
lectures, écritures, avis, combats perdus d'avance et instantanés périmés, morts-nés et autres occlusions de conscience en attendant la suite.
samedi 31 août 2019
Journapalm 023

vendredi 30 août 2019
L'extrait du... 30 août

Larry Brown - Sale Boulot
(Gallmeister / Traduction Francis Karline)
Journapalm 022

Douze ans à arpenter cette plage de l’Atlantique avec son détecteur de métaux au bout du bras. Un objet devenu déterminant de son corps, comme l’est une canne blanche avec son aveugle. Lui, il guette le bip entre deux grésillements. Le signal pour se mettre à creuser. Alors quand il trouve un obus, les jours de fête, il l’entoure d’un énorme nœud rouge puis il l’enterre à nouveau, satisfait.
jeudi 29 août 2019
Journapalm 021

Elle n’était plus à une approximation près. Aussi n’a-t-elle pas hésité à égorger tous ces enfants pour les ajouter à plusieurs de ses tableaux. Une saturation de pigment rouge, voilà quelle serait sa signature artistique. Mais les tribunaux. Pas sûr toutefois que le tribunal se montre sensible à sa démarche. Il parait que le juge aime l’art contemporain.
mercredi 28 août 2019
L'extrait du... 28 août
« Excusez-moi, ça fait tellement longtemps. Je croyais que ça ne m'arriverait plus jamais. Tout ce que je vous ai raconté ce soir est faux. Je n'ai jamais voyagé, je n'ai jamais connu de grandes émotions, toute ma vie j'ai eu peur de souffrir alors je n'ai jamais rien vécu de fort. Il ne m'est jamais rien arrivé d'exceptionnel. de l'autoroute, rien que de l'autoroute, monotone, avec quelques arrêts sur des aires de repos et des pauses sandwichs surgelés. Bientôt ce sera le péage et je n'aurai rien vu, rien. Je ne veux pas rentrer à l'hôtel. Emmenez-moi chez vous, Bernard. Rien que pour cette nuit, je partirai demain, je vous le promets ! »
Pascal Garnier - L'A26 (Zulma)
Journapalm 020
Des hectares d’herbe grasse sous ses pieds, le confort douillet de l’étable où on prend soin d’elle. Mis à part la fin chez l’équarisseur, une vie de vache ressemble au paradis. Toute son existence durant, elle n’aura à se soucier de rien d’autre que de brouter, ruminer, chier.
Juste avant que l’on ne procède à son injection létale dans cette prison du Texas, Horace McCow réalise qu’il a plus en commun avec les vaches qu’avec les hommes.
mardi 27 août 2019
L'extrait du... 27 août

C'est ce qui arrive à bon nombre de vieilles personnes dans ce pays. Elles deviennent si vieilles et vivent si longtemps avec la mort qu'elles finissent par se perdre quand vient l'heure de mourir vraiment."
Richard Brautigan - La vengeance de la pelouse
(10/18, traduction Marie-Christine Agosto)
(10/18, traduction Marie-Christine Agosto)
Journapalm 019

lundi 26 août 2019
L'extrait du... 26 août

Thomas McGuane - L'homme qui avait perdu son nom
(10/18, traduction Brice Matthieussent)
Journapalm 018

- De toute façon, quand il en aura assez, il lâchera !
- Quand même, mes rideaux…
- T’inquiète maman, il chiera des carreaux demain, tu pourras les recoudre.
dimanche 25 août 2019
Journapalm 017

Mais à la première tempête d’équinoxe, des dizaines de baleines sont venues s’échouer sur les emplacements tracés dans le sable. Toutefois, les cétacés ont respecté le marquage au sol, allant même jusqu’à laisser libres les places réservées aux handicapés.
samedi 24 août 2019
Journapalm 016

