En littérature, il y a toujours des auteurs qui vous sont familiers. De ceux avec lesquels vous vous sentez en confiance, qui savent vous parler d'une façon particulière, qui vous font vibrer et qui vous emportent ailleurs le temps d'un seul paragraphe. Je ne parle pas d'admiration ou ne fait allusion à un quelconque piédestal car ériger des statues c'est reconnaître une supériorité castratrice. La meilleure façon de mettre un pied dans une forme de totalitarisme culturel. Non, je parle de ces auteurs qui nous marquent et dont on se sent proches.
Jim Harrison fait partie de mon cercle "d'amis poétiques". Je ne dis même pas "d'amis littéraires" parce que ça fait pédant. Et qu'une littérature dénuée de poésie, ce n'est jamais que du nombrilisme de comptoir. Un ami poétique donc. C'est vachement plus fort que certaines de ces amitiés de carton nées au hasard de quelques clics lugubres sur un réseau informatique et dont l'existence n'est due qu'à un emmerdement prodigieux à un instant de sa journée. Comme dirait Desproges : "Vivons heureux en attendant la mort".
Jim Harrison fait partie de mon cercle "d'amis poétiques". Je ne dis même pas "d'amis littéraires" parce que ça fait pédant. Et qu'une littérature dénuée de poésie, ce n'est jamais que du nombrilisme de comptoir. Un ami poétique donc. C'est vachement plus fort que certaines de ces amitiés de carton nées au hasard de quelques clics lugubres sur un réseau informatique et dont l'existence n'est due qu'à un emmerdement prodigieux à un instant de sa journée. Comme dirait Desproges : "Vivons heureux en attendant la mort".
Les habitués de ce blog savent à quel point je tiens Jim Harrison en haute estime. J'aime ses romans, sa gueule, son histoire, sa passion pour la bonne bouffe et le vin, son anticonformisme, ses obsessions - sexuelles notamment - et son rapport aux humains et aux chiens, son amour des grands espaces et d'une certaine solitude. Aussi lorsque "Big" Jim Harrison a passé l'arme à gauche un jour de mars 2016 ça m'a un peu remué la tripaille. Je n'ai pas encore lu toute la production du bonhomme mais je me suis senti désarmé à la pensée que nous vivions désormais sur une œuvre finie, sur un stock de livres qui ne grossirait plus.
Or donc, Jim Harrison est parti sur une dernière pirouette livrée sous la forme d'un bouquin court, mélange de fiction et de biographie dans la pure veine de ses productions habituelles. "Le vieux saltimbanque" publié en France quelques mois après le décès de son auteur constitue ainsi une sorte d'au-revoir de l'auteur.
Autobiographie romancée qui n'en est pas une, racontée à la troisième personne et non à la première, ce livre trop court est une fantastique manière de dire au-revoir à cet auteur débonnaire et entier comme seuls les grands espaces de l'Amérique semblent capables d'en produire. On est loin de la pédanterie de salon de ces auteurs franchouillards qui parlent le cul serré et la bouche en accent circonflexe (j'ai les noms !). Big Jim envoie la sauce presque sans retenue et tout y passe : la gastronomie, le vin, la poésie, le sexe, les animaux, la littérature américaine. Des thèmes chers à l'auteur qu'il a déjà eu maintes fois l'occasion d'aborder dans ses précédents romans et sur lesquels il revient une ultime fois, le temps d'un livre joyeux et enlevé qui fera le bonheur de tous les lecteurs sensibles de son œuvre ou du personnage. Poète qui ne se prenait pas au sérieux, Harrison n'a jamais oublié celui qu'il était. Il a su faire de ses travers des traits de caractère marquants et romanesques sans jamais oublier de se moquer de lui-même. Une grande bouffée d'oxygène avant de se replonger dans ses romans les plus mythiques qu'on ne cessera jamais de relire tant ils sont grandioses.
Extrait : "Plus tard, il s'installa à son bureau en mourant d'envie d'écrire un poème sur les porcelets, mais pas un poème comique. Ce serait un poème intimiste, qu'il garderait secret, car il suffisait de prononcer le mot « cochon » pour que certaines personnes souffrant d'un incompréhensible complexe de supériorité se mettent à pouffer de rire. Le cochon était non seulement comestible, mais aussi méprisable. Il bouillonnait d'indignation lorsqu'il s'agissait de défendre les cochons. Les rejetons de la race humaine chient dans leurs couches au moins pendant toute la première année. Mais qui donc se moque de ses semblables ? Comment écrire un poème motivé par la rage ? Selon les historiens, le cochon constitua la vraie raison de la ruée vers l'Ouest. Sans cochon, il n'y aurait pas eu de côte Ouest. Les cochons suivaient les convois de chariots, l'esprit obnubilé par la poignée de maïs qu'on leur donnerait en guise de dîner. Ils fouillaient le sol à la recherche de légumes comestibles pendant que le bétail s'éloignait en rêvant à de plus vertes prairies."
Autobiographie romancée qui n'en est pas une, racontée à la troisième personne et non à la première, ce livre trop court est une fantastique manière de dire au-revoir à cet auteur débonnaire et entier comme seuls les grands espaces de l'Amérique semblent capables d'en produire. On est loin de la pédanterie de salon de ces auteurs franchouillards qui parlent le cul serré et la bouche en accent circonflexe (j'ai les noms !). Big Jim envoie la sauce presque sans retenue et tout y passe : la gastronomie, le vin, la poésie, le sexe, les animaux, la littérature américaine. Des thèmes chers à l'auteur qu'il a déjà eu maintes fois l'occasion d'aborder dans ses précédents romans et sur lesquels il revient une ultime fois, le temps d'un livre joyeux et enlevé qui fera le bonheur de tous les lecteurs sensibles de son œuvre ou du personnage. Poète qui ne se prenait pas au sérieux, Harrison n'a jamais oublié celui qu'il était. Il a su faire de ses travers des traits de caractère marquants et romanesques sans jamais oublier de se moquer de lui-même. Une grande bouffée d'oxygène avant de se replonger dans ses romans les plus mythiques qu'on ne cessera jamais de relire tant ils sont grandioses.
Extrait : "Plus tard, il s'installa à son bureau en mourant d'envie d'écrire un poème sur les porcelets, mais pas un poème comique. Ce serait un poème intimiste, qu'il garderait secret, car il suffisait de prononcer le mot « cochon » pour que certaines personnes souffrant d'un incompréhensible complexe de supériorité se mettent à pouffer de rire. Le cochon était non seulement comestible, mais aussi méprisable. Il bouillonnait d'indignation lorsqu'il s'agissait de défendre les cochons. Les rejetons de la race humaine chient dans leurs couches au moins pendant toute la première année. Mais qui donc se moque de ses semblables ? Comment écrire un poème motivé par la rage ? Selon les historiens, le cochon constitua la vraie raison de la ruée vers l'Ouest. Sans cochon, il n'y aurait pas eu de côte Ouest. Les cochons suivaient les convois de chariots, l'esprit obnubilé par la poignée de maïs qu'on leur donnerait en guise de dîner. Ils fouillaient le sol à la recherche de légumes comestibles pendant que le bétail s'éloignait en rêvant à de plus vertes prairies."
Jim Harrison - Le vieux saltimbanque, Flammarion, 144 pages, 15€
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