Amateurs du Monthy Python Flying Circus, passez votre chemin ou bien soyez un bon schizophrène comme moi : avec David Vann on ne se fend pas trop la poire. Ses livres sont noirs, ses personnages intenses, et la désespérance jamais bien loin de la surface du quotidien. Bon voilà, ça c'est dit.
Mais David Vann est un sacré bon auteur. Quand même, ben ouais ! Faut le dire parce que l'air de rien le garçon est en train de se tailler une sacrée réputation dans le milieu du roman noir. Son Sukkwand Island était une merveille, son "Dernier jour sur Terre" est un délice.
Egalement publié en VF chez l'excellente maison Gallmeister, traduit par Laura Derajinski, ce bouquin se veut une plongée âpre dans une tragédie réelle qui s'est déroulée en 2008 lorsque dans son université américaine, Steve Kazmierczak a ouvert le feu sur une classe, tuant 5 personnes, en blessant 18 autres avant de retourner son arme contre lui. Là où David Vann est fort, et ce qui fait tout le charme de ce bouquin, c'est qu'il réussit à mettre en parallèle le destin de ce tueur de 27 ans avec son propre destin, lui l'écrivain qui à l'âge de 13 ans a perdu son père, suicidé dont il hérite de sa collection d'armes à feu.
Jonglant entre l'itinéraire sanglant de Kazmierczak et le sien, David Vann ne fait aucun faux pas dans une exercice pourtant périlleux et casse gueule à souhait. Il n'en fait jamais trop, il ne tombe ni dans le sentimentalisme suranné, ni dans le pathos dégoulinant. David Vann écrit vrai et on est tout de suite embarqué dans son monde déroutant et complexe qui s'insinue dans les recoins les plus sombres de l'âme humaine pour en extirper les bouts les plus crus et les agiter pour réveiller nos consciences. Sans même donner l'impression de le faire, agissant en douceur et avec tact, tel un Arsène Lupin de la cambriole.
Situé quelque part entre l'enquête et le roman, ce récit est une grande réussite dont feraient bien de s'inspirer tous les tâcherons qui pondent à la chaîne des exo fictions et des enquêtes roboratives pourtant encensées par la critique médiatique en France ces derniers mois.
Décidément, l'Amérique n'en finit plus de nous donner des écrivains de génie et merci à Gallmeister d'être la maison d'édition qu'il manquait aux lecteurs de l'hexagone pour les découvrir. Je n'ai pas fini de sitôt de lire les productions de cette maison-là que je vous encourage à découvrir toutes affaires cessantes si ce n'est déjà fait.
Extrait : "Après le suicide de mon père, j’ai hérité de toutes ses armes à feu. J’avais treize ans. Tard le soir, je tendais le bras derrière les manteaux de ma mère dans le placard de l’entrée pour tâter le canon de la carabine paternelle, une Magnum .300. Elle était lourde et froide, elle sentait la graisse à fusil. Je la portais dans le couloir, à travers la cuisine et le garde-manger jusque dans le garage, où j’allumais la lumière pour l’observer, une carabine à ours avec une lunette de visée, achetée en Alaska pour chasser les grizzlys."
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