Le talent de Larry Brown ne s’est pas
exprimé longtemps. Cet auteur américain originaire du Mississippi a publié cinq
romans et deux recueils de nouvelles entre 1988 et 2003 avant de décéder d’une
crise cardiaque en 2004 alors qu’il n’avait que 53 ans. L’intégralité de son œuvre
a été traduite en français chez Gallimard dans la collection "La
noire" puis en poche dans la collection "Folio Policier". Même
si c’est anecdotique, force est de constater que la classification française et
cette habitude poussiéreuse de tout cataloguer sous des étiquettes ne fait pas
bon ménage avec la liberté de ton et de style de la littérature, américaine de
surcroit. Mais rien de nouveau sous le soleil, il s’agit là d’une rengaine bien
connue. D’ailleurs, et pour finir sur le sujet, il est amusant de constater que
dans certaines librairies les livres des éditions Gallmeister sont classées
sous le thème « Nature Writing » où cela ne se justifie pas toujours.
Mais qu’importe, louons cette
initiative des libraires qui permet de regrouper les titres de cette maison de
qualité que sont les éditions Gallmeister qui republient –entre autres- l’œuvre
de Larry Brown. J’ai profité de quelques jours de congés à noël pour lire d’affilée
deux de ses romans dans cette collection « Totem » que j’affectionne
pour plusieurs raisons (format, maquette, papier et bien sûr le plus important,
la qualité et l’homogénéité des textes). Voici un petit avis sur le premier d’entre
eux, "Joe" écrit en 1991.
Ce bouquin est sûrement celui qui a
fait le plus connaître son auteur, puisqu’il a bénéficié d’une adaptation
(plutôt bonne) au cinéma, du même titre, réalisé par David Gordon Green avec un
très bon Nicolas Cage dans le rôle de Joe, le personnage principal. Un
personnage qui est l’archétype de l’anti-héros, buveur, violent, mais qui a un
sens appuyé de la justice et de la liberté individuelle. Un homme aux réactions
spontanées et au passé agité dans lequel il essaye de ne pas replonger.
Certains individus semblent toutefois avoir un destin auquel ils ne peuvent pas
échapper. Voilà, en résumé, le petit grain qui fait tout l’intérêt de ce
bouquin. Et aussi le personnage de Gary dont la vie va basculer au contact de
Joe. Ce roman s’intéresse aux personnages marginaux, ceux qui semblent
condamner à patauger dans les difficultés et qu’une malédiction rejette tout en
bas lorsqu’ils parviennent à s’élever. L’écriture est à l’image de ces
caractères forts et introvertis : brûlante et sans fioriture. On se sent
immergé dans le récit, capté par les images d’un sud des Etats-Unis rural et
violent, austère et brut. Le tout dans une écriture qui ensorcelle. Un très
chouette bouquin, noir, oui, sûrement.
Quatrième de couverture : « Gary Jones a peut-être bien quinze ans. Sa famille vagabonde, arpente les rues et les bois du Mississippi tandis qu'il rêve d'échapper à cette vie, à l'emprise de son bon à rien d'ivrogne de père. Joe Ransom a la quarantaine bien sonnée. Il ne dénombre plus les bouteilles éclusées et les rixes déclenchées. Lorsqu'il croise le chemin de Gary, sauver le jeune garçon devient pour Joe l'occasion d'expier ses péchés et de compter enfin pour quelqu'un. Ensemble, ils vont avancer et tracer à deux un cours sinueux, qui pourrait bien mener au désastre… ou à la rédemption. »
Extrait :
« On peut pas vivre vingt ans avec quelqu’un sans le connaître, comme moi
je la connais. Elle va tout le temps à l’église et moi jamais. Elle aime pas
être avec des gens qui boivent, elle aime même pas sentir l’odeur de l’alcool.
Moi je bois, et j’aime ça. C’est tout. Si t’es obligé de te disputer avec
quelqu’un jour après jour, tu finis par en avoir marre de vivre avec lui. Et ça
change rien si tu l’aimes. »
Joe - Traduction de Lili Sztajn - Editions Gallmeister, collection Totem, 336 pages, 10 €
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