient être installées dans la vallée, les gens d’ici ont protesté, accusant ces dispositifs d’enlaidir le paysage.
Trois mois après l’installation, la fronde de protestation s’est beaucoup calmée. Il faut reconnaître que les vents d’ici rabattent les parapentistes sur les éoliennes où ils finissent empalés. Vues du village, les voiles multicolores dessinent des fleurs géantes du plus bel effet.
Il jette dans son sac à dos ses mauvaises décisions et ses choix discutables. Un réconfort facile aurait été la nourriture ou la bouteille, les deux les jours fastes. Mais il a choisi la marche à pied et d’user ses semelles sur toutes les routes du continent. Dès qu’il en a l’occasion, il ferme sa maison et il file vers le levant, son énorme sac à dos sur ses épaules. Et partout sur son itinéraire, on se retourne et on observe cet être étrange, sorte de sherpa blanc dont les jambes inlassables portent le poids d’un passé sous vide.
Elle ouvrit les yeux et eut besoin d’un peu de temps pour se réconcilier avec l’immédiat. Ses rêves, au fil du temps, se complexifiaient et mutaient sans cesse. Sa respiration rauque montait et descendait au rythme d’une marée frappée de Parkinson. La pluie rebondissait contre le vasistas. Quelques instants plus tôt pourtant, le soleil frappait fort sur la route côtière. Et son père mort depuis quinze ans conduisait une Porsche décapotable avec un masque à gaz sur la tête, au milieu des décombres ceinturant la centrale nucléaire de Fukushima.
Il aurait tout aussi bien pu naître chien ou canard mais il était né cacatoès. Il volait avec ses congénères en vol serré et fou, taches blanches riantes au-dessus de la mer d’eucalyptus des Blue Mountains. Parfois ils disparaissaient sous les brumes qui s’accrochaient aux parois minérales que l’abondance des pluies assombrissaient et rendaient menaçantes. Mais il trouvait ça plus vivable que d’avoir quatre pattes et d’essayer de survivre dans le désert. Oui vraiment, pensait-il, la réincarnation s’était montrée clémente.
Comme il n’était pas adepte des produits phytosanitaires et un peu fainéant, il décida de louer un troupeau de moutons pour désherber ses pieds de vigne.
Mais lorsqu’il vit les animaux à quatre pattes entre les ceps, il décida d’en sacrifier un pour un méchoui en bordure de sa vigne. Tout le village trouva l’idée excellente mais le lendemain matin, les moutons survivants avaient tous démissionné.
Depuis qu’elle savait que son père biologique croupissait en prison après le meurtre de deux prostituées, elle refusait tout contact avec les hommes. Son père adoptif qui l’avait élevée comme sa fille en fut le premier surpris. Comme elle refusait de lui ouvrir, il entra chez elle par effraction avec deux pizzas margherita bien chaudes pour la réconforter. Se pensant agressée par un rôdeur, elle le tua d’un coup de pistolet et fut envoyée dans l’aile féminine de la prison où croupissait son père. Quand celui-ci apprit la nouvelle, il en pleura d’émotion et de reconnaissance.