L'extrait du... 24 août

"Quelques célibataires d’un certain âge, déjà, n’ont pas voulu, pas pu suivre le mouvement, quitter les bois, partir. Ils tâchent désespérément à tuer le temps sans issue, sans relève, qu’il leur reste. Ils déboulent à toute heure au bistrot, le seul commerce à n’avoir pas fermé ses portes, bottés, en bourgeron, sales, mal rasés, les yeux flous. Ils s’assomment sans un mot de liqueurs avant de regagner, sous le soir, leur antre froid, leur cuisine vide. Parfois, ça ne va plus du tout. Ni l’abrutissement des gros travaux ni celui que procure le vin ne peuvent plus leur dissimuler ce qui se passe. Ils sont, ils le savent, les derniers."
Pierre Bergounioux -
Un peu de bleu dans le paysage (Verdier)
vendredi 23 août 2019
Journapalm 015

jeudi 22 août 2019
Journapalm 014

« Elle n’est pas fiable ».
Voilà ce qu’ils ont déclaré sur un ton définitif adapté au contexte. Juste avant qu’un cumulonimbus blanc comme une mariée à froufrous ne se crève de pluie au-dessus du cimetière.
Ils ne parlaient pas de voiture ni de tondeuse, pas plus que de la petite victime de huit ans couchée dans le cercueil que l’on descendait sous terre.
Non vraiment, la mort n’est pas fiable.
mercredi 21 août 2019
L'extrait du... 21 août
"Est-ce que c'est pas toujours un peu sa propre mort qu'on prépare en relisant la vie des autres. Est-ce que ce n'est pas surtout à ça que servent les histoires : nous tendre un miroir. Nous permettre de nous promener dans l'existence d'êtres qui ne sont plus et dont la vie est toute entière là, sous nos yeux, avec ses hauts et ses bas, ses périodes fortes et ses creux, jusqu'au dénouement. A tenter de comprendre ce qu'ils ont cherché. Ce qu'ils ont souffert. Où ils ont réussi. Où ils ont échoué. Tout cela sans jamais cesser de penser à nous, vivants. A ce qu'ils peuvent nous apprendre."
Sylvain Prudhomme - Légende (Gallimard)
Journapalm 013

mardi 20 août 2019
L'extrait du... 20 août
"Ceux qui ont voyagé dans les steppes du Tartare, disent : « Revenir aux terres cultivées, à la complexité et l'agitation de la civilisation nous oppressait et nous suffoquait, l'air semblait nous manquer, et nous nous sentions à tout moment sur le point de mourir d'asphyxie. ››
Quand je veux me recréer, je cherche le bois le plus sombre, le plus épais et le plus interminable, et, pour les citadins, le plus lugubre marécage. J'entre dans un marais comme en un lieu sacré - un sanctum sanctorum- Il y a la force, la moelle de la Nature."
Quand je veux me recréer, je cherche le bois le plus sombre, le plus épais et le plus interminable, et, pour les citadins, le plus lugubre marécage. J'entre dans un marais comme en un lieu sacré - un sanctum sanctorum- Il y a la force, la moelle de la Nature."
Henry David Thoreau - De la marche
(1001 nuits, traduction Thierry Gillyboeuf)
Short Concours
J'ai décidé hier de participer à un concours de nouvelles courtes organisés par les éditions SHORT. Il s'agit notamment des éditions qui distribuent de très courtes fictions dans les gares ou les lieux publics.
Cette fois-ci il s'agit d'écrire une nouvelle noire sur le thème de la chaleur, de 8000 signes maximum.
J'ai mon idée de base, je vais écrire le texte dans la semaine. J'aurais besoin de vos votes pour avoir une chance d'être sélectionné.
Vous pouvez également participer, écrire un texte ou simplement lire les textes des participants. En attendant d'en reparler, tout est là : https://short-edition.com/fr/prix/court-et-noir-2019
Journapalm 012

Lui, il ne sera pas mort mais plus vraiment conscient ; son âme emportée par un oiseau lyre dans un ailleurs peuplé de fous épris de liberté. On ne le reverra plus ici.
lundi 19 août 2019
L'extrait du... 19 août
"Une bonne partie de l'antifascisme d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet il combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple."
Pier Paolo Pasolini - Ecrits corsaires
(Flammarion, traduction Philippe Guilhon)
Journapalm 011

