Je connais mal Sylvain Tesson. Nous sommes pourtant de la même génération, à peine deux ans d'écart mais il fait partie de ces hommes que je me plais à jalouser secrètement. Frondeur bien né au cerveau bien fait, il correspond à ce genre d'aventuriers diplômés que la paresse et mes limites intellectuelles m'ont empêché de devenir. On ne se refait pas.
Tesson aime la géographie et il aime courir le monde autant qu'explorer sa propre vie, certainement conscient de la brièveté de celle-ci depuis qu'en août 2014 il a chuté d'un toit et frôlé la mort. Une remise à zéro des compteurs en quelque sort pour un miracle dont il est sorti le corps meurtri, le visage tordu mais sûrement l'esprit changé à jamais.
Après avoir pédalé autour du monde il y a plus de vingt ans, gambadé dans une Russie dont on l'imagine bien embrasser le caractère slave, roulé en side-car sur les routes de la retraite de Russie, chevauché en Mongolie, Sylvain Tesson a voulu retrouver la patience du marcheur. Il dit que pendant qu'il était sur son lit d'hôpital, le corps en miettes, il s'était juré de traverser la France en marchant s'il s'en sortait.
La suite c'est ce livre, "Sur les chemins noirs", le récit de cette longue marche. Une diagonale du massif du Mercantour jusqu'au Contentin par ces chemins que les cartes au 1/25000 ème soulignent, ces chemins noirs comme il les appelle. Deux mois et demi de marche à la fin de l'été 2015 à travers les zones rurales de notre pays, en se tenant loin des ZAC, des ZUP et de toutes ces zones de rien aux tristes acronymes. A travers la Provence, les Cévennes, l'Aubrac, la Loire, et la Touraine, Tesson convoque les étapes successives de l'histoire récente de la France qui en ont bouleversé le visage. C'est également l'occasion pour lui de reprendre possession de son corps après son accident et l'année passée en rééducation.
Récemment sur le plateau de la grande librairie, Tesson évoquait sa nécessité de se confronter aux choses et de les vivre pour les raconter, se disant incapable d'imaginer. En revanche, le lecteur de ce bouquin imagine tout à fait un homme (Tesson ou soi même) en train de marcher dans cette France rurale que les discours modernes se plaisent à railler ou à oublier, au bénéfice de ce qu'ils appellent le progrès. Progrès de quoi ?
J'ai aimé ce bouquin, court et rempli d'oxygène, sans grand discours moralisateur mais qui invite à la réflexion et à affûter le regard sur notre quotidien. Tesson y creuse son sillon, original et séduisant, et plusieurs fois j'ai pensé que j'aurais aimé partager un bivouac avec lui dans ces forêts de France pour parler de tout et de rien et surtout profiter de l'instant présent. Le temps qu'on oublie et qu'on saccage sans cesse.
Le seul petit écueil toutefois, constitue son usage du passé. Il donne à ce récit une ambiance particulière qui fige le texte dans une nostalgie un peu inutile. Un présent aurait peut être donné plus de force encore à ces pérégrinations.
Extrait : "La carte est le laissez-passez de nos rêves. Ces tracés en étoile et ces lignes étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisières, des vies antiques, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinaient de ces artères. C'étaient mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l'échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n'y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage.. Certains hommes espéraient entrer dans l'histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître".
J'ai aimé ce bouquin, court et rempli d'oxygène, sans grand discours moralisateur mais qui invite à la réflexion et à affûter le regard sur notre quotidien. Tesson y creuse son sillon, original et séduisant, et plusieurs fois j'ai pensé que j'aurais aimé partager un bivouac avec lui dans ces forêts de France pour parler de tout et de rien et surtout profiter de l'instant présent. Le temps qu'on oublie et qu'on saccage sans cesse.
Le seul petit écueil toutefois, constitue son usage du passé. Il donne à ce récit une ambiance particulière qui fige le texte dans une nostalgie un peu inutile. Un présent aurait peut être donné plus de force encore à ces pérégrinations.
Extrait : "La carte est le laissez-passez de nos rêves. Ces tracés en étoile et ces lignes étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisières, des vies antiques, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinaient de ces artères. C'étaient mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l'échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n'y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage.. Certains hommes espéraient entrer dans l'histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître".
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