Julian Barnes fait partie de ces auteurs britanniques nés pendant la seconde guerre mondiale qui se sont taillés un joli succès libraire en s'appuyant sur la publicité apportée par un prix régulier (un Médicis par là, un Fémina par ici) et qui à soixante-dix ans se retrouve à la tête d'une bibliographie replète autant dans le roman que dans l'essai, le récit ou la nouvelle. On ne peut décemment pas détester un tel profil, mais la question que je me pose est : peut-on s'en féliciter ? Encore que, entre nous, on s'en fout pas mal.
Il y a longtemps, dans une autre vie où j'avais mis mon activité d'auteur en pause pour devenir lecteur à plein temps, j'avais lu "Metroland" le premier roman de l'auteur publié au tout début des années 80. J'ai totalement oublié de quoi il s'agit mais j'en ai gardé un bon souvenir.
J'ai l'image, à juste titre ou non on parle de subjectivité totale, d'un auteur académique et sérieux, amoureux de littérature française classique et très... britannique. Ayant retrouvé un livre de Barnes à l'occasion d'un séjour printanier récent dans la maison familiale, j'ai donc lu "La table citron", recueil de onze nouvelles publié en VF au Mercure de France.
Quatrième de couverture : "Précisons d’emblée qu’il n’y a dans aucune des merveilleuses nouvelles qui composent ce livre de table avec un citron dessus, de table en bois de citronnier, ou de table peinte en jaune. Non. En Chine, nous apprend Julian Barnes, le citron symbolise la vieillesse, et la table citron est celle autour de laquelle on se réunit pour parler.
Sinistre ? Pas du tout. Il y a du Tchekhov dans ce livre-là — la délicatesse, la tendresse, la retenue — et du Gogol — la dérision, le trait à l’emporte-pièce — plus l’humour inimitable de Julian Barnes.
Onze merveilles, donc, ciselées, ourlées, entre lesquelles on aurait bien du mal à faire un choix. Il y a celle qui met en scène Tourgueniev vieillissant et la très jeune Maria Savina dont il est amoureux. Que s’est-il donc passé (l’anecdote est authentique) pendant le court voyage en train qu’ils ont fait ensemble ?
Il y a l’histoire de l’officier à la retraite qui vient depuis vingt ans à Londres et qui en profite chaque fois pour rendre visite à la même prostituée. Mais un jour, il va devoir réaliser que le temps a passé.
Et puis peut-être la plus émouvante — en même temps celle qui fait rire le lecteur — « La cage à fruits », où un fils découvre avec stupeur que ses parents âgés de 81 et 80 ans se séparent parce que son père a une maîtresse avec laquelle il emménage parce que sa femme le battait."
Ce recueil de nouvelles n'est pas des plus réjouissants. Il s'agit d'une déclinaison sur le thème de la vieillesse et de la mort, sujets qui ne sont pas réputés pour la joie qu'ils procurent. Comme dans tout recueil de nouvelles, certaines toucheront davantage tel ou tel lecteur, car le ton n'y est pas toujours le même, parfois Barnes se montre plus enjoué, ou plus féroce. J'ai particulièrement aimé la nouvelle qui met en scène cet officier en retraite qui va voir la même prostituée depuis vingt ans pour la vision décalée et tragi-comique qu'elle révèle. Certaines autres nouvelles ne m'ont guère intéressé, j'ai parfois du me forcer pour aller au bout, déçu par le ton pessimiste de Barnes et des situations qui n'ont rien évoqué en moi. Certes l'élégance britannique est toujours là, c'est d'ailleurs ce qui sauve certains textes plus faibles de la farce sinistre. Mais ça ne m'a pas donné vraiment envie de poursuivre l'aventure sur d'autres nouvelles de l'auteur. J'y reviendrai sûrement à l'occasion d'un texte plus long et doté d'un ton moins déprimant.
Julian Barnes - La table citron, Mercure de France, 256 pages, 17 €
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