« Moi je lui ai juste tiré dessus monsieur le juge. Ce qu’il est arrivé après, s’il est mort, c’est la faute de Dieu. »
dimanche 18 août 2019
Journapalm 010

Le crâne dépassait à peine. Posé au creux d’une dépression à trente mètres en bordure de la départementale. Recouvert d’herbages et de feuilles, de branchages anciens et de terre meuble. La frayeur passée, le cueilleur de champignons a pensé à un animal errant. Malgré l’absence d’autres ossements alentour.
Mais les investigations des plus grands spécialistes n’ont pas abouti. Sur l’étagère au fond de la cave où l’on a entreposé le crâne qui va maintenant prendre la poussière dans l’obscurité, une étiquette mentionne « crâne / espèce non identifiée ».
samedi 17 août 2019
Lecture : Paul-Bernard Marocchini - La fuite
Des premiers romans, il en tombe chaque année un peu partout sur les étals des librairies, le plus souvent destinés à s'étouffer dans l'oubli puis à rejoindre le pilon.
Quelques rares bouquins soutenus par des journalistes au mieux fatigués, au pire collaborateurs, sortent du lot et s'attirent des louanges injustement méritées dans les articles interchangeables de quelques journaux de connivence. Et je sais de quoi je parle, je suis abonné à l'un des plus célèbres d'entre eux.
Quelques rares bouquins soutenus par des journalistes au mieux fatigués, au pire collaborateurs, sortent du lot et s'attirent des louanges injustement méritées dans les articles interchangeables de quelques journaux de connivence. Et je sais de quoi je parle, je suis abonné à l'un des plus célèbres d'entre eux.
Il y a trop de romans. Trop de premiers romans. Trop de seconds romans. Trop de troisièmes romans... Trop de romans, trop de livres, trop de stock trop d'invendus, trop de rien. En tant qu'auteur j'ai la décence de ne pas emmerder les éditeurs avec mes élucubrations et de les réserver à un cercle très restreint de lecteurs proches, suffisamment patients et magnanimes pour me lire.
Toutefois on trouve parfois des bouquins qui vous parlent, qui vous évoquent quelque chose et que l'on n'oublie pas à peine leur lecture achevée. Il n'est heureusement pas nécessaire que le bouquin soit un chef d'oeuvre. Même pas un très bon livre, même pas un bon roman. Parfois c'est un bouquin maladroit, déséquilibré, qui souffre d'une multitude de défauts qui l'écartent des canons recherchés par la presse spécialisée grand public à la recherche de produits formatés.
"La fuite" est un premier roman. Celui de Paul-Bernard Marocchini, édité chez Buchet-Chastel en 2017. C'est un premier roman avec les écueils d'un premier roman, un peu de maladresse, une structure pas toujours maitrisée, un début raté... Oui mais c'est un bouquin qui m'a emporté et qui m'a fait me déconnecter de la réalité une paire d'heures. Parce qu'il est profond et écrit dans un style poétique et personnel. Alors oui ça rappelle quelques références d'une certaine catégories d'auteurs - américains principalement - que j'aime et qui sont souvent et injustement regroupés sous la bannière "nature writing" que brandissent les professionnels du livre avides de tout ranger dans des boites.
Ce qu'en dit l'éditeur : "Prisonnier d’une société qu’il méprise, un homme décide de partir à la rencontre de son animalité profonde. Perdu en plein bois, vivant de ses chasses avec, pour seule compagnie, son chien Lione, le narrateur va se détacher de toute notion de réalité et vivre de ses rêves. Une errance onirique qui lentement bascule..."
Alors oui, il y a un peu de David Vann dans ces pages, peut-être un peu de Thoreau aussi, et les alternances de descriptions et de réflexions qui rappellent McGuane en moins puissant. Ambitieux comme références ? Peut-être. Mais c'est un chouette bouquin, un premier roman qui n'est pas exempt de défauts mais qui a une voix, une personnalité. Ce qui à l'heure de l'uniformisation à outrance fait un bien fou par où ça passe.
Et puis il y a ce style, cette voix pleine de poésie, crépusculaire, frénétique par moments et qui tient le livre, qui le porte. De la vie dans les lignes. C'est ça que je demande à la littérature. Pas de chercher à faire du beau, mais à être beau même dans le noir.
Et puis il y a ce style, cette voix pleine de poésie, crépusculaire, frénétique par moments et qui tient le livre, qui le porte. De la vie dans les lignes. C'est ça que je demande à la littérature. Pas de chercher à faire du beau, mais à être beau même dans le noir.
Extrait :
Les crêtes dominaient, hautes et provocantes, verrouillant à merveille l’enceinte des collines. Le ciel s’obstinait à sombrer calmement derrière d’étranges silhouettes. Puis arrivait cet instant bref où l’azur vire au pourpre et vient épouser les cimes assombries. Soudain tout se figeait et, encerclé par une foule silencieuse, je n’étais plus seul. Les arbres ! Immobiles et noirs. Leur ligne de front se découpait tristement sur un dernier fond bleu. Droits et impassibles, ils semblaient m’épier, aux aguets comme prêts à lancer l’assaut. « Ils attendent la nuit ! » me disais-je souvent.
Paul-Bernard Marocchini - La fuite (Buchet-Chastel)160 pages
Libellés :
Chronique,
Lecture,
Paul-Bernard Marocchini
Journapalm 009

