mercredi 20 juillet 2016

Lecture : Dan Fante - Point Dume

Avec Point Dume, Dan Fante remet les compteurs à zéro.
Dans ce roman, il s’écarte de la traditionnelle veine de l’authentique « fausse autobiographie » dont son propre père John lui a servi de principale influence. Bon, il faut reconnaître qu’on peut trouver bien pire comme influence. C’est même le contraire pour ce pauvre Dan, comment sortir de l’ombre d’un auteur aussi emblématique que le fut Big John ?
Dan Fante s’est lancé tard dans le métier. Avant d’écrire, il a roulé sa bosse, enchainé les jobs, les joints, les clopes, les verres, les femmes (à remettre dans l’ordre qui vous arrange). Il nous a hélas quitté récemment (novembre 2015, à l’âge de 71 ans) en laissant dans son sillage cinq romans, des nouvelles et des recueils de poésies.
En 1996, il est publié chez Robert Laffont pour son roman « Les anges n’ont rien dans les poches » (Chump Change en VO) et c’est le début d’un petit succès chez des lecteurs qui vont devenir fidèles du bonhomme (dont je fais partie, l’ayant découvert en 1998 à l’occasion de la sortie en poche de ce bouquin). Et - encore une fois- soyons fiers de déclarer que ce sont nos éditeurs français qui les premiers ont eu le nez creux en publiant un auteur américain pas encore publié chez lui à cette époque-là. J’ignore si ce sera encore le cas dans 10 ans (si ça l’est encore, seulement) mais on a de foutus bons éditeurs de littérature en France et faudrait voir à pas l’oublier. D’ailleurs, un de ces quatre, faut que je vous cause des éditions Gallmeister et de Zulma et de la défunte collection Motifs du Serpent à Plumes…
Papa Fante (John) avait un double littéraire, un alter ego immigré italien dont il se servait pour illustrer les difficultés d’un homme de pas grand-chose qui essayait de devenir un peu plus qu’un moins que rien. Les aventures d’Arturo Bandini ont ainsi ravi des générations de lecteurs heureux de retrouver bouquin après bouquin cet univers cradingue et la poésie des trottoirs où Arturo et d’autres enfants bagarreurs rêvaient dans l’Amérique de l’entre deux guerre.
Junior Fante (Dan) a lui aussi démarré sa carrière de romancier avec un double littéraire, du nom de Bruno Dante. Avec ce personnage récurrent, il reprenait la méthode paternelle de romancer des histoires vraies, mettant à distance des évènements familiaux tout en les réinterprétant depuis la lorgnette de l’autobio romancée. Alors c’est vrai, Papa Fante était un écrivain d’un tout autre calibre. Sa voix faisait preuve de plus de force et de nuances que celle du fiston. Il a également eu une carrière plus longue, et certainement que de ne pas avoir eu à gérer un héritage littéraire l’a aidé. Mais ne boudons pas Junior pour autant, lui qui a tout de même signé quelques bons romans.
Sa tétralogie « Bruno Dante » mérite la lecture. Enfin, je n’en ai lu que trois, le quatrième est sur la pile, je le lirai au cours de l’été et je vous en parlerai. D’ailleurs il faut que je relise tout.

Bon, je m’égare. Pour l’heure il est question de son roman « Point Dume » que je viens de lire en poche chez Points.
Je ne suis pas un fana de polar. Oui je sais, c’est pas courant, aujourd’hui le monde entier lit du polar. Et j’avoue, il y a de foutus bons auteurs de polars… Enfin, polar, roman noir : ce n’est pas la même chose. Ici on est entre les deux, Fante réutilise des codes du roman noir américain remis au goût du jour (comprendre siècle n°21) tout en suivant les règles du polar classique.
L’histoire ? Un ex détective privé de New York débarque en Californie et tente de se trouver une vie normale entre la vente de voitures d’occasion et ses réunions d’alcooliques anonymes. Au milieu, un meurtre sordide, des flics ambigus, des femmes dangereuses (un pléonasme chez les Fante !) et tout un cortège de personnages de seconde zone, hâbleurs, traitres, couards…

On reconnait bien là l’univers de Dan Fante. Sauf que ce coup-ci, pas de Bruno Dante, le personnage principal et narrateur du récit est l’ex détective privé JD Fiorella, un dur à cuire un peu rital sur les bords (on ne se refait pas, Fante oblige). Au début, on a affaire à du Dan Fante classique, gouailleur et râleur et puis très vite quand un meurtre débarque dans l’histoire, on vire sur un style moins habituel chez l’auteur. L’ex détective privé va reprendre du service et se la jouer en mode bourrin, dépourvu de limites et de morale. On bascule dans un récit noir de noir, brut 95% de cacao, ça secoue dur et ça envoie sec dans les cordes : sang, torture, hémoglobine… rien ne nous est épargné. Trop ? Peut-être bien. J’ai peur que Dan Fante ait trop voulu en faire ce coup-ci. À l’image de son narrateur, il n’a plus de retenue, et les ficelles un peu grosses ont du mal à glisser… Bon public, j’ai tout de même passé un bon moment, heureux de lire un Dan Fante que je ne connaissais pas (ça devient rare, plus qu’un bouquin et j’aurais lu la totale) mais clairement on est loin des récits clairs obscurs plus en sincérité des débuts. Ce « Point Dume » aura été son dernier ouvrage, un peu trop grandiloquent et grand guignolesque qui ne rend pas hommage à un homme qui valait certainement mieux que d’être uniquement considéré comme un « fils de ». Je vous invite d’ailleurs à visionner le reportage « Made in Fante », gratuit et visible sur youtube pour en apprendre davantage sur cet auteur mésestimé et attachant.


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