C’est le premier contact que je noue avec cette
autrice nordique. Plus le temps passe et plus j’apprécie les écrivains qui
savent aller à l’essentiel et ne pas étirer leurs intrigues sur des centaines
et des centaines de pages… En la matière, ce petit roman pèse moins de 160
pages, une longueur parfaite. L’histoire est celle d’une jeune fille de quatorze
ans qui vit dans la campagne islandaise loin d’une mère qui travaille à l’étranger,
et confiée à la garde d’une femme qui vit chichement dans ce morceau de terre isolée,
et qui s’occupe en confectionnant de la confiture de rhubarbe. Inutile de
chercher du suspense ou une intrigue forte dans ce court roman, il s’agit d’une
œuvre qui joue sur les atmosphères douces amères, un brin mélancoliques. Le
schéma narratif se résume à une succession de pièces narrées les unes à la suite
des autres, pour former une sorte de patchwork à l’intérieur duquel évoluent les
quelques personnages qui en constituent l’univers. L’héroïne adolescente souffre
d’un problème congénital touchant ses jambes et dont on apprendra l’origine
plus tard dans le livre. Elle se déplace avec des béquilles en rêvant d’escalader
la montagne toute proche pour voir plus loin, métaphore évidente de son besoin
d’évasion. Pour retrouver sa mère absente ? Un père inconnu ?
Auður Ava Ólafsdóttir raconte une histoire
simple en décrivant des odeurs, des scènes quotidiennes, avec une émotion et
des nuances qui m’ont rappelé la plume du québécois Jaques Poulin dont j’avais
lu quelques livres à la fin des années 90 chez Actes Sud.
Le personnage de la mère reste un peu distant, elle
envoie des lettres à sa fille qui permettent d’entretenir un lien que l’on sent
un peu brisé ou tout au moins désincarné. On espère parfois que les choses vont
évoluer mais finalement ce livre suit une route qui lui est propre, loin de toute
considération d’efficacité ou de grand chantier littéraire. Ce n’est clairement
pas l’objet de ce roman, qui offre une parenthèse d’un peu plus de deux heures pour
découvrir un paysage calme et reposant, parfois un peu naïf. Un voyage immobile
qui fait du bien par là où il passe.
J’ai d’ores et déjà ajouté « Rosa Candida », autre roman de Auður
Ava Ólafsdóttir à ma pile de lectures en attente.
Extrait :
"Elle
avait promis à maintes reprises de ne pas descendre seule traîner sur le
ponton. Avec ses béquilles, elle risquait de trébucher sur les déchets de
poisson et de tomber dans la mer.
— Le ressac t’emportera, lui disait Nína.
— Le ressac t’emportera, lui disait Nína.
Personne
n’aurait pu imaginer qu’au lieu du ponton, Ágústína mettrait le cap sur sa
plage privée. C’est qu’elle est du genre téméraire. À la voir crapahuter avec
ses béquilles, on aurait pu croire le contraire. Pendant ce temps-là, Nína
épluchait les pommes de terre sans se douter de rien."
(...)
"Les
doigts de pied au bord extrême et les genoux tremblants de vertige. À quelques
brasses au-dessous d'elle, il y a un nid d'aigle. Elle touche de l'orteil une
pierre, qui hésite sur l'arête avant de basculer. L'oiseau prend lentement un
essor majestueux, comme un hélicoptère de sauvetage à la recherche d'une petite
fille perdue dans la montagne. Non, comme un vieux bombardier blindé. L'ombre
lourde de sa voilure pèse sur elle et occulte un bref instant le soleil tout
neuf. Quand on est parvenu à trente mille pieds d'altitude, les fleurs de givre
s' épanouissent distinctement sur le hublot de l'avion."
(Zulma, trad.Catherine Eyjólfsson)
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