Et maintenant qu’elle observe Manhattan depuis cette plateforme élevée, avec le vent dans les cheveux et ces odeurs qui montent depuis l’Hudson ankylosé, elle ne se parvient plus à se souvenir ce qu’elle cherchait à apercevoir, au juste.
vendredi 16 août 2019
Journapalm 008
La guerre a dessiné une nouvelle géographie sur les collines. Creusé des souterrains clairs dans le cœur sombre des forêts. Les montagnes aspirées dans un mixeur géant, la végétation retournée dans le passé, le relief victime d’une troupe de réducteurs de têtes venus du ciel. Ceux qui ont aggloméré les villes en un amas de béton et de vitres brisées, d’immondices et de chairs humaines concassés, ceux-là, personne ne les a plus revus. Reste le soleil, pâle disque aux contours hésitants, jaune comme un œuf trop cuit dans une poêle que plus personne ne saisira.
jeudi 15 août 2019
Journapalm 007

L’enfant observe sa jambe avec une mine circonspecte. Peut-être un peu de déception aussi. Il pense « si j’étais un serpent je m’enfuirais sous les feuillage et je leur échapperais pour de bon ». Mais en fait de reptile, il est plutôt tortue et sous sa carapace molle on devine les épanchements de lait maternel.
mercredi 14 août 2019
Journapalm 006

Allongé dans mon lit, sous la couette qui émet des signaux
réconfortants à mon cerveau inquiet, je devine une étoile ou deux à travers le
vasistas ouvert sur le monde. Comme une fuite à ma propre vie.
mardi 13 août 2019
L'extrait du... 13 août
"Ils étaient venus à bout du premier litre. La vodka ne fait jamais mal lorsqu’on la boit à deux. Le principe du toast a été inventé par les Russes pour se passer de la psychanalyse. Au premier verre, on se met en train ; au second, on parle sincèrement ; au troisième, on vide son sac et, ensuite, on montre l’envers de son âme, on ouvre la bonde de son cœur, et tout – rancœurs enfouies, secrets fossilisés et grandeurs contenues – finit par se dissoudre ou se révéler dans le bain éthylique."
Sylvain Tesson - Une vie à coucher dehors (Folio)
Journapalm 005

Si elle s’approchait, elle
apercevrait le blanc des montagnes se refléter dans l’eau claire.
Mais elle est née du mauvais côté
de la rue, condamnée à vivre la moitié des choses dans son imagination. Alors
elle se retourne du côté mur de l’existence, sous sa couverture moisie qui sent
le renoncement et l’oubli.
lundi 12 août 2019
Journapalm 004

