Tous les chemins mènent à l'écriture. C'est logique, l'écriture c'est la base. Enfin d'accord je prêche pour ma paroisse mais bon... Jacky Schwartzmann n'est pas seulement une identité à faire péter les scores d'un concours de scrabble à la maison de retraite de Paray le Monial. Je tiens à préciser que j'ai choisi cette commune tout à fait par hasard, écrivant la première qui m'est passée par la tête et dont les habitants sont appelés les Parodiens - du coup certains d'entre vous auront appris quelque chose en lisant ces lignes et ça c'est déjà pas mal. Mais je poursuis car il serait dommage de passer à côté de l'objectif principal de cette petite chronique : vous donner envie de lire "Mauvais coûts".
Alors d'accord j'évente la surprise de la sentence mais on s'en fiche, je ne suis aucune logique. Alors à part cette histoire de scrabble, l'auteur derrière Jacky Schwartzmann est né en 1972 et a obtenu un DEUG de philosophie à la faculté de Besançon. Tous les chemins mènes à l'écriture donc, et même la philosophie ! Après son diplôme, l'homme arrête ses études pour se consacrer à l'écriture, enchaîne les petits boulots pour vivre et envoie ses manuscrits jusqu'à gagner en 2003 un concours du premier roman. Bon. Quand je lis ça, je me dis que ce type a eu à 20 ans la vie que j'aurais aimée avoir si j'avais eu les couilles de le faire. Et je ne parle même pas de gagner un concours ou de se faire publier. Juste d'avoir les tripes pour aller à l'essentiel. Enfin bref.
"Mauvais coûts" a été publié en 2016 par l'éditeur lyonnais "La fosse aux ours" - éditeur chez qui je pourrais envoyer le manuscrit de "Brûler à Black Rock" ou même le manuscrit final du projet "Manx" en cours d'écriture... (encore une histoire de tripes ou de couilles j'imagine).
Il s'agit d'un petit roman furieusement noir qui s'attaque aux pratiques en vigueur dans les grandes entreprises sous couvert d'une fiction que l'on imagine à peine exagérée. Le narrateur est un acheteur sans scrupule pour le compte d'une multinationale où les relations humaines sont à l'état de guerre de tranchée entre services. Promenant un regard désabusé sur la décrépitude qu'est devenue sa vie familiale et professionnelle, il s'enfonce dans une sorte de folie quotidienne qui ressemble trait pour trait à la folie quotidienne de tous ceux qui l'entourent... jusqu'à l'explosion libératrice (ou pas!).
Le style est volontairement sec, un brin provocateur, et on sent que l'auteur a pris un vrai plaisir à dépeindre ces décisions débiles qui président aux vies des employés d'une multinationale, la folie du système hiérarchique castrateur des n+1, l'absurdité des tâches quotidiennes confiées à des collaborateurs dépassés par chaque décision qui les impacte. On ne lâche plus ce bouquin très addictif, vite lu et qui laisse un arrière goût étrange dans la bouche, quelque part entre un enthousiasme jubilatoire et un sale goût de réalité à peine travestie pour tous ceux qui bossent dans une multinationale et qui sont confrontés aux travers décrits dans ce bouquin. J'avais l'impression que le narrateur de ce bouquin décrivait ma propre entreprise et ça parlera donc à beaucoup de lecteurs perdus dans une vie "remplissage de frigo" qui à force d'absurdité en devient hilarante.
Extrait : "Je terminai ma visite par l'atelier, où les gars aux mains noires et calleuses et aux convictions mouvantes tentaient de travailler un peu entre deux revendications. Je l'aimais bien, l'atelier. J'aimais bien les vingt têtes de veau qui y officiaient et qui rivalisaient d'originalité pour trouver un moyen de faire chier l'ennemi public numéro 1 : le comité de direction, dit le CODIR. Ils étaient très forts. La plupart bénéficiaient de postes aménagés, du fait de handicap tous plus aberrants les uns que les autres. Gilles ne pouvait pas soulever de poids supérieur à trois kilos et il n'avait pas le droit de visser ou dévisser, à cause de ses coudes. Il servait à pas grand chose. Il était là, il était juste là. Sylvain, un gaillard fort comme un bœuf, avait le dos en vrac et ne pouvait pas rester debout plus de vingt minutes - sauf le dimanche, jour de foot... Et j'en passe. La palme revenait à Giuseppe, un vieux rital malin qui avait un certificat médical le dispensant de balayer l'atelier. Oui. A cause de la poussière. Giuseppe avait trouvé un médecin assez con pour lui signer ça. Un ophtalmo, en fait. Ses yeux ne supportant pas la poussière, la pratique du balayage lui était interdite."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire