William Carlos Williams (1883-1963) fut diplômé de
médecine de l’université de Pennsylvanie en 1906, puis vint en Europe y
apprendre la pédiatrie à l’université de Leipzig. Ensuite il pratiqua la
médecine durant quarante années dans son village du New Jersey. L’histoire
pourrait s’arrêter là et si tel était le cas, personne ne parlerait plus de cet
homme mort depuis soixante ans. Sauf que William Carlos Williams pratiqua en
parallèle de son activité principale de médecin une intense carrière littéraire
qui le vit toucher à la poésie, au journalisme, à la fiction et à l’essai.
Rompant avec ses contemporains succombant aux
délices de la vieille Europe, marquant sa différence avec Ezra Pound et T.S. Eliot, Williams va
tracer sa propre route qui est avant tout celle d’un homme à la recherche de
ses racines. Né d’un père anglais et d’une mère portoricaine, il ne se sent pas
américain dans l’âme. Est-ce ce besoin d’origines qui va le pousser à
décomposer la poésie au point de la moderniser à lui seul ? Bousculant les
habitudes de l’époque, il agrémente ses poèmes d’éléments du concret et ose de
nouvelles métriques poétiques. L’expérimentation se faisant chez lui habitude et sacerdoce,
il fonde le mouvement objectiviste. Chantre de la poésie contemporaine, il va
devenir une influence revendiquée pour de nombreux auteurs de la génération
suivante (dont Allen Gisberg et Gary Snyder).
« Paterson »
est le nom de la ville de sa région de naissance qui sera également celle de sa
mort. C'est également le titre de ce qui est pour de nombreux critiques, de son œuvre phare, publiée en cinq
parties entre 1946 et 1958. Traduite en France en 1981, épuisée, il faut attendre 2005
pour que les éditions José Corti la rééditent.
Paterson, New Jersey |
Il s’agit
d’un très long poème qui s’étire géographiquement des Chutes du Passaic, près
de Paterson, jusqu’à New York. Composé de multiples parties où les passages en
vers et en prose sont enchâssés dans une sorte de montage, ce poème alterne
donc la versification (scènes urbaines) et la prose (articles, extraits de
journaux ou de notes, correspondance). Forme inédite de la poésie, cette façon
qu’ont les deux composantes de se répondre apporte un ton résolument moderne pour
lire des lignes qui ont pourtant été rédigées dans l’après-guerre. L’objectivisme
de Williams prend tout son sens dans ces vers. Lu en une seule traite, le
recueil souffre parfois d’impressions de redites et de longueurs qui nuisent à
la qualité subjective ressentie. C’est de mon point de vue une lecture qui doit
se faire en plusieurs fois, entrecoupée d’autres ouvrages, pour mesurer toute
la richesse stylistique et formelle que Williams y déploie.
On
devine que l’entreprise de traduction française menée par Yves di Manno en 1981
(et qui a été revue pour cette réédition) n’a surement pas été de tout repos.
Extraits :
"Car il existe un vent ou l'esprit d'un vent
dans chaque livre qui renvoie l'écho de la vie
jusqu'ici, un grand vent qui emplit les conduits
auriculaires jusqu'à ce que nous croyions entendre un vent
réel
entraîner notre esprit."
dans chaque livre qui renvoie l'écho de la vie
jusqu'ici, un grand vent qui emplit les conduits
auriculaires jusqu'à ce que nous croyions entendre un vent
réel
entraîner notre esprit."
(...)
"Le monde est le lieu d'élection du poème.
Quand le soleil se lève, il se lève dans le poème
et quand il se couche l'obscurité descend
et le poème s'assombrit,
on allume les lampes, les chats rôdent et les hommes
lisent, lisent - ou marmonnent, contemplent
ce que révèlent les lumières minuscules ou ce
ce qu'elles cachent ou ce que leurs mains cherchent dans le noir. "
Quand le soleil se lève, il se lève dans le poème
et quand il se couche l'obscurité descend
et le poème s'assombrit,
on allume les lampes, les chats rôdent et les hommes
lisent, lisent - ou marmonnent, contemplent
ce que révèlent les lumières minuscules ou ce
ce qu'elles cachent ou ce que leurs mains cherchent dans le noir. "
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