Lui, il préfère ne pas regarder au loin. Et pourtant la vue d'ici est spectaculaire. Il a appris l'instabilité invisible qui borde les chemins que l'on pense prometteurs et il n'a pas envie de se faire piéger.
Alors à la place il actionne son appareil à planter les clous. BAM ! BAM ! BAM !
Demain, sous le chapiteau aux toiles bien tendues, des enfants auront les yeux qui brillent.
L'extrait du... 12 août
"Tous les livres sont ainsi; ils s'épaulent les uns les autres dans les rayons des bibliothèques, peut-être sont-ils "populaires" au début, peut-être pas, mais finalement ils restent anonymes, oubliés, personne ne les lit; et c'est ainsi qu'il devrait en être, car c'est ainsi qu'il en va des vies."
William T.Vollmann - Les fusils (Babel, traduction Claro)
dimanche 11 août 2019
Journapalm 003
La femme commença par manger les crocus de son petit jardin. Très vite ça ne suffit plus. Alors elle ouvrit le portillon de sa modeste propriété.
Dehors le ciel ressemblait au ciel d’un film en technicolor, les bandeaux d’herbe sur les bas-côtés de la route rappelaient un pays lointain. Les primevères y dessinaient une mosaïque multicolore qui lui rappelait un conte de fée de l’enfance.
Elle se mit à quatre pattes et brouta les primevères jusqu’aux limites du département. Après le panneau, elle aperçut les lauriers roses. Alors, elle continua.
samedi 10 août 2019
Journapalm 002
Voilà dix-neuf ans que nous n'écrivons plus dix-neuf lorsqu’on indique l'année. Dix-neuf petits soldats de plomb alignés au bord de la falaise, devant la mer.
Nous n'écrivons plus jamais que nous sommes en 1900 quelque chose. Et les fantômes de ce siècle ne claquent même plus des dents. C'est qu'il ne fait pas si froid à l'aplomb du monde, tout en haut de cette falaise.
jeudi 8 août 2019
(Pas) comme un lundi

