Journapalm 2056

Enfant, il mangeait les poissons des aquariums qu’il saisissait à mains nues.
Adolescent, il agressait les filles des cours de récréation qu’il pétrissait à pleines mains.
Adulte, il engloutissait les pâtisseries et il s’en léchait les doigts.
Mort, il se morfond d’être boulotté par des lombrics dépourvus de membres.

Journapalm 2055

L’étrangeté lui était depuis toujours étrangère. Pour d’autres individus plus intolérants aux assonances, cela aurait constitué un casus belli. Mais pas pour lui qui, du reste, avait abandonné le latin après avoir été rossé par deux anciens forts en thème devenus délinquants.
Or, comme tout lui paraissait normal, il ne s’en plaignait pas et toute sa vie, il jugea normal d’être la cible des terreurs du quartier. Cela se poursuivit une fois devenu adulte et promu premier ministre, sous un régime de cohabitation avec un ancien fort en thème devenu président.

Journapalm 2054

La voiture rouge a perdu ses roues dans un accident d’espace-temps au cours duquel les dimensions perpétuelles ont fondu. 

Les pneus carrés se sont télescopés un jour de Toussaint et depuis, les gens demandent à être remboursés parce qu’ils doivent rentrer à pied et qu’ils ont mal aux dents. 

Mais quel rapport ? demande le chauffeur rouge de honte. Tout, répondent-ils en chœur, tout a rapport avec les dents. Ne savez-vous donc pas que Dieu est chirurgien-dentiste ?

Journapalm 2053

Sous les galeries aux prospères enluminures, tu regardes filer le vent invisible. Tu l’entends, le sens, le vois coucher les fougères immémoriales, douceur végétale contrariée pareille à un drakkar pacifiste égaré sur les mers du destin.
Ce pourrait être Petrograd ou Turin, un pays balte ou méditerranéen, le globe est trop étriqué pour bien marquer la différence entre les galeries humaines et les fondations chtoniennes de ce qui fut une civilisation.
Plus personne ne parle la moindre langue, te voilà unique survivant parmi les pierres froides et les fougères muettes.

Journapalm 2052

Toutes les couleurs dans le ciel
les oiseaux, les rivières
harmonie doucereuse tout autour
mais tes mains tremblent
tes yeux s’emmêlent
ta peau diaphane bleuie de coups
ton printemps est passé
les senteurs des filles en fleurs
seront pour une autre vie
bassin de rétention fissuré
voilà que tu adoptes un chien
pour les matins qui suivront.