vendredi 16 juin 2017

Lecture : Pascal Garnier - Lune captive dans un oeil mort

Je tiens Pascal Garnier, pour l'un des meilleurs auteurs contemporains français. Parce qu'il sait écrire des romans courts, débarrassés de toute matière grasse superflue. Il va à l'os. Parce qu'il sait planter des ambiances avec quelques mots à peine qui font toute la différence. Il est efficace. Parce qu'il a une voix que l'on reconnait tout de suite. Il est original. Au fond j'aime les bouquins de Pascal Garnier pour les mêmes raisons que j'aime tant les livres d'auteurs tels que Brautigan, Saroyan ou Fante. 
Pascal Garnier nous a quitté en 2010, bien trop tôt, à l'âge de 61 ans. En laissant derrière lui une œuvre riche de 17 romans, 7 recueils de nouvelles et d'une quarantaine de textes pour la jeunesse. 

Quatrième de couverture Martial et Odette viennent d'emménager dans une résidence paradisiaque du sud de la France, loin de leur grise vie de banlieue. Les Conviviales offrent un atout majeur : protection absolue et sécurité garantie – pour seniors uniquement.
Assez vite, les défaillances du gardiennage s'ajoutent à l'ennui de l'isolement. Les premiers voisins s'installent enfin. Le huis clos devient alors un shaker explosif : troubles obsessionnels, blessures secrètes, menaces fantasmées du monde extérieur. Jusqu'à ce que la lune, une nuit plus terrible que les autres, se reflète dans l'œil du gardien…

"Lune captive dans un œil mort" a été publié en 2009 aux excellentes éditions Zulma qui ont édité la majeure partie des bouquins de l'auteur. On y retrouve la patte Garnier, son regard à la fois sombre et attendri sur des petites gens de tous les jours qui vivent des choses ordinaires de façon extraordinaire.

L'univers feutré de la résidence surveillée de retraités permet à l'auteur de s'en donner à cœur joie sur les petites tensions du quotidien entre des voisins qui espèrent puis qui s'ennuient de l'autre, qui surveillent et qui sont sous surveillance. De la noirceur en réserve, quelques scènes doucement absurdes mais qui participent au ton franchement réussi de ce bouquin... On retrouve la palette habituelle de Garnier et surtout cette façon qu'il a de nous faire adrer tout de suite à son univers. Inutile de chercher à se réfugier dans des imaginaires farfelus ou de se tordre les neurones sur des drames psychotiques : Pascal Garnier a cette capacité à dépeindre le quotidien le plus simple pour en aiguiser les aigreurs, pour en faire ressortir les absurdités. Comme ça, l'air de rien. Et en moins de 200 pages. Du grand art.

Extrait
- Tu sais ce qu'ils mangent, les gitans ?
- Non ?
- Du hérisson ! Parfaitement, du hérisson. C'est normal. On en voit beaucoup écrasés au bord des routes... Gitans, route, hérisson... C'est logique.
- C'est idiot ce que tu dis... On trouve aussi des enjoliveurs au bord des routes, ils ne bouffent pas des enjoliveurs...

- Non, ils les volent.  

Pascal Garnier - Lune captive dans un oeil mort, 
Zulma, 160 pages, 16.8 €


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