mardi 25 décembre 2018

L'état de l'Artaud en 2018

Antonin Artaud va passer dans le domaine public dans une semaine et tout le monde s'en fout. Même le ministère de la culture n'en a rien à foutre. C'est dire l'état de déliquescence de cet organe souvent aussi mou et peu impliqué que la bite d'un centenaire devant une rediffusion de "Thé Dansant". 

Rappelons pourtant - et à toutes fins utiles pour les ramollis du bulbe qui pètent dans la soie des ministères à arroser les amis - la préface "Le théâtre et la culture" au célèbre "Le Théâtre et son double" du même Artaud : 
"Jamais, quand c'est la vie elle-même qui s'en va, on n'a autant parlé de civilisation et de culture. Et il y a un étrange parallélisme entre cet effondrement généralisé de la vie qui est à la base de la démoralisation actuelle et le souci d'une culture qui n'a jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour régenter la vie (...) Le plus urgent ne me paraît pas tant de défendre une culture dont l'existence n'a jamais sauvé un homme du souci de mieux vivre et d'avoir faim, que d'extraire de ce que l'on appelle la culture, des idées dont la force vivante est identique à celle de la faim."

Pour les étourdis, souvenons nous qu'Antonin Artaud est mort voilà soixante-dix ans. Aussi, est-il nécessaire de préciser que cette préface sonne aujourd'hui avec une étonnante modernité ? 
(petit lien non promotionnel sur la page Artaud du site Gallimard).
Alors oui, Bernanos aussi va entrer dans le domaine public dans une semaine. Mais l'exilé amoureux du Brésil a souvent les faveurs des ondes francophones financées par les deniers publics. Qu'en est-il d'Artaud ? Comment un ministère dont la principale mission est de poser la Culture au-centre de tous les débats peut-il oublier un homme dont toute l'existence a brûlé au cœur même de toutes les Cultures ? Surréaliste, homme de théâtre et acteur, poète, dessinateur, l'ombre d'Artaud parait si puissante que personne ne semble en mesure de la célébrer comme il se doit. 

Celui qui en 1937 fut déclaré "dangereux pour l'ordre public et la sûreté des personnes" et interné, est-il victime d'un trop plein d'esprit et de talent ? Après l'avoir fait mourir à petit feu à coup de violents électrochocs, il semble que les gardiens du temple de la médiocrité proclamée préfèrent célébrer une loi à la con plutôt qu'une comète aveuglante de lumière. 
Artaud qui par delà sa mort continue de nous hanter comme le promettaient déjà les dernières lignes retrouvées de sa main avant son décès en 1948 et qui annonçaient la couleur : 
"De continuer à 
faire de moi 
cet envoûté éternel"

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