Il y a onze mois de cela, Daniel Smart Fante, plus communément appelé Dan Fante a rejoint son célèbre et encombrant père l'écrivain et scénariste John Fante dans le monde qui commence après la fin.
La plupart des lecteurs ne le liront jamais. J'avoue que s'il n'avait pas été le fils de son illustre père, pas sûr que j'aurais franchi le pas il y a bientôt vingt ans.
Comme j'en parlais ici même il y a peu, la vie de Dan Fante n'a pas été un long fleuve tranquille. Reconnu sur le tard, il a publié cinq romans, un recueil de nouvelles et deux recueils de poésie entre 1998 et 2014.
Les quatre romans de son cycle ayant pour personnage principal Bruno Dante sont ses bouquins les plus connus. Ils peuvent se lire dans n'importe quel ordre, j'indique ici l'ordre de publication chronologique aux USA :
- Chump Change - 1998 (en VF : "Les anges n'ont rien dans les poches")
- Mooch - 2001 (en VF : "La tête hors de l'eau")
- Spitting off tall buildings - 2002 (en VF : "En crachant du haut des buildings")
- 86'd - 2010 (en VF : "Limousines blanches et blondes platine")
Avec la lecture de "Limousines blanches et blondes platine", je termine ce cycle que j'avais entamé à la fin des années 90.
Le narrateur au plus bas dans sa vie, décroche un emploi de conducteur de maître dans une société de limousines de Los Angeles. Un boulot comme une bouée de sauvetage pour un type revenu de tout et qui tente de se sauver de son alcoolisme morbide.
Premier Extrait : « Être chauffeur de limousine à L.A. est une drôle de façon de gagner sa vie. Un peu comme de bouffer de la merde au cul d’un chien, pour faire plaisir à Dieu le Père. La clientèle de Dav-Ko L.A. était principalement constituée d’oiseaux de nuit et autres zombies : riches producteurs suramphétaminés ou jeunes stars du rock aussi cons que gâtés, rappeurs style gangsta avec le flingue enfoncé dans le calbute, anciens acteurs alcooliques privés de permis, et une tripotée de frimeurs pétés de thune. Des êtres humains incarnant les pires travers de L.A. : un ego surdimensionné et beaucoup trop de blé. »
L'histoire de ce Bruno Dante, looser impénitent, alcoolique qui ne crache pas sur les cachetons, a certes un peu tendance à se répéter. La magie de la découverte du premier tome s'est effacé et avec elle l'effet de nouveauté s'est émoussé. A force d'explorer ce personnage qui n'est jamais qu'une projection vaguement fictionnelle de l'homme qu'a été Dan Fante, l'écrivain tombe dans la caricature. Alors ce n'est pas mauvais mais s'il a attendu huit ans entre le troisième et le quatrième tome, c'est peut être parce qu'il n'avait plus grand chose à raconter.
Second extrait : « J'ai travaillé avec quatre types qui se sont suicidés, sobres. Quatre types comme moi. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je suis un mec qui veut y arriver – faire des trucs bien – mais j'y arrive pas. Pourquoi j'en veux toujours à mon patron et pourquoi je fais peur aux mômes ? Pourquoi, après des années d'abstinence, je continue à péter la gueule des mecs qui me font des queues-de-poisson sur la route ? »
Toutefois, comme toujours en lisant les aventures alcooliques du paumé Bruno Dante, et sachant que c'est l'histoire même de Dan Fante à peine romancée, on ne peut s'empêcher de ressentir une empathie pour ce personnage. C'est d'ailleurs là que se situe la principale force d'attraction de ces romans. Dans la façon qu'ils ont de nous faire interroger sur nos propres failles, en se projetant à la place du personnage principal et en s'étonnant de ses réactions parfois étonnantes. Comme si Bruno (ou Dan) cherchait à aller au fond du caniveau, à plonger au plus profond de la misère pour y trouver une réponse qui lui échappe. Celle de sa place dans une vie coincée entre sa propre folie et l'absence d'un père qui de son vivant fut trop écrasant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire