Avec Point Dume, Dan Fante remet les
compteurs à zéro.
Dans ce roman, il s’écarte de la
traditionnelle veine de l’authentique « fausse autobiographie » dont son
propre père John lui a servi de principale influence. Bon, il faut reconnaître
qu’on peut trouver bien pire comme influence. C’est même le contraire pour ce
pauvre Dan, comment sortir de l’ombre d’un auteur aussi emblématique que le fut
Big John ?
Dan Fante s’est lancé tard dans le
métier. Avant d’écrire, il a roulé sa bosse, enchainé les jobs, les joints, les
clopes, les verres, les femmes (à remettre dans l’ordre qui vous arrange).
Il nous a hélas quitté récemment (novembre 2015, à l’âge de 71 ans) en laissant
dans son sillage cinq romans, des nouvelles et des recueils de poésies.
En 1996, il est publié chez Robert
Laffont pour son roman « Les anges
n’ont rien dans les poches » (Chump
Change en VO) et c’est le début d’un petit succès chez des lecteurs qui
vont devenir fidèles du bonhomme (dont je fais partie, l’ayant découvert en 1998
à l’occasion de la sortie en poche de ce bouquin). Et - encore une fois- soyons
fiers de déclarer que ce sont nos éditeurs français qui les premiers ont eu le
nez creux en publiant un auteur américain pas encore publié chez lui à cette
époque-là. J’ignore si ce sera encore le cas dans 10 ans (si ça l’est encore,
seulement) mais on a de foutus bons éditeurs de littérature en France et
faudrait voir à pas l’oublier. D’ailleurs, un de ces quatre, faut que je vous cause
des éditions Gallmeister et de Zulma et de la défunte collection Motifs du
Serpent à Plumes…
Papa Fante (John) avait un double
littéraire, un alter ego immigré italien dont il se servait pour illustrer les
difficultés d’un homme de pas grand-chose qui essayait de devenir un peu plus
qu’un moins que rien. Les aventures d’Arturo Bandini ont ainsi ravi des
générations de lecteurs heureux de retrouver bouquin après bouquin cet univers cradingue
et la poésie des trottoirs où Arturo et d’autres enfants bagarreurs rêvaient dans
l’Amérique de l’entre deux guerre.
Junior Fante (Dan) a lui aussi
démarré sa carrière de romancier avec un double littéraire, du nom de Bruno
Dante. Avec ce personnage récurrent, il reprenait la méthode paternelle de
romancer des histoires vraies, mettant à distance des évènements familiaux tout
en les réinterprétant depuis la lorgnette de l’autobio romancée. Alors c’est
vrai, Papa Fante était un écrivain d’un tout autre calibre. Sa voix faisait
preuve de plus de force et de nuances que celle du fiston. Il a également eu
une carrière plus longue, et certainement que de ne pas avoir eu à gérer un
héritage littéraire l’a aidé. Mais ne boudons pas Junior pour autant, lui qui a
tout de même signé quelques bons romans.
Sa tétralogie « Bruno Dante »
mérite la lecture. Enfin, je n’en ai lu que trois, le quatrième est sur la
pile, je le lirai au cours de l’été et je vous en parlerai. D’ailleurs il faut
que je relise tout.
Bon, je m’égare. Pour l’heure il est
question de son roman « Point Dume » que je viens de lire en poche
chez Points.
Je ne suis pas un fana de polar. Oui
je sais, c’est pas courant, aujourd’hui le monde entier lit du polar. Et j’avoue,
il y a de foutus bons auteurs de polars… Enfin, polar, roman noir : ce n’est
pas la même chose. Ici on est entre les deux, Fante réutilise des codes du roman
noir américain remis au goût du jour (comprendre siècle n°21) tout en suivant
les règles du polar classique.
L’histoire ? Un ex détective
privé de New York débarque en Californie et tente de se trouver une vie normale
entre la vente de voitures d’occasion et ses réunions d’alcooliques anonymes. Au
milieu, un meurtre sordide, des flics ambigus, des femmes dangereuses (un
pléonasme chez les Fante !) et tout un cortège de personnages de seconde
zone, hâbleurs, traitres, couards…
On reconnait bien là l’univers de Dan
Fante. Sauf que ce coup-ci, pas de Bruno Dante, le personnage principal et
narrateur du récit est l’ex détective privé JD Fiorella, un dur à cuire un peu
rital sur les bords (on ne se refait pas, Fante oblige). Au début, on a affaire
à du Dan Fante classique, gouailleur et râleur et puis très vite quand un
meurtre débarque dans l’histoire, on vire sur un style moins habituel chez l’auteur.
L’ex détective privé va reprendre du service et se la jouer en mode bourrin,
dépourvu de limites et de morale. On bascule dans un récit noir de noir, brut
95% de cacao, ça secoue dur et ça envoie sec dans les cordes : sang,
torture, hémoglobine… rien ne nous est épargné. Trop ? Peut-être bien. J’ai
peur que Dan Fante ait trop voulu en faire ce coup-ci. À l’image de son
narrateur, il n’a plus de retenue, et les ficelles un peu grosses ont du mal à
glisser… Bon public, j’ai tout de même passé un bon moment, heureux de lire un Dan Fante que je ne connaissais pas (ça devient rare, plus qu’un bouquin et j’aurais
lu la totale) mais clairement on est loin des récits clairs obscurs plus en
sincérité des débuts. Ce « Point Dume » aura été son dernier ouvrage,
un peu trop grandiloquent et grand guignolesque qui ne rend pas hommage à un
homme qui valait certainement mieux que d’être uniquement considéré comme un « fils
de ». Je vous invite d’ailleurs à visionner le reportage « Made in Fante »,
gratuit et visible sur youtube pour en apprendre davantage sur cet auteur
mésestimé et attachant.
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