Quand la journaliste demande à l’écrivain pourquoi celui-ci a choisi d’exercer son activité de scribe, il lui répond que c’est parce qu’en interrogeant Google Earth un jour où il s’ennuyait, le système a choisi un lieu arbitraire dans le monde et qu’il s’agissait de Monumental Writing, une sculpture représentant un scribe, érigée aux temps des grandes dynasties. Et la journaliste de se demander ce que serait devenu cet homme si Google Earth l’avait plutôt dirigé vers le mausolée de Ground Zero à Manhattan.
Jeune enfant, le 24 décembre, Hubert installait des tapettes à souris dans les pantoufles qu’il déposait devant le sapin de noël. Jeune homme, le jour de son mariage, Hubert versa de l’arsenic dans le verre de son beau-père. Jeune taulard, le lendemain de son incarcération, Hubert enfonça une lame dans la glotte de son codétenu. Jeune condamné, le jour de son exécution, Hubert arracha l’oreille de l’aumônier avec ses dents. Jeune trépassé, le jour de son arrivée devant les portes de l’Enfer, Hubert fut célébré en grandes pompes.
Depuis qu’elle a trouvé le corps sans vie d’un joueur de tuba dans l’ascenseur de sa résidence, Laurence C ne prend plus que l’escalier de service, malgré les douze étages. Elle a perdu du poids et s’est même découvert une passion pour le footing et les légumes verts qui l’aident à avaler les douze étages avec facilité.
Ce dimanche matin elle s’élance sur son premier marathon. Mais parvenue au trentième kilomètre, elle tombe raide. Le secouriste ne peut pas la ranimer et le plus troublant, c’est que l’homme joue du tuba le soir pour se détendre.
On apprend parfois aux enfants que les garçons naissent dans des choux. La Tasmanie n’est pas réputée pour sa production de choux et c’est pour une bonne raison. Abel Tasman, premier navigateur européen à explorer cette île à laquelle il donna son nom, ne naquit pas dans un chou mais il mourut dans une feuille de salade à Batavia, l’actuelle Djakarta. AV te salutant!
Parti du Nouveau-Mexique de façon précipitée, la faute à un gardien de zoo de mauvaise composition, Henry B fonçait à travers le nord du Texas à bord d’une Ford Bronco de 1978 à la carrosserie trouée. Sur la banquette arrière, une odeur nauséabonde de déjections, la faute à un chimpanzé volé au zoo de Sante Fe. Henry B ne voulait pas s’arrêter et laisser le primate faire ses besoins à l’extérieur et courir le risque que l’animal se fasse la belle.
« Tu sais quelle défense adopter ? »
L’avocat de Jérémie Maurice, tueur en série sanguinaire dont le procès démarrait le surlendemain, considéra son verre en cristal rempli de Chartreuse jaune. Puis il but une gorgée et regarda son frère d’un air léonin.
« Le juge est un ancien ingénieur, dit il. Il est donc sensible à la science. Je vais expliquer qu’un tueur en série, ce n’est jamais qu’un scientifique contrarié qui cherche, à sa façon, le mouvement perpétuel. »
Cela aurait du être un jour à marquer d’une pierre blanche. Deux cents invités, des joueurs de bouzouki, des danseurs de sirtaki, de l’ouzo à profusion et du Metaxa de première qualité. Sans parler du pope bien en chair et à la barbe fleurie, vêtu de noir devant la chapelle blanchie à la chaux.
Mais deux heures avant d’épouser Astérios, la mariée mangea un morceau de fêta dans la grange où elle s’était isolée avec son amant, cousin éloigné du mari et ennemi juré de celui-ci car né en Turquie. Bien sûr, la fêta était empoisonnée.
La dernière voiture thermique de l’humanité fut produite dans les ateliers d’une entreprise installée dans le Michigan. L’ultime pièce à assembler devait l’être par Gregory O, un ouvrier de 82 ans qui avait travaillé toute sa vie sur la chaine de montage et qui se lamentait de l’arrêt des moteurs thermiques au profit des voitures électriques. On attendait Gregory O autour de journalistes et de petits fours. Mais le retraité n’arriva jamais à l’usine, à cause d’un dysfonctionnement électrique commandant les feux tricolores d’un carrefour où il mourut au volant de son pick-up Ford diesel.
Le café lui fit du bien. À son estomac peut être moins, mais ce n’était pas son problème. Elle avait toujours eu une digestion facile et un transit réglé comme du papier à musique. Pourtant, les appareils de l’aéroport avaient détecté que quelque chose clochait. Même pour quelqu’un qui n’a jamais eu de problèmes gastriques, cinquante-cinq capsules de cocaïne dissimulées dans l’estomac, ça finit par encombrer.
Elle roule depuis une heure sur une route de montagne tourmentée et aride. Le soleil a, depuis un moment déjà, entamé sa descente vers l’horizon. Les sapins et les épicéas se succèdent par paquets compacts sur le bord de la route. La radio ne capte aucune station et aucun bar ni restaurant ne sera accessible avant sept cents kilomètres. Mais elle conduit avec le sourire, toutes ses possessions empilées sur la banquette arrière, heureuse de repartir à zéro. Reste à trouver un endroit où décharger le cadavre de son mari qui pourrit dans le coffre de la voiture.