mardi 7 janvier 2025

Journapalm 1968

Flaques de temps épars
rassemblées sous le lampadaire
la nuit est une louve
qui traverse la ville nue
armée d’une malédiction.

Au coeur de la brume
celle qui mâche l’espace
celle qui croque le temps
les yeux jaunes en-dessous
piégeuse d’enfants purs.

On les retrouvera ou pas
peut-être un soir d’équinoxe
accrochés par les pieds
tête bêche dans une galerie
parmi les os et les bougies.

lundi 6 janvier 2025

Experience de publication imminente

Il n'y aura, à priori, pas de nouveau roman cette année... Sauf si je suis viré et que j'ai plus de temps pour écrire. Mais depuis Marie-Antoinette, on sait que lorsqu'on n'a pas de pain, on peut se rabattre sur la brioche. Et aussi que faute de grives, on mange des merles. Bref, faute de roman en 2025, pourquoi pas un recueil de nouvelles ? 


Régiment Dino & autres fantômes est un recueil de nouvelles qui devrait voir le jour d'ici la fin du mois de janvier. Y seront présentes cinq nouvelles que j'ai écrites en 2024, entre les relectures de Résine de l'exil, le roman publié en août dernier, après 18 mois d'efforts.  Il y sera question de fantômes mais pas que. De la mémoire aussi, des collègues transparents, des maris volages, du temps qui passe, des amis perdus de vue et des souvenirs d'enfance. 

Journapalm 1967

Vingt ans durant, il l’avait supportée, nuit après nuit, elle ronflait si fort que le matin, les cheveux hirsutes et les yeux cernés, il regardait sous le lit s’il ne trouvait pas de la sciure. Mais il finit par la quitter, la privation de sommeil étant trop difficile à supporter. Cela ne la décida pas de se faire opérer par un spécialiste. En revanche elle se mit à la colle avec un menuisier.

dimanche 5 janvier 2025

Journapalm 1966

Du côté d’Arles ce printemps-là, il a vu des sales types lui rayer la voiture et d’autres types courir derrière un taureau qui leur avait échappé. La bête puissante à la robe de jais galopait sur la chaussée et ses sabots claquaient sur le goudron. Soudain l’animal a bifurqué avant de sauter dans le Rhône. On l’a retrouvé deux jours plus tard en mer, debout sur le toit d’une voiture disparue en Arles au même moment.

samedi 4 janvier 2025

Journapalm 1965

Ce vieil homme penché sur un bureau d’écolier a commencé à rédiger ce livre le 16 septembre 1966. Il avait alors vingt ans et tous ses amis n’aspiraient qu’à faire la fête, à plonger dans des rivières et à rouler vite à moto. Beaucoup sont morts ou ont disparu. Lui n’a pas bougé de là, continuant d’écrire un livre qui occupe à présent plusieurs étagères de feuilles manuscrites numérotées. Bientôt soixante ans qu’il ne fait rien d’autre mais quand on l’interroge, il répond qu’il n’a écrit que la moitié de l’histoire.

vendredi 3 janvier 2025

Journapalm 1964

Quand elle a su que Oussama Ben Laden revendiquait l’attentat du 11 septembre, elle a égorgé son lévrier afghan en criant « Chien d’infidèle ! »
Les voisins l’ont dénoncée aux autorités et elle a été condamnée pour maltraitance animale. Son avocat a voulu porter l’affaire devant le tribunal international du terrorisme mais celui-ci était présidé par un grand amateur de chats égyptiens. Il s’est abstenu.

jeudi 2 janvier 2025

Journapalm 1963

Cette Ferrari Dino ne ressemble pas aux autres productions de la célèbre marque au cheval cabré. C’est à cause de la couleur de sa carrosserie, d’un vert anglais qui s’accorde très bien avec le crachin normand.
Les clients du PMU boivent leur ballon de rouge en jetant des regards étonnés par la fenêtre : ils n’ont pas entendu dire qu’on tournait un film dans le coin. Personne ne sait que Gérard, le patron des pompes funèbres du village a gagné au quinté.

mercredi 1 janvier 2025

Journapalm 1962

Chaque fois qu’elle aperçoit les traces de condensation dans le sillage des avions, elle pense à la Terre comme une balle de tennis qui serait trop longtemps restée immergée dans un bassin d’eau de rétention.
Elle se souvient de ce jardin désorganisé, rempli de branches, de feuilles et de chaos dans lequel elle aimait se perdre des après-midi entières en jetant des petits cailloux blancs au fond du bassin. En imaginant qu’il s’agissait de minuscules avions zébrant le ciel d’en dessous.