Ce lundi j'ai épuisé toutes les cartouches de luminosité de la journée.
Aux heures où se lèvent les fractales laiteuses, je me faufilais dans un tube estampillé TCL pour débarquer dans la gare fourmilière Lyonnaise.
Là, dans le confort aseptisé d'une voiture TGV de première classe, les oreilles bourdonnant légèrement, je devenais spectateur de ma vie. Dehors, sur l'autre face du monde résumé à un parallélogramme de jour naissant, j'observais l'univers retravaillé par les réducteurs de tête.
Le siège isolé, la tablette pour l'ordinateur, la petite lumière sur le côté : autant de signaux matériels pour confirmer ma présence inattendue en ces lieux.
Dans le tube estampillé RATP je me maquillais en rat d'apparat, la tête encore pleine des notes de fictions à venir relues de part et d'autre du Morvan. Sous les jupes de Paris, ça palpitait et ça crépitait de vie mais sans l'oppression habituelle, merci le relâchement d'août.
En fin de matinée, je me retrouvais dans un second TGV, quittant la capitale en direction de Bordeaux. Là encore, un siège isolé, de la musique dans les oreilles pour atténuer les alentours et la mise au propre des notes de prochains romans. Comme autant de crochets plantés dans la paroi du monde pour me raccrocher à la vie.
Les quatre vingt minutes passées dans un taxi blanc comme un beluga me confrontaient à la valeur du temps qui passe, à la signification de celui que l'on perd; constamment. Le Médoc scintillait de lumières : le bleu du ciel, le vert des vignes, le blanc des murs d'enceinte. Sur cette petite route qui rejetait Bordeaux derrière moi, je me sentais détendu, presque soulagé, malgré les heures sans intérêt à venir. Dans un pied de nez à l'effroyable machine du quotidien, j'osais un sursaut comme une fuite vers l'océan, ses promesses d'oubli et d'autre monde.
Retrouvant ma voiture, j'entamais dans l'après-midi un retour vers mes contrées d'adoption, additionnant les kilomètres de goudron le long de ce tapis griffé A89 mais parfois baptisée Transeuropéenne pour briser la dictature des codes. La tête encombrée de pensées tour à tour perturbées, éclopées, mal finies, hésitantes, maladroites, ambitieuses, lunaires, didactiques, joyeuses, et parfois aussi, apocryphes. Juste pour tromper l'inanité de la conduite vers nulle part et tout à la fois.
Comme un lundi, j'ai fini par retrouver mon appartement de l'ouest Lyonnais. Juste au moment où les orages de début de soirée rappelaient l'imminence de la nuit qui s'approchait déjà, imparable, force tutélaire insensible à tout, responsable de rien. Rappelant notre condition de bouts de bois pourris flottant à la surface d'un océan trop vaste, livrés à la furie des courants contre lesquels il est vain de lutter.
Je venais de traverser la France, ou presque. Je venais de perdre des heures derrière un volant mais ça n'était rien car plus tôt j'avais mis à profit des heures habituellement gaspillées en vains soubresauts dans une cage appelée bureau. (Pas) comme un lundi j'avais pu expérimenter la chance d'être un homme libre. Et de me rappeler que la littérature justifie tout le reste.
mardi 6 août 2019
La citation du... 6 août
jeudi 1 août 2019
L'art de... s'emmerder
"L'art français de la guerre".
Je le trouve pas mal ce titre. Mais un bouquin ne se réduit pas à son titre. Enfin pas toujours. Des fois, peut-être vaudrait-il mieux, et parfois il est heureux que non.
Alexis Jenni a écrit un premier roman qui a remporté le Goncourt en 2011. En règle générale les rentrées littéraires et tout ce qui va avec (les prix littéraires notamment) ont le chic, au moins de me laisser indifférent, au pire de m'emmerder prodigieusement. Il ne s'agit pas souvent de littérature mais plutôt de snobisme, de petits arrangements entre amis, de gros sous, avec le cortège de flatteurs et de profiteurs qui vont avec... Il s'agit un peu de tout ce qui rend notre monde glauque et sinistre, et donc il ne s'agit pas de littérature.
"L'art français de la guerre" est un projet ambitieux qui couvre 50 ans de guerre de l'armée française (2ème guerre, Indochine, Algérie). L'analyse à posteriori, les thèses personnelles de l'auteur ainsi que ses opinions, le récit de l'horreur (truisme) se mélangent au roman en s'intercalant entre des parties justement nommées "roman" (au cas où on ne le comprendrait pas).
Que dire ?
Je ne vous parlerai pas très longtemps de ce bouquin.
Parce que je n'ai même pas eu la force d'en atteindre le premier quart.
C'est bien écrit ? Oui, d'accord, Alexis Jenni sait écrire. Oui d'accord il a des choses à dire.
C'est brillant ? C'est ambitieux et on ne peut pas taxer l'auteur de médiocrité. Le vocabulaire est d'une grande richesse.
Mais c'est chiant. C'est répétitif. C'est long. C'est lourd.
C'est puissant ? Oui, il y a des passages remarquables de style. Et d'autres passages franchement pénibles, du radotage sans intérêt.
Mais c'est lourd. Je l'ai déjà signalé mais je le dis à nouveau. Car c'est TRES lourd. Et que c'est beaucoup de théorie pour peu de matière vivante.
De la viande... Stop ! Aller à l'os. On en est loin. Et ça ne m'émeut pas. Moi quand je me fais chier en lisant, je deviens triste.
Alors je vais le ranger ce bouquin, après avoir échoué à atteindre le premier quart de ses plus de 650 pages. Parce que quand on se répète à écrire un bouquin de 650 pages qui aurait pu n'en faire que 300 meilleures, on propose un plat indigeste à ses convives. Et que pour un lecteur, devoir lire ça, c'est comme de baiser pendant trente minutes sans rien ressentir et d'être obligé se retirer de sa partenaire sans être parvenu à jouir.
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