J'ai toujours eu une attirance pour les utopies, les mondes fantastiques, les réalités déformées et les récits qui transportent le lecteur dans un autre réel. Adolescent, j'ai ainsi écumé les catalogues "Fantastique" et "Science Fiction" de chez Denoël (Collection "Présence du futur") et chez Presses Pocket. J'y reviendrai à l'occasion d'une série d'articles que j'ai en tête depuis quelques temps au sujet des collections des éditeurs qui m'ont marqué.
J'ai également toujours eu une attirance pour la littérature russe, sans toutefois jamais parvenir à la dompter tout à fait, souvent vaincu par les longues descriptions des maîtres du genre et les noms à rallonge de leurs héros, impossibles à retenir. Mikhaïl Boulgakov pourtant a réussi à me séduire avec des textes brillants de modernité et une écriture teintée de journalisme. Après l'avoir découvert avec ses "Carnets d'un jeune médecin" puis "Morphine" je m'étais délecté du récit fantastique (déjà) que recèle le très bon "Cœur de chien".
Profitant d'un voyage en avion pendant les congés, je me suis donc lancé dans les 650 pages de ce qui est considéré comme son chef d'oeuvre : "Le Maître et Marguerite" (collection Pavillons des éditions Robert Laffont). Il s'agit d'une histoire d'amour qui revisite le Faust de Goethe : une femme vend son âme au diable et devient une sorcière pour retrouver l'écrivain (le Maître) qu'elle aime. Derrière cette histoire d'apparence simple se cache pourtant un roman fourmillant de détails et de personnages. Les situations incongrues et stupéfiantes se succèdent dans un feu d'artifice parfois un peu trop touffu mais toujours alerte. Le récit fait également la part belle à la forme, le roman du Maître sur Ponce Pilate incorporé de façon adroite dans le livre principal qui nous nous narre les aventures de Marguerite.
Roman d'une incroyable richesse, versant peut-être parfois un peu trop dans le fantastique au détriment d'un style plus posé qui lui aurait peut-être donné plus de force, on ne peut pas rester insensible devant l'ampleur du récit ni devant la critique sociale qu'il dénonce. Et qui a valu à son auteur de ne jamais voir son roman publié de son vivant, victime des interdictions staliniennes. La traduction de Claude Ligny date de 1968 mais elle est d'une étonnante modernité. Je me suis même demandé si le texte original était si moderne ou s'il fallait y voir une dérive du traducteur qui utilise un langage parfois étonnamment familier pour l'époque (roman démarré en 1928 et sur lequel Boulgakov aura travaillé douze ans, jusqu'à sa mort, le roman n'ayant paru en URSS qu'en 1973 soit 33 ans après la mort de son auteur).
Au final, je reste partagé sur ce roman. En parallèle de ses indéniables qualités littéraires de forme et de fond, je suis resté en effet sur ma faim, un peu déstabilisé par le récit parfois décousu et la multitude de personnages. Je me suis senti parfois exclu par le texte, spectateur et pas acteur comme cela est parfois le cas dans les livres qui nous emportent vraiment.
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