Quatrième de couv. : "Ils sont quatre, nés au Gour Noir, cette vallée coupée du monde, perdue au milieu des montagnes. Ils sont quatre, frères et sœur, soudés par un indéfectible lien.
Marc d’abord, qui ne cesse de lire en cachette.
Matthieu, qui entend penser les arbres.
Puis Mabel, à la beauté sauvage.
Et Luc, l’enfant tragique, qui sait parler aux grenouilles, aux cerfs et aux oiseaux, et caresse le rêve d’être un jour l’un des leurs.
Tous travaillent, comme leur père, leur grand-père avant eux et la ville entière, pour le propriétaire de la centrale, des carrières et du barrage, Joyce le tyran, l’animal à sang froid…"
Lorsque l’été plie bagage, emportant
sable chaud et soleil implacable dans le coffre de son cabriolet rutilant 6
cylindres rageur à souhait, et que les bafouilleurs de vide emplissent leurs
quotidiens scabreux de papiers vulgaires rappelant l’imminence de la rentrée
littéraire, ma réaction primale (la seule authentique donc) est de m’accrocher
au mur le plus proche et à paraphraser Gandalf dans cette scène du Seigneur des
Anneaux où le magicien protège les arrières de la Communauté face à un
dragon drôlement remonté : « Fuyez, pauvres fous ! » La
suite est un peu tragique mais il s’agit d’un film, hollywoodien de surcroît,
alors rien ne l’est jamais vraiment, tragique.
2020, année de pandémie ou non, nul
n’échappe au bourdonnement sourd du bulldozer infâme que médias dominants, censeurs
approuvés et critiques vendus aux gardiens du temple décati d’une certaine idée
de la France qui a plus de plomb dans l’aile qu’une grive lâchée devant une
armée de chasseurs armés de calibres rutilants dans une cage d’ascenseur, ont lancé
une fois de plus sur les grands boulevards médiatiques : la rentrée
littéraire. Avec son rayon de stars autoproclamées,
de têtes de gondoles qui font les beaux jours d’éditeurs aux bénéfices replets
et l’armée zapatiste des écrivains nationaux qui défilent chaque année entre
septembre et Toussaint sur toutes les chaines de télévision, sur toutes les
stations de radio pour venir y vendre leur soupe immonde, affligeante de nullité
et interchangeable. Car c’est après le départ des derniers plagistes et quand
les écoliers doivent reprendre le chemin de leur fastidieux apprentissage à l’école
de la République que l’écrivain français vient jouer des claquettes devant un
par terre de spécialistes du néant lancés dans un concours de louanges achetées
à crédit et qui résonnent aussi sincèrement que ces rires pré-enregistrés dans
les sitcoms à petit budget diffusés entre deux plages publicitaires. Vous les
connaissez bien, ce sont toujours les mêmes, années après années, passant d’un
écran à un micro comme en d’autres lieux certaines femmes court vêtues passent
d’un trottoir à l’autre. Mais tout le monde n’a pas la chance de compter sur un
souteneur ayant pignon sur rue dans les beaux quartiers autour du Boulevard Saint-Germain…
Alors chacun défile, aiguillonné par le rappel des chroniqueurs collaborateurs des
prochaines éditions de plusieurs prix littéraires, cette abjecte escroquerie très française, ce royaume
des hypocrisies les plus basses, ce théâtre des mesquineries les plus débridées.
Parfois, néanmoins, surgit un éclair dans la grisaille assommante dans lequel est plongé le milieu littéraire français en état de mort cérébrale depuis un moment déjà. Sur le charnier géant que constitue la rentrée littéraire, il arrive qu’une plante séduisante parvienne à pousser et que son autrice ou son auteur se glisse entre les mailles du filet de plus en plus ténu de la médiocrité érigée en vertu cardinale. Cette année, l’exception se nomme « Buveurs de vent » de Franck Bouysse. Pour son écriture ambitieuse qui nous rappelle qu’en France il existe encore au moins une personne qui sait inventer un monde, des personnages, une ambiance, le tout servi par une écriture appliquée, travaillée, au cours de chapitres courts, intenses, puissants, il faut lire ce bouquin. Outre le fait d’être bon, celui-ci nous signale que la France n’est donc pas encore totalement vendue aux escrocs de l’autofiction nombriliste et mal écrite, aux tacherons dépourvus d’idée et de style (sans savoir lequel des deux leur fait le plus défaut dans cet océan de néant) qui se succèdent sur les mêmes plateaux de télévision et les mêmes émissions de radio. Il existe en France de véritables écrivains qui savent polir des phrases, s’attacher à la forme et au fond, ce qui nous change de la majorité des autres n’ayant de prise ni sur l’un ni sur l’autre. Franck Bouysse vous offre un roman qui ne sent ni le réchauffé ni le déjà vu, écrit avec classe et qui mérite la plus grande attention de la part de ceux qui se targuent d’aimer la littérature. Je vous laisse le soin d’aller lire le résumé du bouquin, ce n’est pas l’objet de cet avis. En revanche je signale que « Buveurs de vent » est le meilleur bouquin français que j’ai pu lire depuis des années.
Merci Franck Bouysse de nous faire oublier la cohorte des innombrables smicards du style, des légions de SDF du talent. Tous ces autres pour lesquels il suffit d’écouter la radio, de lire les chroniques confondantes de vide de critiques bouffis de suffisance et de bêtise dans les journaux les plus célèbres pour obtenir la liste des nanars les plus affligeants de la rentrée. Après tout ce n’est pas très compliqué, ce sont les mêmes noms qui reviennent chaque fois… Pour ceux-ci, il faudrait pouvoir faire coïncider la rentrée littéraire avec la Toussaint, le grès des cimetières, les bourrasques qui soufflent du nord et les chrysanthèmes s’accordent bien avec ce qu’on y trouve : du néant mortifère, du vide, des chiures de pigeons souffreteux, mais absolument pas de littérature.
J'ai acheté ce livre après avoir lu ton commentaire. Je n'ai pas été déçue, c'est effectivement un excellent bouquin qui m'a donné envie d'en connaitre plus sur cet auteur. Je projette de lire "Né d'aucune femme" pendant les vacances. Merci
RépondreSupprimerCécile
Content de savoir que tu as aimé le dernier Bouysse. Je n'ai pas encore lu "Né d'aucune femme" mais j'y viendrai aussi. Bonne vacances !
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